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Quel devenir pour la Mauritanie?

Dimanche 2 Septembre 2018 - 22:25

La Mauritanie est objet de nombreux débats au sein de ses communautés respectives. Au niveau de sa classe politique, de multiples acteurs s’agitent. Mais à y regarder de près, tout apparait confus pour un esprit analytique. Nombreux échanges relatifs à la situation du pays sont souvent creux. On parle même, dans le milieu mauritanien, avec humour, de discussions de salons.

La raison essentielle de cet état de faits est liée à l’absence de culture générale, politique, de la place qu’occupent la science et l’esprit critique au sein de l’espace mauritanien. Or, un progrès ne peut être accompli dans un pays sans une exigence intellectuelle et éthique de la part de la société civile, de son élite et de ses acteurs politiques. Lorsque nous parlons d’élite, nous ne pensons guère au seul fait d’être instruit mais d’une attitude animée par le sens du bien commun et de la justice. Pour paraphraser notre ainé Joseph Ki-Zerbo, nous disons qu’être intellectuel n’est pas un statut juridique mais une attitude face à la vie.

 

Il nous semble nécessaire, dans ces conditions, de clarifier la problématique mauritanienne.La Mauritanie, comme la plupart des Etats africains, est le fruit d’une histoire particulière qu’il est nécessaire de décrypter en vue de mieux cerner son fonctionnement actuel. En Afrique, la création des Etats est, globalement, le fruit d’une volonté extérieure. Cet élément d’extranéité a   de lourdes conséquences sur son destin. La création d’une Nation est le fruit d’un long processus. Dans certains cas, l’Etat a préexisté à la Nation, puis, progressivement, s’est développé un sentiment national. Dans un second cas, ce sont des peuples qui se sentent appartenir à une même entité qui manifestent leur volonté de vivre ensemble. La Nation, comme le dit Renan, est une volonté de vivre ensemble, de partager un destin commun. Or, dans de nombreux pays du Continent, la difficulté du vivre ensemble, entre communautés, se pose, même si nous constatons qu’aujourd’hui, dans des pays comme la France, ayant une longue tradition démocratique, ce problème subsiste. Cela nous montre que l’histoire de la Nation est une construction permanente.

 

L’idée de la Nation est une question fondamentale dans le bon fonctionnement d’un Etat. Selon l’UNESCO  : « L’Etat-nation est un domaine dans lequel les frontières culturelles se confondent aux frontières politiques. L’idéal de l’Etat-nation est que l’Etat incorpore les personnes d’un même socle ethnique et culturel. Cependant, la plupart des Etats sont polyethniques. Ainsi, l’Etat-nation « existerait si presque tous les membres d’une seule nation étaient organisés en un seul Etat, sans autres communautés nationales présentes. Bien que le terme soit souvent usité, de telles entités n’existent pas ».

 

La Nation comme nous le pensons est un produit du 19ème siècle. Depuis les temps modernes, la nation est reconnue comme « la » communauté politique qui assure la légitimité d’un Etat sur son territoire, et qui transforme l’Etat en Etat de tous les citoyens. La notion d’Etat-nation insiste sur cette nouvelle alliance  entre nation et Etat. La nationalité  est censée lier le citoyen à l’Etat et aux avantages des politiques sociales de l’Etat Providence  ».

 

Sans entrer dans trop de détails, l’émergence de la notion de Nation, au 19ème siècle, est liée à une volonté de distinguer les peuples occidentaux supposés être organisés des autres peuples supposés ne pas l’être.  Nous sommes dans une époque où le racisme prend racine, racisme qui a justifié la colonisation.

 

La Mauritanie  est composée d’ethnies différentes et la difficulté est d’y faire émerger le sentiment d’appartenir à une même communauté et de partager un destin commun. En dehors de la question ethnique, se pose, de manière globale,  le problème de la règle de droit et de son application qui assure l’égalité entre citoyens. Ainsi, nous touchons au vrai problème, de cet Etat, qui nous permet d’articuler les  jalons de notre analyse. Il faudrait donc remonter aux origines de la création de la Mauritanie pour comprendre sa situation actuelle et les crises qu’elle traverse. C’est en décembre 1899 que la France décide, unilatéralement, de regrouper, sous le nom de la Mauritanie, différents groupes de populations  entre le Fleuve Sénégal, au Sud, Tombouctou, à l’Est, l’Oued Noun, au Nord (Goulimine). La côte atlantique fermant l’Ouest.

 

Sans revenir sur les péripéties de la conquête coloniale française, la Mauritanie accède à l’indépendante dans ses frontières actuelles, en 1960,  L’élément essentiel donc à retenir est celui de l’extranéité qui est à l’origine de regroupements de populations n’ayant pas une histoire commune qui aurait rendu possible la volonté de vivre ensemble et de partager un destin commun au sein d’un même espace politique. Il reste qu’à l’indépendance,  rien n’était encore perdu. Il était possible de travailler en vue de faire émerger une nation harmonieuse. Car l’histoire nous enseigne que dans certains pays, bien que l’Etat ait précédé la Nation, celle-ci a fini par naître. Malheureusement, la politique qui a été menée dans ce pays n’a pas favorisé son éclosion. Différents facteurs nous éclairent sur ce qui s’est passé et a conduit à la difficulté du vivre ensemble perceptible de nos jours. Comme dans de nombreux Etats africains, les dirigeants mauritaniens comme leurs pairs d’autres pays ont d’avantage mené une politique visant à diviser les populations qu’une politique en faveur de l’instauration d’un Etat égalitaire.

