Rien de durable ne peut être bâti sans fondation. Cette vérité élémentaire vaut, naturellement, pour la stabilité et la pérennité de l’Etat et de ses institutions.
C’est le peuple qui soutient tout l’édifice national. En retour, celui-ci attend de ses gouvernants la satisfaction de certains besoins basiques : moyens de subsistance, logement, santé, éducation, sécurité, etc. Ce sont là les piliers du contrat social. C’est là aussi, la condition sine qua non pour l’édification de toute société qui aspire à vivre en harmonie.
Dans cette optique et au-delà du confort passager du moment, il devient urgent de bâtir un nouveau projet de société sur la base d’une répartition constitutionnelle du pouvoir entre les différentes composantes nationales. Une répartition juste et pérenne avec comme corollaire une redistribution plus équitable de la richesse du pays entre tous ses habitants.
Pas de méprise. Au-delà du discours hypocrite des professionnels du boniment et autres thuriféraires, il faut se rendre à une évidence : Pour peu qu’on se place dans une optique prospective, tout analyste averti conviendrait que la préservation de l’unité nationale, de la paix civile et sociale, voire de la pérennité de l’Etat lui-même est à ce prix.
Un tableau de bord peu reluisant
En effet, on ne peut continuer à faire fi d’un tableau de bord dont les voyants ont une fâcheuse propension à passer au rouge. Certains intellectuels, lanceurs d’alerte ont mis l’accent sur la dangerosité de la situation en devenir. Et c’est bien là le rôle dévolu à une élite patriotique. Mais ces mises en garde, isolées et discontinues, n’ont pas encore eu l’impact recherché sur le cours des événements, d’autant qu’elles sont, parfois, déclinées sur un ton cotonneux et convenu.
Pourtant, nous avons au-dessus de nous ou par devant nous, un ciel chargé de nuages menaçants avec, déjà, au loin, un grondement de tonnerre, entrecoupé d’éclairs furtifs. Autant de signes avant-coureurs, annonciateurs de sévères turbulences.
Le confort de l’immédiateté, le carriérisme pour les uns, la recherche effrénée du profit pour les autres ne doivent pas occulter des problèmes existentiels qui menacent l’avenir et le devenir du pays.
Jusqu’ici, les régimes qui se sont succédé ont toujours différé l’examen de ce problème national qui revêt pourtant une urgence absolue. Même s’ils ont vaguement conscience de sa gravité, ils ont sans doute jugé qu’il s’agit d’une affaire compliquée aux conséquences incertaines dont l’examen, malgré son acuité, doit être sans cesse reporté. Sans doute pour éviter un retour de bâton qui pourrait mettre en péril leur propre pouvoir.
Il s’agit donc d’un Rubicon qu’aucun chef d’Etat n’ose, pour le moment, franchir. Toujours la procrastination, c’est-à-dire la tendance à ajourner, à remettre au lendemain.
L’intérêt supérieur du pays d’abord
Pourtant, l’intérêt supérieur de la nation doit primer sur celui d’un individu fût-il chef de l’Etat. Le tout est une question de volonté politique. Sénèque disait : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ».
Pour bien appréhender la portée et la dimension de cette impérative refonte des institutions de l’Etat, il faut se projeter dans les quelques années à venir. La situation politique est, par définition, fluctuante et notre pays à la faveur de soubresauts inattendus, induits par une conjoncture nationale ou géopolitique défavorable pourra connaitre des heurts aux conséquences imprévisibles.
Cette épée de Damoclès reste une menace permanente pour la cohésion et l’unité nationales. C’est pourquoi, seule une levée de boucliers généralisée, à tous les niveaux, sous l’autorité du chef de l’Etat pourrait mettre le pays à l’abri de l’irréparable.
Devant une scène politique nationale éclatée sur fond de fortes tensions inter-ethniques, cet objectif ne peut être atteint qu’en versant au rebut le mode de gouvernance de naguère. En d’autres termes opter pour une stratégie d’ensemble en rupture avec les pratiques politiques stériles du passé.
Naviguer à vue ne mène nulle part. Le temps du recours aux mesures cosmétiques et autres rustines, à l’opacité des scrutins électoraux, à l’esbroufe est révolu. Une sourde clameur monte des tréfonds du pays, notamment des quartiers populaires : Une lame de fond en formation. Les citoyens meurtris par des décennies de frustration et de promesses non tenues aspirent à vivre dans un minimum de dignité et de bien-être.
L’opinion publique, les ONG, les réseaux sociaux sont, désormais, vent debout contre l’arbitraire et militent pour la redistribution de la richesse nationale.
