L'incendie d'une pompe de pétrole brut dans la raffinerie Total de Normandie, la plus grande de France, classée Seveso seuil haut, a occasionné d'importantes flammes et panaches de fumée samedi à l'aube sur une zone d'une dizaine de kilomètres à l'est du Havre, sans faire de blessé, avant d'être maîtrisé.
Cet incident intervient au lendemain de la signature d'un arrêté préfectoral autorisant la réouverture partielle, mais vivement contestée, de l'usine Lubrizol de Rouen, également classé site Seveso seuil haut, dont une partie a été ravagée par les flammes le 26 septembre dernier, occasionnant un gigantesque panache de fumée long de 22 kilomètres.
"Ce matin à 4H00 un incendie de pétrole brut s'est déclaré au sein d’une unité de raffinage de l'usine Total, sur la commune de Gonfreville-l’Orcher. Une pompe servant à faire circuler le pétrole brut au sein de la raffinerie a pris feu générant un dégagement de fumée sur la zone industrielle du port", a indiqué la préfecture de Seine-Maritime dans un communiqué.
Les fumées ont touché plusieurs communes à l'embouchure de la Seine, à dix kilomètres à l'est du Havre.
"Seul un feu secondaire subsiste en haut de l’unité", a indiqué Total dans un communiqué en fin de journée, précisant que la raffinerie fonctionne partiellement. "Total met tout en oeuvre pour qu’il n’y ait pas de conséquence sur la chaîne logistique d’approvisionnement en carburants", ajoute le groupe.
Une odeur de goudron chaud inhabituelle flottait dans l'atmosphère, a constaté un photographe de l'AFP.
"Je suis née là. Je vis avec la raffinerie depuis 77 ans", témoigne Christiane, qui vit à proximité du site. "On n’est pas spécialement inquiets. Je n’ai rien vu ni entendu. Les fenêtres étaient noires ce matin mais c’est fréquent", a-t-elle ajouté.
Jérôme, qui vit dans le quartier des Côtes blanches, en face de la raffinerie, n'a lui non plus "rien vu ni rien entendu", mis à part un hélicoptère qui survolait le site, et ne se dit "pas inquiet".
-"absence de danger" -
La préfecture a levé en milieu de matinée sa recommandation de mise à l'abri des populations. "Des mesures d’évaluation du risque chimique pour les populations (essentiellement les personnels travaillant sur la zone industrielle), réalisées par le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), n’ont pas fait apparaître d'élément de toxicité (dioxyde de soufre, dioxyde d’azote, hydrogène sulfuré, monoxyde de carbone)", indique-t-elle dans un communiqué.
"Il s'agit d'une défaillance d'une pompe, on se dirige vers un incident technique", a précisé la préfecture par téléphone. Un plan d'opération interne (POI) a été déclenché par le groupe à 4H10 et le feu a été maîtrisé six heures après, grâce à une cinquantaine de pompiers présents en permanence sur le site.
"Cet événement n’a occasionné aucun blessé, ni entraîné de sur-accident. La menace de propagation est écartée", précise la préfecture.
Dans un communiqué, le groupe Total confirme que le feu s'est déclenché "sur une pompe de charge d’alimentation de la distillation atmosphérique de la raffinerie".
Interrogé par l'AFP, le groupe précise que le panache de fumée est "faible" et que le secteur concerné "est localisé", l'activité pétrochimique du site n'étant pas touchée.
La raffinerie avait fait l'objet d'un arrêt de maintenance de deux mois début septembre, assorti de travaux d'un montant de 110 millions d'euros.
Dans un communiqué, le maire de Gonfreville-l'Orcher Alban Bruneau (PCF) a déclaré qu'au regard de ses "propres constatations" et des informations relatives au sinistre, il n'a "pas été utile de recourir aux différents réseaux d'alerte en l'absence de danger".
"Il faut toujours s'inquiéter des risques industriels, cet incendie n'est pas anodin dans le contexte de Lubrizol", a-t-il toutefois déclaré à l'AFP.
M. Bruneau s'était abstenu mardi lors du vote sur la réouverture de Lubrizol du Comité départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst).
"J'ai jugé la réouverture prématurée tant qu'on ne connaît pas les causes de l'incendie. Il n'y a pas assez d'éléments pour juger de la capacité du site à rouvrir", a précisé M. Bruneau.
"Les pompes peuvent se gripper. Trois tours de distillation ont été touchées et il y en a pour 4 à 6 mois de travaux", a déclaré à l'AFP Gérald Le Corre, délégué CGT de Seine-Maritime, estimant que les "temps d'arrêt pour maintenance sont plus courts et plus espacés dans le temps qu'avant".
"Un feu d'hydrocarbures dégage forcément des produits cancérogènes qui n'ont certes pas de toxicité aiguë à court terme mais ce n'est jamais bon pour la santé à long terme", a-t-il ajouté, s'inquiétant "de la multiplication des incidents sur les sites Seveso".
La plateforme Total de Normandie est la plus grande plateforme de raffinage-pétrochimie de France. Elle représente 12% de la capacité de raffinage du pays, avec 253.000 barils produits chaque jour, et emploie 1.500 salariés.
AFP