Le Calame : La réunion de haut niveau du G5 Sahel avec ses partenaires au développement vient de s’achever à Nouakchott. Quel est votre sentiment au terme de cette journée de rencontre avec les bailleurs de fonds ?
Mikailou Sidibé : C’est un sentiment de réelle satisfaction qui nous anime au lendemain de la Conférence, en ce sens que le défi a été relevé. Ce défi était double : réussir le pari de la participation et recueillir des annonces à la hauteur des besoins exprimés. La satisfaction est totale à notre niveau car à tous les égards ce double défi a été relevé. Par ailleurs, en dépit de quelques manquements qui sont inhérents à ces genres d’évènements, nous pouvons dire que le pari a été gagné au niveau de l’organisation. C’est le lieu de saluer la qualité de l'accompagnement de l'Etat mauritanien. Il faut aussi saluer le leadership de la présidence nigérienne et l'engagement de l'ensemble des experts des Etats membres qui ont tous apporté leur contribution dans l'organisation de l'évènement.
-Le G5 disait avoir besoin de 2 milliards de dollars pour son programme prioritaire. Plusieurs promesses ont été faites à Nouakchott par les partenaires. Pouvez-vous nous dire si la moisson a été bonne?
-Le G5 Sahel avait plutôt un besoin de financement de l’ordre de 2 milliards d'euros et non 2 milliards de dollars. Et le moins qu'on puisse dire est qu'effectivement la moisson a été très bonne. Les annonces de finalement enregistrés se chiffrent à plus de 2 milliards (2.4 milliards d’euros exactement). Ce qui couvre largement le besoin exprimé pour le financement des 40 projets du portefeuille du Programme d'investissements prioritaires (PIP) du G5 Sahel. Il faudra maintenant que les engagements se concrétisent pour permettre au G5 Sahel de passer à la phase de mise en œuvre des projets identifiés. C’est le prochain défi. Le Secrétariat permanent entend le réaliser avec l’accompagnement de tous.
-Quels peuvent être les impacts de ce programme prioritaire pour les populations vivant dans les zones grises du G5 Sahel ? Pensez-vous que le développement économique des « zones grises » du Sahel aurait plus d’impact sur le terrorisme que le volet militaire qui peine à se mettre définitivement en place?
-La Stratégie du G5 Sahel (dénommée Stratégie pour le développement et la sécurité) a pour fondement, le couplage Développement et Sécurité. Mais compte tenu de la situation sécuritaire qui s'est assez dégradée ces dernières années au Sahel, le volet sécuritaire de l'organisation a été beaucoup plus sollicité. Ce qui a dû accélérer l’opérationnalisation de la force conjointe et bien d’autres initiatives dans ce domaine. Cette force conjointe, malgré le peu de ressources financières qu’elle a reçues, se met en place progressivement. Il faut souligner que c'est un combat de longue haleine.
Le nexus développement et sécurité n'est pas un vain mot. Le G5 Sahel, après avoir fait un diagnostic profond de la situation, a finalement compris que pour mener des actions efficaces de développement dans les zones frontalières, il faudra s'adjoindre d'un dispositif sécuritaire adéquat. En effet, l’espace sahélo-saharien est, depuis de nombreuses années, le théâtre d’un banditisme urbain et périurbain croissant, de conflits intercommunautaires sempiternels, d’une criminalité transfrontalière et transnationale montante, dominée par le trafic de drogues, d’armes, d’êtres humains. La région qui est aussi la principale route de l’immigration clandestine entre l’Afrique et l’Europe, a vu un terrorisme rampant se régénérer au contact de la misère. Or, dans les contrées où l’Etat est dans l’incapacité d’assurer la sécurité la plus élémentaire, les investisseurs se retirent. Cette fuite des capitaux et les conséquences qu’elle engendre démontrent éloquemment les liens qu’il y a entre développement et sécurité. Le développement, c’est avant tout l’investissement ; il n’y a pas d’investissement sans sécurité.
-Aussi bien pour son développement que pour sa sécurité, le G5 Sahel continue, comme l’UA, à tendre la main à l’extérieur. Qu’entendez-vous faire pour changer cette donne et donc réduire cette dépendance ?
-L'assertion selon laquelle le G5 Sahel continue à tendre la main à l'extérieur mérite d'être nuancée, même si pour nous, le combat que nous menons est un combat mondial. C'est la sécurité du monde qui se joue dans cette zone. Il est donc normal que la communauté internationale se mobilise à nos côtés pour éviter que les groupes terroristes puissent s'y installer durablement et planifier des actions à projeter sur le sol des pays développés. Il est aussi loisible de constater que, quand bien même les victimes sont enregistrées à tous les niveaux, les groupes terroristes visent et s'attaquent en premier lieu, aux intérêts des pays développés.
Par ailleurs, que ce soit dans la dimension sécuritaire et que dans celle relative au développement, les pays membres du G5 Sahel ne sont pas restés en marge de la mobilisation des ressources financières. Dans la contribution à la mise en place de la force conjointe, chacun des pays a consenti d’importantes sommes d’argent au détriment, d’ailleurs, des secteurs sociaux notamment la santé et l’éducation. Ce qui n’est pas sans créer de sérieux problèmes à ce niveau.
Il en est de même au niveau du financement du PIP, où les Etats membres ont fait un apport en termes de contrepartie à hauteur de 10% du besoin exprimé. D’autres apports ont, également, été faits sur fonds propres pour réaliser des études de faisabilités de certains projets proposés.
Mais, il est indéniable qu’au plan international, des efforts doivent être faits pour accompagner le G5 Sahel. Parce que la dégradation de la situation sécuritaire n’est pas de la seule responsabilité des pays du G5 Sahel.
Propos recueillis par Daly Lam