Le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, M. Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine, a paraphé, dans la nuit du lundi, avec les présidents des partis politiques, le document final de l’Accord sur les résultats des Concertations entre le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation et les partis politiques autour de la préparation inclusive et consensuelle des élections législatives, régionales et municipales de 2023.
Ci-dessous le texte intégral de l’Accord Politique dont les grands axes figurent dans un document de 9 pages dont copie est parvenue à l’AMI :
« Préambule
– Dans le cadre de la volonté de son Excellence le président de la République Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, d’apaiser la scène politique à laquelle les partis politiques ont réagi positivement, soucieux de contribuer à l’avènement d’une atmosphère favorable à la restauration de la confiance entre les différents acteurs de manière à permettre une concertation sur les grandes questions nationales ;
– En vue d’assurer une excellente préparation des élections législatives, régionales et municipales prochaines dans un cadre offrant à toutes les parties les garanties requises,
– Vu les contraintes exercées par la proximité des échéances électorales ;
– Et sur orientation du président de la République ;
Le ministre de l’Intérieur et de la décentralisation a convié les partis politiques à une concertation en vue d’un accord politique visant à moderniser notre système électoral et à garantir des élections libres et transparentes.
Répondant à l’invitation, les partis politiques, opposition et majorité confondues, ont pris part à toutes les étapes de la concertation œuvrant à sa réussite et défendant, en toute liberté et responsabilité, leurs positions et propositions.
Au terme des débats, les deux parties ont convenu de ce qui suit :
Ainsi à l’issue des différents rounds de discussions, l’accord a porté sur les points suivants :
1. Proportionnelle dans les élections régionales et municipales ;
2. Proportionnelle dans les élections législatives ;
3. Institution d’une liste nationale des jeunes ;
4. Circonscriptions électorales de la ville de Nouakchott ;
5. Commission Electorale Nationale indépendante
6. Calendriers électoraux ;
7. Recensement Administratif à Vocation ;
8. Financement des campagnes ;
9. Etat ;
10. Dispositions particulières ;
Premièrement : Proportionnelle dans les élections régionales et municipales
Compte tenu du rôle que joue la proportionnelle dans l’élargissement du champ de participation et de représentation des différents acteurs politiques locaux et dans le renforcement du contrôle citoyen des conseils régionaux et municipaux sur les présidents des conseils régionaux et les maires afin ‘la transparence de la gestion du service public , tout en respectant la volonté des électeurs et en assurant la préservation de la stabilité du service public, il a été convenu :
Adoption de la proportionnelle à un tour pour les élections des conseils régionaux et municipaux. Toutefois, les présidents des conseils régionaux et les maires seront les têtes de listes ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés et la répartition des sièges conformément aux suffrages obtenus par chacune des listes concurrentes. Toutefois, des mécanismes externes aux résultats électoraux seront mis en œuvre pour éviter la paralysie du service public.
Deuxièmement : Proportionnelle dans les élections législatives :
Afin de renforcer la proportionnelle en tant que moyen permettant une plus grande participation des différents acteurs politiques au sein du Parlement, il a été convenu :
Les députés à l’Assemblée nationale seront élus pour 50 % selon le système proportionnel et les 50 % restants selon le système majoritaire à deux tours.
Après prise en compte de la représentation des six (6) nouvelles moughataas créées à la suite du dernier découpage administratif et conformément à la clé de répartition prévue par la loi, le nombre de députés à l’Assemblée nationale passera de 157 à 162 à l’issue des élections de 2023, de sorte que le nombre de députés élus selon un scrutin à la proportionnelle représentera 45,68 %. Il a donc été décidé d’augmenter ce pourcentage de 5 % pour atteindre les 50 % convenus, soit une augmentation de 14 députés élus à la proportionnelle. Ainsi, le parlement de 2023 sera composé de 176 députés dont 50 % élus au scrutin majoritaire à deux tours et 50 % élus au scrutin proportionnel, en attendant l’achèvement du recensement général de la population.
Troisièmement : La liste nationale des jeunes :
Afin d’assurer la présence des jeunes (60,2 % des Mauritaniens ont moins de 25 ans), de garantir une représentation des personnes handicapées et d’augmenter le quota de femmes au sein du Parlement il a été convenu :
Instaurer une liste nationale pour les jeunes de 11 sièges, en alternance entre les deux sexes, et dont au moins deux sièges réservés aux personnes handicapées.
