L'organisation anticorruption de l'opposant russe Alexeï Navalny a été visée jeudi par une nouvelle perquisition ordonnée, selon l'adversaire numéro un du Kremlin, en raison d'une de ses enquêtes visant le Premier ministre Dmitri Medvedev.
Charismatique blogueur et avocat de 43 ans, M. Navalny a été "traîné" par la police, selon ses mots, hors des bureaux moscovites du Fonds de lutte contre la corruption (FBK) à la mi-journée. Il est cependant "libre", selon sa porte-parole Kira Iarmych.
Quelques minutes plus tôt, des enquêteurs y avaient forcé la porte à la perceuse et à la scie électrique, selon des vidéos diffusées par ses collaborateurs.
M. Navalny a précisé sur Twitter que les enquêteurs étaient en train de saisir le matériel appartenant à son organisation.
Un de ses collègues a diffusé une photographie montrant l'opposant assis en tailleur sur le sol dans un couloir, un café à ses pieds et deux policiers casqués et masqués se tenant non loin de lui.
- Empire immobilier -
Selon M. Navalny, cette intervention policière est liée à son refus répété de supprimer son enquête anti-corruption la plus populaire : une vidéo accusant le Premier ministre Dmitri Medvedev d'être à la tête d'un empire immobilier, qui totalise 32 millions de vues sur YouTube.
M. Medvedev a "presque ouvertement créé un réseau corrompu de fondations caritatives à travers lesquelles il reçoit les pots-de-vin des oligarques et se construit frénétiquement des palais et des lieux de vacances à travers tout le pays", affirme l'opposant dans ce film datant de 2017.
Le Fonds de lutte contre la corruption a également souligné que la perquisition intervenait jeudi, alors que l'opposant entendait s'exprimer sur sa chaîne en ligne. "La semaine dernière, nous avions environ 1,4 million de spectateurs", a relevé Léonid Volkov, le bras droit de l'opposant.
Les autorités n'ont, elles, pas communiqué sur le sujet dans l'immédiat.
Le FBK, à l'origine de nombreuses enquêtes dénonçant les malversations et le train de vie des élites russes, a été classé cette année comme "agent de l'étranger", une qualification introduite par une loi en 2012 et servant à désigner une organisation bénéficiant du financement d'un autre pays et exerçant une "activité politique".
Ce concept vague et controversé a permis de viser de nombreux groupes critiques du pouvoir, les "agents de l'étranger" étant soumis à d'importantes contraintes administratives et financières et faisant l'objet d'une surveillance accrue.
Le Fonds de lutte contre la corruption a déjà été visé par deux vagues massives de perquisitions dans tout le pays en septembre et octobre en raison d'une enquête ouverte pour "blanchiment d'argent" et a vu ses comptes bancaires gelés.
- 'Emprisonnement illégal' en Arctique -
Mardi et mercredi, M. Navalny s'était insurgé sur les réseaux sociaux contre l'"enlèvement" de l'un de ses collaborateurs, Rouslan Chaveddinov, 23 ans, également interpellé après une perquisition et immédiatement envoyé dans l'Arctique pour y faire son service militaire obligatoire d'un an.
L'opposant a dénoncé un "emprisonnement illégal" et quelques militants s'étaient rassemblés mercredi soir devant l'état-major des forces armées à Moscou pour protester.
Pour les partisans de M. Navalny, les poursuites visant son organisation sont politiques, les autorités russes ayant déclenché leur enquête pour "blanchiment" contre le FBK au plus fort de la contestation de l'été dernier à Moscou.
Ce mouvement de protestation en faveur d'élections libres, le plus important depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012, avait été sévèrement réprimé par la police et plusieurs manifestants ont été condamnés à de la prison ferme pour "violences".
Alexeï Navalny, ses partisans et leurs familles font régulièrement l'objet d'interpellations, de perquisitions et pressions policières dans toute la Russie.
Le journal d'opposition Novaïa Gazeta a aussi indiqué jeudi que des perquisitions avaient lieu au domicile moscovite de l'une de ses journalistes, Ioulia Martovalieva, dans le cadre d'une affaire séparée. Elle a été interpellée.
Selon le média, ces fouilles sont liées à des documents publiés sur les réseaux de contrebande dans les régions séparatistes prorusses de l'Est de l'Ukraine.
AFP