Mohamed Abdallahi ould Yaha, oligarque proche de l'ancien président Ould Abdel Aziz, serait dans le collimateur des nouvelles autorités. Il a été entendu par la Commission d’enquête parlementaire sur certains dossiers obscurs du règne de l'ancien président, rapporte «Africa Intelligence».
Mohamed Abdallahi ould Yaha, homme d’affaires au spectre d’activité très large dans le cadre de différents partenariats avec des multinationales opérant en Mauritanie (pêche, pétrole et mines), un des piliers du cercle des intimes du président Mohamed Abdel Aziz (2008/2019), se retrouve dans l’œil du cyclone et le collimateur du nouveau pouvoir.
Une révélation faite par la dernière livraison d'«Africa Intelligence», newsletter née de la mue de la très informée «Lettre du Continent».
Cet organe raconte l’audition du puissant homme d’affaires par une commission d’enquête parlementaire sous la présidence de Maître Habib ould Diah, député de l’Union pour la République (UPR-principal parti de la majorité), le 19 mai dernier.
Celle-ci est chargée de faire la lumière sur une décennie de gouvernance sous le magistère de Mohamed ould Abdel Aziz.
Elle travaille sur sept (7) affaires ayant défrayé la chronique ces dernières années: la gestion de la Société nationale industrielle et minière (SNIM) et sa fondation, les attributions de marchés publics dans le domaine de l’énergie, la gestion du foncier à Nouakchott, les concessions au niveau du port de Nouakchott et le contrat avec la société chinoise «Poly Hong Dong Fisheries».
Les députés enquêteurs se sont attaché l’assistance de trois cabinets internationaux, ayant remporté un appel d’offres devant 17 concurrents: la firme britannique Taylor Wessing (aspects juridiques et de procédure), Matine Consulting (Tunisie-spécialisé dans les audits) et Gibraltar Advisory (Infrastructures).
Les résultats de ces audits pourraient éventuellement déboucher sur des poursuites judiciaires «en cas d’indices graves et concordants, pouvant être rattachés à des faits de corruption, ou toute autre infraction liée à la violation des règles d’attribution des marchés publics», souffle un haut cadre ayant requis l’anonymat.
Dans les faits, et en l’état actuel de l’enquête, c’est sur le dossier de Poly Hong Dong Fisheries que l’homme d’affaires a été longuement auditionné le 19 mai dernier «une scène qui aurait été impensable il y a encore quelques mois», relève la newsletter.
Montée fulgurante
Homme élégant, ouvert, à l’esprit fin, maniant parfaitement le français et l’anglais, Mohamed Aballahi ould Yaha est issu de l’ensemble tribal des «Awlad Bousbaa», au même titre que des figures politiques marquantes, comme feu Ely ould Mohamed Vall (chef de la transition de 2005/2007), ou sulfureuses comme Mohamed ould Abdel Aziz (putschiste puis président de 2009-2019).
Parmi les célébrités sbais au-delà de la sphère politique, il faut ajouter le nom du banquier Mohamed ould Bouamatou...
La particularité de Mohamed Abdallahi ould Yaha, c’est qu’il appartient à une fraction «Zwaya-maraboutique» de cette tribu d’origine marocaine, sans région d’appartenance en Mauritanie mais très disséminée dans l’espace allant du Maroc au Sénégal, avec le territoire mauritanien comme épicentre.
Présent dans le milieu des affaires à un niveau relativement modeste, en partenariat avec le groupe Mohamed Abdallah ould Abdallahi (MAOA), Ould Yaha s’est rapidement émancipé après la chute du régime de Maaouya ould Sid’Ahmed Taya (le 3 août 2005).
Il est devenu Délégué général à l’Investissement sous l’éphémère régime civil du président Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi.
Une station à partir de laquelle, l’homme à l’entregent reconnu, se fait un important carnet d’adresses dans le milieu des affaires au niveau international et national.
L’arrivée au pouvoir de son cousin Mohamed Abdel Aziz, le 6 août 2008, va donner un véritable coup d’accélérateur à la marche de ses affaires.
