Jusque-là parents pauvres des politiques migratoires, notamment dans la Stratégie nationale de gestion de la migration de 2010 taxée de trop sécuritaire, la diaspora mauritanienne à l’étranger et les étrangers résidant en Mauritanie prennent de l’intérêt pour les autorités, grâce à leur apport dans le développement socioéconomique du pays. Une réflexion qui a mobilisé, du 4 au 6 juillet 2018, experts nationaux et internationaux, sur la base d’une recherche-action sur les mobilités ouest-africaines initiée par le Groupe de Recherche et de Réalisations pour le Développement Rural (GRDR), l’Union européenne, Alianza Por la Solidaridad et l’Université Al Asriya de Nouakchott.
M.Boubou Camara, président du Conseil Représentatif des Mauritaniens en Espagne (CRME) et Mme Haya Diarra, membre de l’association ont fait entendre la voix de leurs concitoyens confrontés à de multiples problèmes, au Maroc avec un visa de transit de trois jours au lieu de sept, la double nationalité, la confiscation des cartes de séjour aux frontières, la question du transfert des pensions et allocations familiales des émigrés, les taxes de douane sur les biens des retraités et migrants de retour définitif au pays.
Les problèmes liés à la migration ont été abordés au cours du forum où les experts conviés à la réflexion ont tenté de trouver des réponses, sur la base de l’étude menée par le GRDR, l’Union européenne, Alianza Por la Solidaridad et l’Université Al Asriya.
Pour M.Christophe Christodoulides de l’OIM, la migration n’a pas seulement des aspects négatifs. Il trouve par ailleurs que la nature humaine du migrant devrait primer sur son statut, avant de mettre l’accent sur l’importance de l’intégration entre pays d’origine et pays d’accueil.
M.Pierre Kamdem, Chercheur, a pour sa part, mis en exergue les apports positifs de la migration dans le développement socioéconomique des pays d’accueil et d’origine. Selon lui, la migration interafricaine représente plus de 75% de la migration africaine, et la part vers l’Europe de 9 %, s’étonnant des discours alarmistes face au phénomène.
M.Mohamed Bouguidou du Maroc et Pape Demba Fall de l’Université Cheikh Anta Diop, qui a fait le parallèle entre migration et ressources, ont chacun donné leur propre expérience et celui de leur pays.
M.Serge Maraite est revenu quant à lui sur les projets européens en Mauritanie dans le domaine de la migration, citant la Stratégie nationale dont le volet sécuritaire a connu, selon lui, plus de succès que les autres aspects, la gouvernance, le genre, la radicalisation, la protection des enfants. La question migratoire, avouera-t-il, est par sa sensibilité confinée dans sa dimension politique, rappelant le débat qu’elle suscite en Europe, bien que la part des migrants n’y représente que 0,07% sur la migration mondiale. Il a souligné que les autres aspects sur les causes profondes de la migration, sur la protection de l’enfance ou encore la lutte contre la migration clandestine financés sur le Fonds fiduciaire pour le Sahel à hauteur de 50 millions d’Euros pour la Mauritanie, entre dans le cadre d’une nouvelle orientation des politiques migratoires en Mauritanie.
Diaspora et territoires d’origine
Le maire de Sélibaby, M.Hadrami Weddad, a présenté sa commune, évoquant l’historique d’un peuplement né de la migration en provenance des autres communes proches. Il a mis en exergue la position stratégique de Sélibaby, plaque tournante d’un commerce transfrontalier avec le Mali et le Sénégal, et les importants flux financiers drainés par mois, environ 300 millions UM, qui ne profiteraient qu’aux huit banques commerciales. Evoquant le rôle de la diaspora basée en Europe, il a souligné qu’elle s’investit depuis des générations dans la construction d’écoles, de structures de santé, de forages, de bâtiments publics, dont la « Maison du Guidimagha » qui comble un vide sur le plan de l’accueil. Il a également évoqué la présence de communautés étrangères à Sélibaby, Ivoiriens, Burkinabés, Sénégalais et Maliens, et leur apport dans l’économie locale. Le maire de Riadh, M.Cheikh Ould Maata, s’est livré au même exercice.
Auparavant, l’Ambassadeur de l’Union européenne en Mauritanie, SEM.Giacomo Durazzo, avait salué un projet MIDRIM lancé en 2016 pour un budget de 750.000 euros et qui arrive à son terme, soulignant qu’il s’inscrivait dans le cadre de la Stratégie nationale de la migration, en tant que projet pilote dans une thématique peu connue, à savoir les enjeux entre les formes de migration et le développement local. Il visait, selon lui, à valoriser l’apport des migrants dans le développement du pays, grâce à une cartographie de la diaspora mauritanienne en Europe (Belgique, France, Espagne) basée sur les compétences et la production de profils migratoires dans 4 communes pilotes (Kaédi, Nouadhibou, Sélibaby et Riadh).
A son tour, le Président de l’Université de Nouakchott, M.Ahmedou Ould Haouba avait évoqué la position géographique de la Mauritanie, aux portes de l’espace Euro-méditerranéen, ce qui en faisait pendant des années un territoire de passage avant le maillage territorial par un verrouillage frontalier qui a permis de freiner les flux migratoires vers l’Europe.
A rappeler que la télévision nationale, Al Mouritaniya, a consacré le lundi 9 juillet 2018 une page spéciale dans son édition de 22 heures à ce forum sur la migration.
Cheikh Aïdara
source courrierdunord.com