Dans le jargon des analystes politiques, le journaliste et éditorialiste de RFI M. J. B. Placca, fort lu et écouté sur le continent, défend à propos de l’arrestation préventive de M. Ould Abdel Aziz, une thèse ultra réaliste qui rappelle celle, classique, suivant laquelle, nous les Africains, devrions prendre comme une aubaine, les cadeaux « démocratiques » que ceux qui gouvernent auraient eu l’amabilité de nous faire, en dehors de toute autre exigence de vérité et ou de justice.
Puisque tel dirigeant a décidé d’organiser des « élections », cela suffit, quelles que soient les conditions dans lesquelles de telles « élections » se dérouleraient. Si, pour des raisons qui lui sont propres et qui sont liées à ses propres intérêts du moment, après avoir tenté en vain de forcer un 3 -ème mandat, il décide de quitter le pouvoir, alors cette « aubaine » devrait se traduire pour le peuple concerné par un quitus pour sa gouvernance, même et surtout, si elle a été caractérisée par la mise en place d’un système généralisé de corruption comme ce fut le cas en Mauritanie. Bref la démocratie serait tellement une rareté qu’il faudrait louer celui qui nous l’apporte sur un plateau, même de m…! La démocratie se passerait des conditions même de sa définition et de son essence même et se contenter de n’être que son ombre.
En l’occurrence, ce que M. Placa ignore – et l’ignorance n’est pas un argument !- sur le plan strictement judiciaire, c’est que M. Aziz a profité de cette idéologie ambiante dans les milieux occidentaux depuis 8 mois pour narguer la justice, insulter tout le monde, refusant par exemple de respecter les conditions de sa mise en résidence surveillée, en organisant des marches tous les jours à Nouakchott, en refusant d’obtempérer aux forces de police pourtant promptes à réprimer pour moins que ça.
Tous les jours il a organisé des conférences de presse et fait des déclarations intempestives, pendant des mois, sans jamais être inquiété. Lui dont la spécialité durant son règne fut justement de museler et embastiller journaux et journalistes, hommes politiques, syndicalistes ou hommes d’affaires, selon ses nombreuses humeurs.
Hors du pouvoir, il se savait ou se croyait au dessus d’un traitement classique d’un citoyen ordinaire accusé des pires crimes économiques. La démocratie, ce sont les règles qui la fondent et l’animent, aimantées par l’égalité des citoyens au nom desquels elle se légitime.
La démocratie n’est pas le fruit d’un jeu de hasard ni le résultat d’un deal conclu entre un voleur passager de pouvoir et son peuple. C’est un long processus dont chacune des étapes est reliée aux suivantes par les intérêts non des détenteurs provisoires de ce pouvoir mais par les aspirations profondes du peuple, tels que celui-ci est en mesure de les exprimer réellement. Si, chaque brigand au pouvoir en Afrique devait, pour le quitter, dans le respect au moins formel de la constitution, se faire délivrer le quitus et le certificat d’impunité pour tous ses crimes, quel intérêt le peuple tirerait-il de cette « alternance » corrompue?
La démocratie ne s’achète pas comme au marché de Thieb thieb. Elle s’impose et mérite respect seulement, en définitive, comme la volonté profonde des citoyens.
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Lo Gourmo / Avocat
Kassataya