L'absence de consensus sur la CENI, l’échéance électorale « courte », le fichier « écrasé », la question de l’enrôlement « pas réglée », etc. autant de « manquements » qui ont fait que les Forces Progressistes du Changement (FPC) boudent les élections législatives, municipales et régionales du 1er septembre, explique le président des FPC, Samba Thiam, dans cette interview.
ALAKHBAR_ Les FPC vont-elles participer aux élections ?
Samba Thiam : Non. Pour différentes raisons. Des raisons d’ordre général et des raisons d’ordre particulier. Les raisons d’ordre général, je pense que ce que nous évoquons c’est valable pour toute l’opposition. Ce sont des raisons que toutes l’opposition pourrait évoquer. La première c’est qu’on doit constater, avec les observateurs internationaux, qu’il y’a un pilotage unilatéral du processus électoral: la mise place de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), la désignation des membres de la CENI, l’échéance électorale trop courte, la façon dont ils ont écrasé les bases du fichier, cette question d’enrôlement qui n’est pas réglée: des dizaines de milliers d’individus qui ne sont pas enrôlés. Toutes ces questions font qu’aller aux élections c’est un peu, peut-être, aider le Gouvernement à valider son agenda.
ALAKHBAR_ Pourtant le Gouv. appelle à s’inscrire missivement sur la liste électorale ?
Samba Thiam : Nous le constatons tous ensemble. Ce qui apparait en toute logique c’est de la démagogie. Comment comprenez-vous que cela fait cinq, six ans dans l’enrôlement et que ce n’est pas terminé qu’ont puisse faire, dans un mois, recenser toute la Mauritanie. Il y a incohérence quelque part. L’échéance d’un mois ou d’un mois et quelques jours est absolument intenable. C’est pourquoi je pense que derrière il y a un agenda caché. Ils ont réussi à implanter leurs comités de base et à recenser leurs militants. Ce qu’ils vont faire simplement c’est de verser ses militants dans le fichier électoral.
ALAKHBAR_ Malgré vos craintes, l’opposition participe aux élections ?
Samba Thiam: Oui. Je comprends cette attitude. Mais comme on dit : « Chat échaudé craint l’eau froide; Contre mauvaise fortune, faut faire bon cœur ». Ils ont été incompris ou assez critiqués avec les boycotts antérieurs. Ils n’oseraient pas courir le risque d’une critique de la base qui risque de partir. Pour essayer de canaliser ces risques, ils décident de partir quelles que soient les conditions. Mais ce n’est pas parce qu’ils y croient fondamentalement.
ALAKHBAR_ Pourquoi pas aussi la participation des FPC ?
Samba Thiam: Je parle du cas général. Je souscris à l’idée que partir aux élections - comme eux ils le disent - il faut le faire; on le fait malgré soi, compte tenu des conditions définies par le pouvoir.
ALAKHBAR_ Les FPC ne risquent pas aussi de perdre leur base ?
Samba Thiam: Nous ne sommes pas dans les mêmes conditions que l’opposition de façon globale. Je parle de l’opposition légale. Nous n’avons pas de légalité. Nous ne sommes pas reconnus légalement. De ce point de vue, je disais que la raison particulière qui nous frappe fait que même si nous voulions partir aux élections nous le pourrions pas, parce que, simplement, nous n’avons pas la légalité. Et nous n’avons pas pu obtenir un partenariat ouvert et gagnant-gagnant.
ALAKHBAR_ Si les élections étaient reportées vous y participeriez ?
Samba Thiam: Nous allions tenter de participer parce que les conditions générales seraient plus ou moins acceptables. C’est à dire, au moins, le temps de permettre aux partis de se préparer.
ALAKHBAR_ Quels seraient alors vos alliés ?
Samba Thiam: Je ne sais pas. Nous avons une fourchette de partis que nous pourrons reconsidérer nos alliés. Mais il y a ce que j’appelle des alliés naturels et d'autres avec qui, peut-être, nous n’avions pas pensé mais qui…ça dépend de ce que ça donnerait.