Quatrièmement : Circonscriptions électorales de Nouakchott :
Compte tenu de l’importance démographique de la ville de Nouakchott et de son découpage administratif en trois Wilayas, et afin de rapprocher davantage les députés de leurs électeurs, il a été convenu :
Procéder au découpage de la ville de Nouakchott en trois ( 3 ) circonscriptions électorales correspondant aux trois wilayas, chaque circonscription ayant sept ( 7 ) sièges, soit une augmentation de trois ( 3 ) sièges par rapport au nombre existant, portant le nombre total de sièges de Nouakchott à 21 .
Cinquièmement : La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI)
Étant donné que le mandat de l’actuelle commission électorale se termine en avril 2023 et que les préparatifs des prochaines élections législatives, régionales et municipales ont déjà commencé, et afin d’assurer la participation de tous les partis politiques dans le choix des membres de la nouvelle commission et de permettre à celle – ci de bien préparer et de manière précoce et participative les prochaines élections en vue de leur organisation ultérieure, il a été convenu :
Installation de la nouvelle Commission électorale nationale indépendante avant le 31 octobre 2022.
Sixièmement : Calendriers électoraux :
Pour concilier les exigences du respect des compétences de la Commission électorale et la nécessité de tenir des élections dans une période favorable et dans des conditions climatiques adéquates garantissant à tous les électeurs la possibilité d’accomplir leur devoir électoral de manière convenable, il a été convenu :
La fixation des dates des élections est laissée à la diligence de Commission électorale en concertation avec le Gouvernement et les partis politiques, tout en tenant compte des conditions climatiques en termes de saison des pluies et de températures élevées.
Septièmement : Recensement Administratif à Vocation Electorale :
Afin d’assurer la participation de tous les électeurs à travers l’établissement d’un fichier électoral exhaustif et sincère, il a été convenu :
Un recensement administratif à vocation électorale sera organisé par la Commission électorale en concertation avec le Gouvernement et les partis politiques.
Huitièmement : Financement des campagnes électorales :
Afin de permettre aux partis politiques de jouer le rôle d’encadrement et d’éducation des citoyens et de participer efficacement aux élections, et afin de renforcer la transparence du financement des campagnes électorales, il a été convenu :
Acceptation par l’Etat du principe de financement public d’une partie des dépenses de campagnes électorales, selon une procédure à définir ultérieurement avec les partis politiques.
Neuvièmement : État civil :
Étant donné qu’il existe un grand nombre de cartes d’identité dont la validé est échue, en sus de la nécessité d’émettre de nouvelles cartes pour les citoyens ayant atteint l’âge de voter, il a été décidé que :
Toutes les mesures nécessaires seront prises pour permettre à tous les électeurs d’exercer son droit de vote dans les meilleures conditions.
Dixièmement : Dispositions particulières
Suite aux discussions complémentaires, les parties à la concertation ont convenu des dispositions particulières suivantes :
1. Garanties de transparence et de neutralité de l’Administration et des institutions publiques.
Compte tenu de l’importance de la transparence dans la crédibilité des élections et la légitimité des institutions et comme elle est de nature à rassurer les compétiteurs et garantir l’ancrage de la démocratie, de la paix civile et la stabilité et la sécurité du pays, les parties conviennent :
– Le Gouvernement doit veiller à l’application des lois et textes en vigueur dans le domaine des garanties de transparence des élections et de neutralité de l’Administration et des institutions publiques en concertation avec la Commission électorale ;
– Le gouvernement doit garantir la neutralité de toutes les institutions publiques dans les opérations électorales ;
– Le Gouvernement doit s’engager à permettre à la Commission électorale nationale indépendante, conformément aux lois et règlements en vigueur, d’exercer la plénitude de ses pouvoirs et à lui fournir des moyens nécessaires pour assurer un processus électoral transparent ;
– Le Gouvernement œuvre à prendre toutes les mesures dictées par le présent accord ou à prendre en concertation avec la Commission électorale et les partis politiques, notamment la révision du cadre juridique et institutionnel des élections et dans les délais requis en vue d’assurer l’organisation d’élections inclusives, équitables, transparentes, convaincantes, crédibles et acceptables pour tous
– Le Gouvernement s’engage, en concertation avec les partis politiques, à créer un « Observatoire National d’Observation des Elections » et de le doter des attributions et de moyens lui permettant d’élargir sa présence et d’avoir une présence effective aux niveaux régional et local ;
– Prendre des mesures dissuasives contre l’achat de consciences et pour la prévention contre l’influence sur le vote des fonctionnaires et employés
– Garantir un accès équitable aux médias publics (temps d’antenne) et la même couverture des activités de tous les candidats
– Modifier la loi sur les incompatibilités pour plus de cohérence et l’effectivité des principes de neutralité et d’objectivité des services publiques.
