Le Rénovateur Quotidien - La Majorité et l’Opposition fument le calumet de la paix depuis l’élection présidentielle de juin 2019.
A croire que les tensions politiques de la décennie écoulée (2009-2019) étaient liées intrinsèquement à la personne de l’ex président Mohamed Ould Abdel Aziz et à son tempérament de baroudeur. Exactement à l’opposé de son successeur, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, qui s’est présenté, dès la campagne électorale, comme un « homme de consensus. »
Tout le monde se rappelle encore de ce discours conciliant reconnaissant à tous les anciens chefs d’Etat mauritaniens quelques mérites, alors que la tendance était, jusqu’alors, de les accabler en parlant de « tarakoumat » (d’accumulations) posées comme justifications d’un « malfaire » dont il faut s’accommoder, en attendant le prochain changement !
S’il est vrai que rien ne vaut la paix, il est aussi connu que la démocratie ne fonctionne convenablement que si l’opposition joue pleinement son rôle de contre-pouvoir; ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
L’opposition a certes bien fait d’enterrer la hache de guerre - en temps de paix - aucune élection n’étant en vue avant 2023-2024 mais il n’est pas convenable qu’elle dispute à la majorité les faveurs d’un pouvoir qui suit un agenda politique différent de celui qu’elle même avait présenté aux électeurs en 2019.
On peut cependant dire qu’il y a des signes avant-coureurs comme cette tournée du président de l’Alliance populaire progressiste (APP), Messaoud Ould Boulkheir et son appel au dialogue et, cette sortie du président de Tawassoul (islamistes) qui rouvre les hostilités avec le pouvoir.
Si ce qui est convenu d’appeler aujourd’hui le « dossier de la décennie Aziz » occupe le devant de la scène et constitue le feuilleton de l’été en Mauritanie, il est certain que sans un contrôle efficient de l’action du gouvernement ou, du moins sa critique par une opposition « responsable » et engagée, le retour insidieux du Système est inévitable.
L’intermède de la guerre de repositionnement qu’on avait appelé la bataille du « nehj » (voie) ne permet pas de s’assurer que les néo-réformistes au sein de l’Union pour la République (UPR) ont définitivement pris le dessus sur le camp des conservateurs. Ce système tribalo-régionaliste qui a toujours réussi à transformer ses défaites supposées en victoires, quand il parvient à annihiler toutes velléités de réformes politiques et sociales destinées à apporter le vrai changement.
Il faut reconnaître aussi que l’absence de visibilité stratégique, côté pouvoir, a aidé à prolonger le "confinement" politique de l’opposition. Habituellement, c’est la majorité voulant préserver ses "acquis" qui annonce les hostilités, à chaque fois que l’occasion se présente, se prévalant de la "confiance" accordée par le peuple, de "réalisations sur le terrain" et de la présence à sa tête d’un "guide éclairé". La Bipolarité qui s’installe rend propice l’animation politique qui, dans un pays découvrant à peine les joies de la démocratie, la considère comme un indicateur de succès probant.
L’opposition peut cependant resurgir quand elle saura profiter des erreurs d’un pouvoir qui avance masqué.
Il y a d’abord que la majorité qui soutient le président Ghazouani est aujourd’hui diffuse. Elle n’est pas, forcément, un soutien "indéfectible" pour le gouvernement. Une dualité due au fait que beaucoup de transfuges de l’opposition (partis politiques et personnalités indépendantes) adhérent aux vues du président sans être d’accord avec l’UPR qui constitue, à leurs yeux, une entrave à la politique d’ouverture et d’apaisement amorcée.
Il y a surtout que l’opposition, accusée par Aziz et les rares soutiens qui continuent encore à s’afficher avec lui, d’être à l’origine de la commission d’enquête parlementaire (CEP), risque de déchanter, quand elle verra que le pouvoir reste... le pouvoir. Que ses intérêts et priorités sont différents des attentes de ceux aspirent à un déballage au sein de la majorité. Car il est difficile, voire impossible, de croire qu’on peut charger Aziz de tous les maux de la décennie 2009-2019 et épargner les centaines de hauts responsables (ministres, secrétaires généraux, directeurs, chefs de projets, etc.) qui étaient les instruments de ses (bonnes ou mauvaises) œuvres.
La probabilité que l’enquête en cours sur les biens mal acquis n’aboutisse pas aux résultats escomptés est donc le probable déclencheur d’un retour à une situation où l’opposition peut recouvrer son statut de contre-pouvoir et réactiver ses circuits de dénonciation et de contrôle des choix stratégiques d’un pouvoir qui, lui aussi, retrouve peu à peu ses instincts de Système.
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mauriweb.info