ALAKHBAR_ Pouvez-vous être plus précis ?
Samba Thiam: Il y a beaucoup de partis
ALAKHBAR_ Un ou deux noms?
Samba Thiam: Nous aurions, peut-être, essayer ce que j’appelle nos alliés naturels : ceux qui portent le même discours que nous. Ils sont, quand même, connus plus ou moins. C’est d’abord l’AJD/MR. C’est peut-être le PLEJ. C’est, dans une moindre mesure, le MPR. Ce sont des alliés que j’appellerais potentiels, plus probables. Mais la fourchette n’est pas fermée. Nous pouvons allers avec d’autres partis arabo-berbères avec lesquels nous avons aussi des alliances historiques.
ALAKHBAR_ Que craignez-vous dans ces élections, notamment les régionales qui sont une prmière ?
Samba Thiam: Les conditions de départ sont faussées. La crainte elle ne se situe pas seulement au niveau régional. Elle se situe à tous les niveaux. Si les conditions de départ ne sont pas assainies, ne sont pas consensuelles ni inclusives tous les dérapages seront permis. C’est ce à quoi nous assistons concrètement.
ALAKHBAR_ Pas de craintes à propos des résultats du vote?
Samba Thiam: Notre peuple est anesthésié. Quelques soient les résultats, il est tenu à supporter. Je ne suis pas, non plus, persuadé que l’opposition sera battante jusqu’au bout, que la réaction sera à la dimension de la fraude ou de l’agenda. Je ne suis pas convaincu de ça.
ALAKHBAR_ Vous craignez alors de la fraude ?
Samba Thiam: Il peut y avoir de la fraude. Il peut aussi ne pas y avoir de fraudes à partir du moment où il y aura un glissement entre le recensement des militants de l’UPR vers le fichier électoral. Des gens qui disent déjà qu’ils ont un million cent adhérents. La Mauritanie étant trois millions et quelques âmes. Ça dit ce que ça dit.
ALAKHBAR_ Pourquoi pas les FPC parmi les 105 partis reconnus ?
Samba Thiam: C’est à vous les journalistes d’en tirer les conclusions. J’ai déjà écrit sur ma page Facebook. En constat, c’est que ce pouvoir, ce régime ne reconnaît que les partis qui soient prêts à s’agenouiller. Ils ne reconnaissent pas les gens sur la base d’un critère de respect de la loi, mais d’un critère de servilité. Il faut être dans la majorité présidentielle, il faut accepter de s’agenouiller et de plier en amont. C’est à ce moment que l’on vous perçoit comme leurs partisans et qu’ils vous acceptent la reconnaissance. Nous ne sommes pas prêts à ça.
ALAKHBAR_ Le Pouvoir lierait, peut-être, les FPC aux FLAM (Forces de libération africaine de Mauritanie) ?
Samba Thiam: C’est possible. C’est une des raisons qu’on ne peut pas écarter. Ce qui devrait déterminer au fondamental c’est quoi ? C’est que dans la constitution du dossier qu’on ait respecté la loi ou pas. C’est tout rigoureusement. C’est que nous avons fait. Si aujourd’hui nous ne sommes pas reconnus - je ne connais pas les conditions de dépôt de l’IRA ou d’autres - mais pour ce qui nous concerne nous avons respecté rigoureusement les conditions prescrites par la loi. Nous ne sommes pas reconnus parce qu’on nous perçoit, peut-être, comme une opposition ferme.
ALAKHBAR_ Quels conseils à votre électorat noir ?
Samba Thiam: Comme on dit en poular: "Ko Buuti Hoillir". Je crois que les conditions générales que le pouvoir nous présente à travers ses politiques, le listing opéré par l’UPR compte tenu du choix des conseils régionaux doit montrer aux populations que ce système-là perdure. Il se consolide. Ce régime-là perpétue la discrimination. Il n’est pas prêt à reculer. Les Négros - africains doivent en tirer les leçons. D’abord vous les jeunes vous devez en tirer les leçons. Parce qu’il s’agit de votre avenir et de votre devenir fondamentalement.
source alakhbar.info