– Centraliser les dépouillements des votes sur les listes nationales au niveau des Moughataas et Wilayas.
2. Election des députés représentants les Mauritaniens de l’Etranger :
Compte tenu de la nécessité de respecter le principe constitutionnel de l’élection des députés au suffrage universel direct, et dans un souci d’associer les Mauritaniens de l’étranger au choix de leurs représentants au Parlement, ce qui améliorera leur encadrement et leur rattachement à la patrie et leur contribution au développement du pays, les parties conviennent de permettre aux Mauritaniens de l’étranger d’élire directement leurs représentants. Les modalités et mécanismes du vote seront élaborés en tenant compte des contraintes pratiques, logistiques et techniques. Ces modalités et mécanismes seront élaborés par la Commission électorale nationale indépendante en concertation avec le Gouvernement et les partis politiques.
3. Calendriers électoraux
a. Publier la liste électorale trente (30) jours avant le jour du scrutin ;
b. Convoquer le collège électoral soixante (60) jours avant le jour du scrutin.
c. Réviser les délais de recours contre les décisions de la Commission Electorale et de ses démembrements pour assurer plus de cohérence et œuvrer pour la mise en place d’un mécanisme permettant aux juges de statuer sur les recours.
4. Personnels de la Commission Electorale et des bureaux de vote
En concertation avec la Commission électorale, les parties conviennent d’œuvrer pour :
a. Impliquer les partis politiques dans toutes les étapes de choix des bureaux de vote, notamment le découpage géographique, le nombre d’électeurs dans chaque bureau, les critères de choix des membres des bureaux ;
b. Impliquer les représentants des listes dans le processus en toute transparence et les traiter de manière appropriée et faciliter les procédures de remplacement des représentants des listes en cas de nécessité ;
c. Fournir aux représentants des listes de disposer des copies des PV immédiatement après le dépouillement ;
d. Afficher un extrait du procès – verbal des résultats de dépouillement sur le bureau immédiatement après le dépouillement.
e. Observer les règles de transparence et d’objectivité dans le recrutement du personnel de la Commission Electorale, la répartition des bureaux de vote et le choix des présidents de bureaux de vote.
f. Autoriser le vote avec le passeport.
g. Etaler le vote des Mauritaniens de l’étranger sur une semaine commençant 7 jours avant la date du scrutin.
4. Financement des campagnes électorales
a. Appliquer l’ordonnance nº035-2006 et son décret d’application n°113-2006 de manière à garantir l’égalité des chances entre les concurrents et augmenter le financement accordé par l’État pour soutenir les listes candidates afin de tenir compte des effets de l’inflation, en particulier dans le domaine des services liés aux campagnes électorales (transport, publicité…)
b. Déterminer le plafond autorisé pour le financement des campagnes électorales.
c. Mettre en place un mécanisme approprié qui limite l’utilisation de « l’argent politique » , de l’argent public et des moyens de l’État, et un contrôle strict des dépenses injustifiées pendant les campagnes électorales.
d. Mettre en place les comités nationaux, régionaux et locaux chargés du suivi et de l’intégrité des campagnes électorales, en obligeant chaque parti à déclarer son budget de campagne une semaine avant la campagne.
e. Rendre obligatoire pour le parquet d’engager une action en justice en cas de violation des lois régissant les élections et permettre aux candidats de le faire.
5. Suivi de l’accord Les deux partis conviennent :
a. Poursuite des concertations entre le Gouvernement et les partis politiques pour améliorer le régime électoral ;
b. Création d’un Comité de Suivi composé des parties à la concertation (MIDEC et partis politiques) pour le suivi de la mise en œuvre de l’accord.
Fait à Nouakchott le 26 septembre 2022 »
AMI