Après s’être illustré sur le plan international pendant des années comme champion des droits de l’Homme, portant la cause antiesclavagiste comme une Croix, ce qui lui vaudra durant plus d’une décennie emprisonnements, brimades et exactions chez lui, mais aussi honneurs et médailles ailleurs, y compris un prestigieux Prix des Nations Unies en 2013, Birame Dah Abeid, leader abolitionniste, président du mouvement mondial Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA Mauritanie) se révèle incontestablement comme le deuxième homme fort du pays. Après sa deuxième place lors de la présidentielle de 2013 où il se positionna juste derrière le président de la République en exercice, coiffant au poteau deux poids lourds de l’échiquier politique national, il a réitéré l’exploit lors de la présidentielle du 22 juin 2019.
Non seulement il a déjoué tous les pronostics, en se plaçant derechef juste derrière le candidat du pouvoir, coiffant pour la deuxième fois au poteau, un ex-Premier ministre soutenu par une large coalition de partis de l’opposition, de la majorité révoltée et d’une pléthore de personnalités indépendantes, ainsi que deux autres candidats d’envergure, il a triplé son score. Sa popularité déjà acquise, malgré les fraudes électorales sans lesquelles il aurait certainement forcé, pour ne pas dire mieux, le candidat du pouvoir au deuxième tour, fait qu’aujourd’hui, Birame Dah Abeid est désormais incontournables sur l’échiquier politique mauritanien.
Cependant, c’est un tout autre Birame qui s’est révélé pendant et après le scrutin de 2019. Un leader antiesclavagiste qui s’est mué en l’espace de deux scrutins présidentiels en un fin stratège. Son pragmatisme politique qui le pousse aujourd’hui à acculer le pouvoir autour d’un dialogue consensuel pour arracher par la négociation autant de concessions en faveur d’une cohabitation pacifique avec le pouvoir actuel, prolongement de celui qui lui succédera dans une semaine, en a dérouté plus d’un. D’aucuns auraient voulu le voir prolonger la confrontation avec le pouvoir, ce qui aurait eu des conséquences imprévisibles sans apporter des solutions viables pour une population mauritanienne exsangue et vidée déjà par dix années d’une gouvernance anarchique et coûteuse.
Ce revirement d’une lutte par la rue, jadis marque déposée du mouvement IRA qu’il dirige, vers une politique de concertation et de dialogue, a ainsi transparu lors de la cérémonie que sa coalition a organisée lundi 22 juillet 2019 au Palais des Congrès de Nouakchott. Le discours que Birame Dah Abeid a prononcé durant cette soirée, en présence de deux ministres du gouvernement, Seydina Ali Ould Mohamed Khouna et Amédi Camara, en plus d’un gotha appréciable de la société civile et de personnalités d’envergure comme le président de la Commission nationales des droits de l’homme et le Bâtonnier de l’Ordre national des avocats, a été clairvoyante, conciliante mais ferme dans ses principes.
La pertinence de la position postélectorale que les candidats de l’opposition, Mohamed Maouloud, Kane Hamidou Baba, Sidi Mohamed Boubacar avec Birame Dah Abeid ont choisi pour décongeler une scène politique longtemps figée dans une animosité qui a fini par empoisonner la vie de tout un peuple, est sans doute la solution la plus intelligente qui pourrait marquer la cohabitation future, entre la majorité formée par le camp du prochain président, Mohamed Ould Ghazwani, et le nouveau pôle recomposé de l’opposition démocratique.
Cheikh Aïdara
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