Est-il nécessaire de rappeler ici que la conjugaison de plusieurs facteurs, économiques, démographiques, culturels, politiques, sociaux, sociologiques et sociétaux, a radicalement bouleversé la scène politique nationale. C’est pourquoi il serait illusoire de vouloir continuer à gérer le pays avec un logiciel qui date du milieu du siècle dernier. Sauf à vouloir arrêter la marche inexorable du temps.
C’est dire qu’il est urgent de refréner les velléités néfastes des tenants du statu quo, des thuriféraires de tout poil et autres extrémistes qui ne voient ou ne veulent voir que la partie émergée de l’iceberg : Le confort du moment.
Pour désamorcer toutes ces bombes à retardement qui menacent, à terme, l’avenir et le devenir du pays, on devra, le moment venu, penser à l'élaboration d’une nouvelle constitution qui actera la naissance de la 3ème république. Il ne s'agira pas d’une révision, d’une réforme ou d’une modification de la constitution mais d’une refonte totale de l’actuelle Loi fondamentale.
En Mauritanie, on a déjà connu deux républiques : la première république (1960-1978), la deuxième république (1978-2029) avec le terme de l’actuelle mandature. Si l’initiative proposée est retenue, la nouvelle constitution entrera en vigueur, au plus tard, en 2029.
L’élaboration d’une nouvelle constitution : Une priorité nationale
Une commission nationale composée d’experts pourra proposer au président un avant-projet, suivi d’Assises nationales et une vaste campagne d’explication et de sensibilisation, probablement sur fond d’un enthousiasme et d’une ferveur populaires sans précédent.
Depuis plusieurs décennies, les problèmes s’accumulent et on fait du sur-place. Or, en science politique, les problèmes peuvent se multiplier mais jamais se superposer. Car cela entraîne, tôt ou tard, l’affaissement de l’Etat.
Cette refonte de la constitution devra être axée sur un point crucial : l’équité sur tous les plans, entre les différentes composantes du pays.
N’en déplaise à ceux qui professent encore le maintien du statu quo pour conserver un poste ou des avantages matériels, la Mauritanie, une fois de plus, ne peut plus être gouvernée avec un logiciel qui remonte aux années 80 du siècle dernier.
Le pays a plus que jamais besoin de bons mécaniciens pour réparer l’appareil d’Etat et le placer sur les bons rails. Des hommes intègres, compétents qui ont un sens aigu de la prospective. Le tout sur fond d’une démocratie apaisée où chaque ethnie trouve sa juste place dans l’édifice national.
Un dialogue national pas comme les autres
Pour se faire, il faudra rompre avec l’esprit qui a toujours présidé aux assises des dialogues nationaux passés, lesquels n’ont jamais abouti à quelque chose de concret, de tangible. Seulement des joutes oratoires sur fond d’incantations et de récriminations.
Les débats devront, cette fois-ci, être canalisés avec en perspective un objectif bien déterminé : Réussir la synthèse entre les différentes contributions des participants. Loin des sentiers battus et rebattus de naguère, se dessinera alors un nouveau projet de société avec comme cadre la constitution de la 3e république.
Pas de méprise : Sans cette nouvelle constitution qui actera une répartition plus juste du pouvoir politique et une redistribution plus équitable de la richesse nationale, tout dialogue national restera vain. Voué à l’échec.
Pour mener à bien ce dialogue national, il faut un homme à la hauteur de la tâche. Car il s’agit d’un travail prenant qui requiert à la fois l’expérience, le recul, un bagage intellectuel consistant et, par-dessus tout, un esprit prospectif.
Le président a choisi pour cette délicate mission Moussa Fall. Connu pour son sérieux, son empathie naturelle et sa rigueur dans le travail, il s’agit, de surcroît, de l’une des personnalités nationales qui connait le mieux les arcanes du microcosme politique. Mathématicien et économiste de formation, il a l’habitude de résoudre des équations à plusieurs inconnues.
Avant de terminer, une remarque : Les participants au dialogue national devront avoir en ligne de mire une seule chose : l’avènement de la 3e république. Le redressement du pays, la cohésion et l’unité nationales sont à ce prix.
La Mauritanie est à la croisée des chemins. Si un président de la République, quel qu’il soit, venait à engager ce processus constitutionnel salutaire, il sauverait le pays de la désunion et du chaos et entrerait par la grande porte dans l’histoire.
Nota Bene : Pour plus d’information sur la 3e république, se référer à mon nouveau livre MOSAÏQUE, chapitre intitulé : Quel régime politique pour la Mauritanie de demain ? pages 22 à 40.
Cet ouvrage est disponible dans les librairies de Nouakchott :
- Vents du Sud et 15/21 (Immeuble El Mami).
- Joussour Abdel Aziz (face à l’Ambassade de Tunisie).
lecalame