Pendant, cette période, son entreprise, MAURILOG, a noué de nombreuses relations dans différents domaines d’activités économiques (mines, pêche, activités portuaires) avec des multinationales telles que Tasiast Mauritanie Limited (TMLSA-filiale de la canadienne Kinross qui exploite un site aurifère du même nom au nord du pays).
Ce contrat a été rompu dans la foulée de l’ouverture d’une enquête sur les activités de Kinross en Mauritanie, par la Securities And Exchange Commission (SEC), le gendarme de la bourse de New York, dans le courant de l’année 2016.
Parmi les nombreux partenaires en affaires au cours de l’apogée de Yaha, sous le régime de Mohamed ould Abdel Aziz, figurent également British Petrolum (BP), Total, REPSOL, PETRONAS….
Le terre-plein du Port Autonome de Nouakchott est devenu le terrain de prédilection de ses opérations et «même sa chasse gardée» sous la décennie de Aziz, selon ses détracteurs.
La société MAURILOG assure également l’approvisionnement en produits pétroliers des embarcations chargées de remettra en état le puits de pétrole Offshore «Chinguetti, 60 kilomètres au large de Nouakchott», dont l’exploitation est arrêtée depuis 2017.
Un marché décroché auprès de la société Malaisienne PETRONAS, dernière exploitante du champ pétrolier, à la suite d’un appel d’offres international, selon une source proche de l’opérateur économique.
Par ailleurs, il faut noter que la montée en puissance de l’homme d’affaires Mohamed Abdallah ould Yaha coïncide avec «une guerre» sans merci au plan fiscal et judiciaire, du régime de Mohamed ould Abdel Aziz, contre le banquier Mohamed ould Bouamatou, soutien de la première heure, qui s’est retrouvé sous le coup d’un mandat d’arrêt international, lancé le 1er septembre 2017.
Après le retour au pays de Bouamatou, au terme d’une dizaine d’années d’exil au Maroc et en Europe, et l’annulation de toutes les poursuites contre sa personne, le vizir favori de l’ancien président est acculé par le nouveau pouvoir et semble inexorablement prendre une trajectoire inverse.
Cependant, une source bien au fait des détails du dossier «Poly Hong Dong Fisheries» assure «que le nom de Mohamed Abdallahi ould Yaha ne figure nulle part dans le contrat signé entre cette entreprise et le gouvernement mauritanien», au début des années 2010.
L’homme d’affaires aurait simplement joué un rôle de facilitateur dans la conclusion de cet accord d’une durée de 25 ans, qualifié «de contrat léonin» par l’opposition et une bonne partie de la presse locale.
Poursuite de «la guerre» Ghazouani/Aziz, malgré la pandémie du COVID-19
Ce nouvel épisode des auditions de la commission d’enquête parlementaire impliquant l’homme d’affaires Mohamed Abdalahi ould Yaha, illustre parfaitement la poursuite de la «guerre» entre le nouveau président, Mohamed Cheikh El Ghazouani, et son prédécesseur, également ami de 40 ans, Mohamed ould Abdel Aziz.
Cela, malgré un contexte de pandémie du coronavirus (Covid-19), avec un inquiétant taux de létalité dans le pays, qui exige et devrait pousser à la solidarité de tous.
Des audios discréditant le travail de la commission d’enquête parlementaire, et visant à accréditer l’idée d’un environnement au sein duquel «tous les responsables et hauts cadres, censés servir l’Etat, ainsi que les hommes d’affaires, sont pourris, cibler certaines personnes, relève d’un vulgaire règlement de comptes politiques», circulent depuis plusieurs semaines.
Une réaction anonyme derrière laquelle les partisans de l’enquête soupçonnent la main invisible de Yaha, et au-delà, une riposte du camp de l’ancien président, Mohamed ould Abdel Aziz.
https://m.le360.ma/afrique/mauritanie/politique/2020/06/13/30850-maurita...
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