Ramle Mint Sid’Ahmed Lehbib vient de s’éteindre, à Paris, dans la nuit du 18 au 19 novembre 2022 où elle séjournait, à plein temps, depuis quelques années afin d’y suivre des soins médicaux de routine. Les Mauritaniens, nombreux, qui ont eu l’honneur et la chance de la croiser, de discuter avec elle ou de recevoir ses faveurs, décrivent tantôt une « institution » gardienne de la mémoire du pays, tantôt un « monument » de culture et de finesse.
Tous s’accordent à lui reconnaître des exploits de courtoisie, l’humour, l’art de la conversation et une insondable générosité dont la discrétion s’accorde, chez elle, aux formes les plus exquises de l’élégance. Fille d’homme d’Etat et femme d’ambassadeur, Ramle, jeune, déjà, avait l’expérience du pouvoir et cette familiarité lui inspirait plutôt de la distance ironique envers le faux, le zèle et la déloyauté. Ramle représentait et incarnait l’inverse, grâce à son sens aigu de l’honneur, qu’elle hérite de son influente mère, Maneu, une autre figure de la Mauritanie des débuts ; la fille avait de qui tenir. Elle réussit à s’imposer dans la société du patriarcat.
Plus jeune spectatrice du Bolchoï à quelques pas de la loge de Léonid Brejnev quand son époux Abdellahi Ould Sidiya officiait à Moscou, Ramle ne cessera de fréquenter les grands et les puissants auxquels elle accordait, pourtant, les mêmes attentions qu’à ses innombrables protégés. La mécène avertie, la bienfaitrice aux aguets du moindre signe de détresse autour d’elle et encore plus loin, la femme politique sans parti, l’illustre défunte nous quitte, par surprise, d’où la violence du chagrin.
Le diplomate Ahmedou Ould Abdallah, témoin de la jeunesse de Ramle à Aïoun, ami et allié de ses parents Sid’Ahmed Lehbib et Maneu Mint Moulaye Zeïne ne s’y trompe guère ; son oraison donne la mesure de la perte : « Triste nouvelle et disparition d'une grande personnalité Maure, ambitieuse travailleuse et généreuse. Elle incarnait ainsi toute une génération sociale et culturelle de ce pays. Elle sera regrettée dans et hors du pays et bien sûr chez elle à Aioun El Atrouss.
Que Dieu lui ouvre vastes les portes du Paradis. ». Ramle était, à la fois, du Tarza et du Hodh et portait le meilleur de la Mauritanie en elle, avec piété, humilité et la conscience tranquille de devoir mourir…Elle s’y préparait depuis toujours. Les poètes de l’oraison témoigneront. Hélas, même les plus talentueux ne parviendront à dire la densité du personnage tant son portrait défie l’éloquence et l’imagination.
Inna li Allah iwa inna ilayhi raji’oune…