Un tribunal de Khartoum doit rendre samedi son verdict à l'encontre de l'ex-président soudanais Omar el-Béchir, accusé de corruption, quelques mois après sa destitution par l'armée sous la pression de la rue.
Ce "tribunal spécial" doit se prononcer à partir de 10H00 (08H00 GMT) et rendre une première décision de justice visant l'ancien homme fort du Soudan, évincé du pouvoir le 11 avril après un règne autoritaire de 30 ans.
Dans cette affaire, qui concerne des fonds perçus de l'Arabie saoudite, M. Béchir encourt jusqu'à 10 ans de prison.
Depuis le mois d'août, il assisté à plusieurs audiences dans ce procès, assis dans une cage métallique. Arrivé au pouvoir en 1989 par un coup d'Etat, l'ex-officier est détenu depuis avril à la prison de Kober à Khartoum.
Samedi matin, un important dispositif de sécurité était visible dans les rues de Khartoum. "Nous empêcherons toute violence", a prévenu l'armée dans un communiqué.
Parallèlement, les autorités de transition ont annoncé samedi matin la dissolution des organisations professionnelles mises en place sous M. Béchir, conformément aux revendications du mouvement qui a obtenu en avril la chute de l'ex-dictateur.
Le Soudan est aujourd'hui dirigé par un gouvernement de transition avec un Premier ministre civil et un Conseil souverain composé de militaires et de civils.
- Premier procès -
"C'est un procès politique", a répété à la presse Mohamed al-Hassan, l'avocat de M. Béchir, qui a notamment assuré que l'argent n'a pas été utilisé à des fins personnelles mais sous forme de "dons".
Selon un témoin au procès, l'ex-président soudanais aurait ainsi donné quelque cinq millions d'euros au redouté groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (RSF).
Si l'ex-président a reconnu avoir perçu un total de 90 millions de dollars (81 millions de d'euros) de la part de dirigeants saoudiens, le procès ne concerne que 25 millions de dollars (22,5 millions d'euros) reçus, peu avant sa chute, du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Les autorités ont saisi à son domicile 6,9 millions d'euros, 351.770 dollars et 5,7 millions de livres soudanaises.
Le Soudan est l'un des pays les plus touchés par la corruption: il occupe la 172e place sur 180 au classement mondial de l'organisation Transparency International.
Mais le procès de M. Béchir pour corruption est "une petite affaire comparée aux crimes qu'il a commis", souligne Adam Rashid, secrétaire général adjoint de l'Association des avocats du Darfour.
Il doit être jugé pour ses délits et crimes, "petits ou grands", exige-t-il. "Les victimes de ses crimes au Darfour n'ont que faire cette affaire".
De fait, ce premier procès n'évoque pas les lourdes accusations portées depuis une décennie contre M. Béchir par la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis contre lui deux mandats d'arrêts pour "crimes de guerre", "crimes contre l'humanité" et "génocide" au Darfour.
Cette province occidentale soudanaise a été le théâtre d'une guerre sanglante entre rebelles et forces pro-gouvernementales. Le conflit, qui a éclaté en 2003, a fait 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU.
- Extradition ? -
A ce jour, le gouvernement de transition mis en place en septembre, n'a pas autorisé l'extradition de l'ex-dirigeant à La Haye où siège la CPI.
Si le Soudan n'a pas ratifié le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, le pays a l'obligation juridique d'arrêter M. Béchir. Car l'enquête de la CPI sur les crimes au Darfour a été effectuée sous mandat de l'ONU, dont le Soudan est membre.
Les Forces pour la liberté et le changement (FFC), qui ont mené la contestation contre M. Béchir, ont dit n'avoir aucune objection à une extradition.
Outre l'affaire de corruption et les accusations devant la CPI, M. Béchir pourrait devoir répondre d'autres crimes présumés devant la justice de son pays.
Le 12 novembre, les autorités soudanaises ont émis un nouveau mandat d'arrêt à son encontre pour son rôle dans le coup d'Etat de 1989, sur lequel une commission spéciale du parquet de Khartoum enquête.
Selon le procureur général, M. Béchir est aussi mis en cause pour des meurtres commis lors des manifestations ayant conduit à son éviction. A ce jour, il n'a pas eu à répondre de ces accusations.
AFP