 

Les difficultés de ce pays dépassent donc largement la question de la cohabitation des communautés, même si celle-ci est essentielle. En fait, nous ne sommes pas sûr que si les Noirs-africains étaient au pouvoir que la Mauritanie fonctionnerait mieux. Il reste que ce sont eux, avec les Harratine, qui sont victimes de discriminations, d’humiliations, bien que de nombreux Arabo-berbères soient aussi des exclus.Il faut donc réfléchir différemment afin de poser le véritable mal à l’origine des dysfonctionnements de l’Etat mauritanien. La problématique fondamentale est celle de l’émergence d’un Etat de droits tendant à faire de ses citoyens des êtres égaux. Ce qui pose la question de la souveraineté populaire.

 

L’égalité entre citoyens, la souveraineté nationale, sont le fondement de « l’Etat de droits démocratique », fruits de luttes permanentes et successives. Ce sont elles qui font qu’un peuple est reconnu comme le détenteur légitime et effectif du pouvoir. Nous en arrivons donc à nous demander comment fonder, aujourd’hui, un Etat moderne en  Mauritanie ?

 

En Mauritanie, globalement, il y a une culture et une vision du monde, partagées entre Harratine, Noirs-africains et Arabo-berbères, fondées sur celles de l’inégalité entre êtres humains. Ce n’est, ainsi, qu’en se détachant de cette mentalité que nous pouvons voir surgir un Etat mauritanien dynamique et créatif. Cela demande une nouvelle génération qui ne pense plus en termes d’appartenances particulières mais de droits. Ainsi, la survenue d’une Mauritanie nouvelle dépendra essentiellement d’une mutation du mode de pensée. Malheureusement, la plupart des Mauritaniens et des acteurs politiques de ce pays  sont enfermés dans des considérations particularistes.Souvent, derrière un discours démocratique et de justice, se cache une mentalité éthniciste et/ou féodale.

 

Ce n’est, par conséquent, que par un lent et persévérant travail au sein de la communauté mauritanienne, pour ne pas dire des communautés, qu’émergera une société éclairée, guidée par la recherche de l’égalité, de la justice, et de la solidarité. Cela suppose de la part de tous les ressortissants de ce pays et de ses acteurs politiques un nouvel élan qui s’articule autour d’une éducation plus qualitative des populations qui vise à une meilleure compréhension de la notion d’Etat et des droits humains.

 

La Mauritanie n’est pas un cas particulier en Afrique. Mais ce qui fait la différence au sein des Etats africains sont la clairvoyance et l’éthique de ses élites. Malheureusement, le pays du « million de poètes » est confronté au problème d’accouchement d’une classe d’individus perspicaces. Ceux qui ont été à l’école ont peu de distance par rapport à l’opinion du plus grand nombre et la recherche de l’élévation de l’âme qui existait,  par-ci, par là, disparaît peu à peu.

 

Rares sont les Etats africains où il y a bonne gestion de la chose publique. Il appartient donc aux Africains de prendre leur destin en main. Accepter d’être exigeants, d’aimer la justice, de travailler en vue de la création d’Etats modernes où des citoyens bien formés ont de plus en plus de pouvoir.Pour arriver à cette fin, il faudrait de nouveaux militant et éducateurs acharnés qui aient une culture « d’Etat de droits démocratique » et partagent des valeurs qui tournent autour du bien commun et de la cohésion sociale. Cela veut donc dire que c’est maintenant, avant qu’il ne soit tard, qu’il faudrait commencer le travail qui devait être fait depuis 1960 : agir ainsi en vue de la  naissance d’un Etat régi par la loi où les droits attachés à chaque individu, au-delà de ses appartenances ou de ses relations, sont  respectés. Cela demande une éducation et une acceptation de la notion de mérite au cœur de l’organisation collective.

 

L’Ecole, ainsi que le dialogue nationale, à ce titre,  doivent jouer un rôle fondamental. Le dialogue national dont il est ici question n’est point celui entre politiques mais celui entre Mauritaniens sincères, assoiffés d’une bonne gestion du bien commun et de la paix sociale.

 

L’avenir d’un pays dépend donc,  largement, des actes posés par chacun de ses membres. Il est classique de voir les populations africaines critiquer leur pouvoir mais ce qu’elles oublient est que le bon fonctionnement d’un Etat dépend d’eux. Hegel disait que les peuples ont les chefs qu’ils méritent. Même si cette pensée a ses limites, elle contient une part de vérité. Ce n’est pas parce qu’Hegel était un raciste que tout ce qu’il dit n’est pas fondé. Comme disait notre frère Thomas Sankara :  » L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte, ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. 

source Kassataya.com

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