Dites-moi que je rêve ! Une lettre adressée par l’ancien président Aziz au peuple ! Celui qui jetait en prison ses opposants, qu’ils soient hommes politiques ou défenseurs des droits de l’homme, pour un oui ou pour un non, vous dit que le pays est devenu, après lui, « une grande prison » !!! Une assertion démentie par un apaisement que le soft power de son successeur a permis de nous sortir d’une crise devenue notre normalité. Une crise qu’alimentait le climat délétère dans lequel le pays était plongé par la perte des valeurs, leur entretien même comme nouvelle « norme » parce que la devise d'Aziz était, tout simplement, « dites ce que vous voulez, je fais comme bon me semble ». Ceci expliquant cela, nous courrions à l’abîme aussi bien économiquement que moralement parce que les Valeurs communes ont été délaissées au profit de la loi de la jungle. La liberté d’expression supposée être un gain démocratique était en réalité pour amuser la galerie, une façon de détourner l’attention, au propre et au figuré, de l’essentiel.
C’est cet état de fait qui avait transformé le pays en écuries d’Augias, jusqu’à la sortie d’Aziz du pouvoir, et donné en « héritage » à son successeur que vient corriger la bienheureuse loi sur la protection des symboles. Une loi qui est, en réalité, la protection de la dignité de tous les Mauritaniens parce que, contrairement aux insinuations les plus perfides, elle n’est pas liée à une personne mais à des statuts et à des Valeurs qui tirent leur légitimité de leur qualité de biens communs.
Que valait, sous Aziz, une liberté d'expression qui jetait en prison un sénateur « opposant » et privait de leurs droits ceux qui s’étaient opposé aux amendements constitutionnels ? Qui avait poussé à l’exil des opposants et qui leur a permis de rentrer au pays ? Que vaut surtout cette liberté d’expression qui n’empêchait pas un pouvoir de piller ?
Il est peu probable qu’Aziz ait lu Tribaliques d’Henri Lopes mais la non-conformité de ses paroles avec ses actes en illustre l’une des nouvelles sur l’hypocrisie politique de l’État autocratique postindépendance.
Aziz n’avait-il pas dit à un journaliste de l’Hexagone, sans gêne aucune, qu’il contrôlait tout, n’ayant confiance en personne ?
L’homme qui qualifiait ses opposants de « traîtres à la nation » et de « vieillards qui refusent de prendre leur retraite » se veut aujourd’hui leur défenseur et le « protecteur » de leurs « droits » que mettrait en péril la nouvelle loi ! Un argument que le plus petit d’entre nous peut balayer d’un revers de la main parce, sous le président Ghazouani, ce n’est pas seulement la parole des opposants qui est libérée mais leur énergie qu’un large consensus national permet de mettre à profit pour le bien-être de tous.
Ils sont reçus au palais présidentiel de façon régulière et les plus radicaux d’entre eux, au temps d’Aziz, louent le style Ghazouani qui, tout en faisant le départ entre sa majorité et son opposition, parvient à écouter les avis des uns et des autres mais surtout à les réunir autour des grandes questions d’intérêt national que les concertations à venir pourraient régler de façon satisfaisante.
Quant à la presse, parlons-en ! Qui a réellement commencé à la tuer à petit feu en lui coupant les vivres, en interdisant aux administrations et aux entreprises publiques de lui octroyer des abonnements et des publicités reconnus pourtant par les textes ? Qui a poussé cette presse vers la clochardisation en lui laissant comprendre que tout (écrit) se monnaye ? C’est cette presse qui était sous perfusion qu’une réforme déjà bien entamée remettra sur la bonne voie en la professionnalisant et en la dotant des moyens dont elle a été privée une décennie durant.
Le mauvais procès que fait monsieur Aziz à la loi sur les symboles pèche par l’acharnement sur la personne du président de la République. En ignorant les autres aspects de la loi, il montre, involontairement, le caractère irraisonnable – parce que réducteur – d’une sortie médiatique destinée à entretenir l’amalgame autour d’une incarcération pour crimes économiques de grande envergure et non d’un quelconque règlement de compte politique, comme savait le faire si bien l’ancien Raïs comme l’un de ses exercices favoris.
« L’histoire nous enseigne que le système autocratique, comme tout régime d’oppression, d’injustice et de tyrannie, finira par disparaitre comme il était venu. Il rendra compte au peuple libéré de tous les torts qu’il lui aura causé ». En attendant le jugement de l’histoire, le présent d’Aziz est intimement lié à ce qu’il décrit si fidèlement lui-même. On n'a pas besoin de chercher loin pour savoir que c'est le trait de son propre système de gouvernance durant une décennie et que c'est pour ce qu'il attend de rendre compte devant la justice des hommes, en attendant... TAQADOUM
Mohamed Ould SNEIBA