Le Calame : Le président de la République a présidé la semaine dernière, le Conseil supérieur de la Magistrature. Quel commentaire vous inspire les résultats de ce conclave entre le président de la République et les magistrats ?
Maître Id Mohamed M’Bareck : Le Conseil Supérieur de la magistrature nous a laissé sur notre faim ; il n’a pris aucune décision importante ni entrepris les grandes réformes qu’attendent les magistrats, avocats et greffiers : l’accès de tous à la justice, en particulier les couches les plus démunies, la refonte de la carte judicaire par rapport aux tribunaux, l’exécution des décisions de justice, le respect du principe de séparation des pouvoirs, la formation des acteurs du secteur. Ces décisions attendront, hélas.
- Au terme de cette réunion, on a observé un vaste mouvement au sein de la magistrature. Ces magistrats nommés par l’Exécutif peuvent-ils être indépendants de celui-ci ?
- Ces décisions sont classiques et n’apportent rien de nouveau ou d’important. Comme je l’ai dit tantôt, le secteur a besoin de décisions très fortes, de réformes profondes pour son bon fonctionnement, le respect du principe de la séparation des pouvoirs, l’exécution des décisions, l’accès de la justice aux démunis, la mise en œuvre de l’aide judiciaire, la formation et le renforcement de ses acteurs... Ce sont des sujets que le Conseil n’a malheureusement pas accepté de traiter dans sa dernière session. Le mouvement des magistrats auquel vous faites allusion n’apporte donc rien de nouveau.
- Le président de la République et son gouvernement ont répété à maintes reprises que l’Exécutif n’interféra pas dans le dossier de la corruption en cours, impliquant plus de trois cents personnes dont l’ex-président de la République Ould Abdel Aziz. Au vu du déroulement des enquêtes du Parquet, avez-vous l’intime conviction qu’ils ont respecté cet engagement ? La justice a-t-elle travaillé en toute indépendance ?
-Nous, les défenseurs de l’indépendance de la justice par rapport à l’Exécutif, avons constaté, par le passé, la très forte emprise du pouvoir sur la justice, via le Parquet, et s’il s’avère aujourd’hui que le gouvernement décide de changer, de rendre la justice totalement indépendante, nous allons le soutenir. Mais à mon avis, nous n’en sommes pas encore là. Pour y arriver, il faut changer certains instruments, du point de vue juridique et de celui du fonctionnement administratif, notamment du Parquet qui demeure l’instrument par lequel l’exécutif exerce son contrôle sur le fonctionnement et le déroulement des procès. Il y a des politiques et choix à prendre et, je le répète, nous n’en sommes pas encore là.
- Il y a quelques jours, on vous a vu aux côtés des prestataires de services de l’éducation qui réclament depuis des mois leur intégration dans le corps dans la fonction publique. Pourquoi ce geste ?
-La situation de ceux qu’on appelle abusivement aujourd’hui les « prestataires de services » de l’éducation ne pouvait pas nous laisser indifférents, particulièrement au moment où le gouvernement affiche une volonté de réformer ce secteur dont on connaît depuis des années les contreperformances. Je pense qu’on ne peut pas s’y engager sans mettre ses acteurs dans un statut juridique stable, sans améliorer leurs conditions de travail et donc d’existence. Nous estimons légitime leur revendication de sortir de la précarité que leur conférait le statut de prestataire de service. Aussi avons-nous tenu à leur manifester notre solidarité et, au-delà, à interpeler les pouvoirs publics pour trouver une solution rapide car les cours doivent reprendre le 11 de ce mois. Nous travaillerons à contribuer un tant soit peu à régler cette situation de mauritaniens désireux d’évoluer dans un statut juridique stable et de nourrir dignement leur famille.
Propos recueillis par Dalay Lam
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