Notre pays va mal. Très très mal. Nous sommes plus que jamais prisonniers d’un prisme racial aveuglant, avec une référence systématique et obsessionnelle à la couleur de la peau ou à une supposée "communauté". Une clef de lecture devenue hégémonique, à travers laquelle nous avons tendance à appréhender tous les phénomènes sociaux et politiques. N’importe quel acte administratif et n’importe quelle décision politique ne peuvent échapper à cette logique réductrice. Une implacable lecture raciale qui parasite le débat et compromet les chances de trouver des solutions viables aux différentes polarisations porteuses d’incertitudes.
Nous avions mis en garde contre le discours décomplexé de surenchère véhiculé par des hérauts de la séparation raciale et par des leaders populistes, fossoyeurs de l’unité nationale, dont la conséquence est aujourd’hui cet enferment communautaire et ce repli identitaire frileux, avec des grilles d’analyse simplistes et manichéennes qui transforment n’importe quel acte individuel en une discrimination institutionnelle puis en responsabilité collective.
En classant les Mauritaniens en fonction de leur appartenance ethnique, raciale ou de leur couleur de peau, en réduisant les contradictions sociales à une supposée lutte raciale, en faisant la promotion de solidarités mécaniques au détriment du sentiment d’appartenance nationale, ce discours anti-démocratique alimente le feu de la discorde et finit par dresser les Mauritaniens, les uns contre les autres, favorisant ainsi une logique d’affrontement porteuse de luttes fratricides, susceptible de précipiter le pays vers le chaos.
Cette tendance à tout ramener aux discriminations institutionnelles verse largement dans la dimension symbolique, en simplifiant les problèmes, forcément complexes, et en les réduisant à des dimensions épidermiques ou d’appartenances ethniques, au lieu d’essayer de comprendre et d’analyser les défis structurels, les dysfonctionnements et les problèmes auxquels sont confrontés tel ou tel secteur pour proposer des solutions. D’où cette propension à se situer dans la dénonciation systématique, dénuée de nuance, et à tout expliquer par le prisme de la discrimination, faute d’avoir quelque chose à dire sur le reste. Comme si aucune rationalité ne pourrait exister en dehors d’une telle posture. Pourtant, tout ne se résume pas dans ce pays à une dimension discriminatoire, quand bien même cette dimension est présente en Mauritanie.
De manière plus prosaïque, en quoi la cooptation de ministres ou de directeurs supplémentaires, issus de la communauté négro-africaine va-t-elle contribuer à régler les problèmes prosaïques des populations pauvres dans la vallée? En quoi le promotion de généraux Maures au sein de l’armée a-t-elle amélioré les conditions de vie des populations bidhanes démunies au fin fond des Hodh ou dans l’Adrar ? Et en quoi la nomination d’un premier ministre et de plusieurs ministres haratines a comme impact sur la vie des adwabas ?
En réalité, ces lectures dichotomiques qui prolifèrent sur les réseaux sociaux sont un obstacle à tout dialogue constructif. Nous devons tous nous opposer au terrorisme intellectuel qui voudrait imposer une lecture raciale des problèmes de la Mauritanie. Nous devons inscrire notre action davantage sur un registre de revendication des droits et de promotion d’une citoyenneté fondée sur l’égalité de tous devant la loi et qui renforce l’appartenance à l’Etat, au détriment des communautés.
Nous devons agir avec des politiques ambitieuses, volontaristes et avec l’ampleur requise, en s’en donnant les moyens, pour renforcer l’État de droit, pour réduire les inégalités sociales et garantir une redistribution plus juste des richesses. Nous devons lutter contre la corruption et la pauvreté, éliminer l’esclavage, régler définitivement le passif humanitaire, combattre l’exclusion, l’injustice, l’arbitraire et les discriminations sous toutes leurs formes…et qui touchent de manière indifférenciée une majorité de Mauritaniens, quels que soient leur couleur de peau ou leur appartenance communautaire ou ethnique.
Mohamed Mounir
rimi-info
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