Dans bientôt six mois, les Mauritaniens vont retourner aux urnes. Cette fois, pour choisir leur président de la République. Le second et dernier mandat de l’actuel locataire du Palais gris s’achève en 2019. Et, jusqu’à preuve du contraire, Mohamed ould Abdel Aziz ne modifierait pas la Constitution pour en briguer un troisième. Il semble même plutôt occupé à préparer sa succession. Le puzzle se met en place, petit à petit, surtout depuis les dernières élections municipales, régionales et législatives d’Août dernier. Des élections que son parti a largement remportées. L’UPR et les autres formations du bloc présidentiel disposent d’une majorité mécanique, pour ne pas dire « soviétique » (122 députés sur 157).
Dans ce confortable matelas, Ould Abdel Aziz peut désigner tranquillement son dauphin : selon toute vraisemblance, le général Ghazwani. Cet alter ego vient d’être coopté ministre de la Défense au sein du gouvernement post-élections. Un passage obligé, pour l’apprentissage de la vie civile et politique. En tout cas, le président Aziz ne devrait pas tarder à officialiser le nom de son successeur, une fois achevé le placement de ses hommes de confiance à la tête des institutions stratégiques, comme l’Assemblée nationale, le gouvernement et les armées. Le voilà donc à concrétiser ce qu’il a maintes fois annoncé ; soit, en substance : qu’il ne quittera pas le pays, après la fin de son dernier mandat ; qu’il soutiendra un candidat à la présidentielle et continuera à contrôler ce qui se passe en Mauritanie ; se refusant à laisser ceux qui viendront après lui détruire ce qu’il a construit. Pour les observateurs, le message du Président aux opposants est clair : pas d’alternance en 2019. Une proclamation lancée depuis Néma, il y a quelques années déjà. Souvenons-nous qu’il avait ajouté, peu après, qu’il n’était pas là pour perdre le moindre combat.
Veillée d’armes ?
Notre opposition dite « radicale », rassemblée, depuis quelques mois, dans l’Alliance Electorale de l’Opposition Démocratique (AEOD) a-t-elle suffisamment compris et décrypté cette volonté ? Si oui, que fait-elle pour contrecarrer cet objectif? A priori, rien de tangible, à ce jour. Réussira-t-elle à s’unir derrière une candidature unique en 2019 ? Après sa restructuration, en Avril 2017, le FNDU avait mis en place une commission pour préparer l’alternance démocratique. Présidée, à l’époque, par l’ex-Premier ministre Ould Waghf, actuel président d’ADIL, cette commission avait pour mission de « construire une vision commune qui ouvre la voie à une alliance électorale, pour les échéances à venir ». La fondation de l’AEOD, à la veille des dernières élections locales, en fut une première étape. Mais, depuis la clôture de celles-ci, elle ne semble guère active. La commission du FNDU avait développé un travail technique au niveau politique, économique et social, chargeant divers experts à l’établissement de « diagnostics et de propositions par secteurs et thématiques », indiquait Ould Waghf dans une interview au Calame, en Août dernier. Et, comme la présidence de la République est la principale institution du pouvoir exécutif, « l’alternance démocratique ne peut s’opérer qu’avec l’élection d’un président de la République issu de l’opposition. C’est pourquoi », précisait le président d’ADIL,« toute l’opinion publique s’y est focalisée ».
Après la naissance de l’AEOD, la commission devait, en principe, se concentrer sur la préparation du programme commun. Rien ne semble bouger, de ce côté-là. Excepté le brûlot publié par Moussa Fall, président du Mouvement Convergence Démocratique (MCD). Dans ce document intitulé «2008-2018, une décennie perdue », l’éminent économiste met à nu, avec des statistiques pertinentes, les défaillances et les disfonctionnements de l’économie mauritanienne. Il charge, lourdement, la barque de l’actuel pouvoir qui avait choisi de faire de la lutte contre la gabegie son cheval de bataille. Mais charger son adversaire n’est pas construire un programme.
On se demande, aujourd’hui, ce qu’attend l’opposition pour se positionner dans la perspective de la présidentielle. Certains de ses leaders semblent plus préoccupés par leur première expérience parlementaire que par la prochaine échéance. Hormis quelques conférences de presse et déclarations des uns et des autres, l’opposition semble se complaire dans le silence, alors que le temps presse. Aurait-elle choisi d’aller en rangs dispersés ? Une option au demeurant fort probable : plusieurs de ses leaders n’avaient-ils pas qualifié d’utopique la seule idée d’une candidature unique ? Avancer en ce sens pourrait faire éclater, comme le FNDU l’a toujours redouté, ce conglomérat de partis politiques, syndicalistes et personnalités indépendantes. C’est peut-être par prudence que nul n’ose s’y aventurer. Quitte à condamner toute chance d’alternance en 2019 ? La récente prise en main de la commission, par Tawassoul – présidence tournante – devrait pourtant faire bouger les lignes. Le simple fait que le pouvoir ait, tout récemment, décidé de placer le parti islamiste dans son collimateur est, en soi, un signe de la validité de cette hypothèse. On attend donc des suites palpables… Avant la fin de cette année ?