La chef des démocrates au Congrès, Nancy Pelosi, a donné jeudi un coup d'accélérateur à la procédure de destitution contre Donald Trump, en demandant que soit rédigé l'acte d'accusation contre le président américain, coupable selon elle d'"abus de pouvoir".
"Nous gagnerons" la bataille, a réagi le locataire de la Maison Blanche en disant être impatient du procès au Sénat, où la majorité républicaine devrait en toute probabilité l'acquitter, peut-être dès janvier.
Dans une allocution formelle, Mme Pelosi a demandé à la commission judiciaire de la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates, d'entamer la rédaction des articles de mise en accusation du président ("impeachment" en anglais).
"Le président ne nous laisse pas d'autre choix parce qu'il a de nouveau essayé de corrompre nos élections pour son propre bénéfice", a-t-elle justifié sur un ton solennel. Il "a commis un abus de pouvoir, affaibli notre sécurité nationale et mis en danger l'intégrité de nos élections", a-t-elle encore assené.
Les démocrates ont ouvert une enquête en destitution contre Donald Trump après avoir appris qu'il avait demandé à l'Ukraine d'enquêter sur Joe Biden, bien placé pour l'affronter lors de la présidentielle de 2020.
Leurs investigations, marquées par l'audition de 17 témoins, ont montré qu'une invitation à la Maison Blanche au président Volodymyr Zelensky avait été conditionnée à l'annonce des investigations sur Joe Biden.
Une aide de près de 400 millions de dollars destinée à l'Ukraine, en conflit armé avec la Russie, a, selon de hauts responsables, également servi de moyen de pression.
- "Faut pas me chercher" -
Après cette phase d'enquête, les parlementaires ont entamé mercredi le débat juridique pour savoir si les faits reprochés au président correspondent à l'un des motifs de destitution prévus par la Constitution: "trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs".
Trois professeurs de droit d'universités prestigieuses, invités par les démocrates, ont répondu par l'affirmative. Un quatrième, convié par les républicains, a jugé les preuves "insuffisantes".
Sur cette base, Mme Pelosi a souhaité passer à la mise en accusation du président. "Nous le faisons sans joie", a-t-elle précisé lors d'une conférence de presse marquée par un vif échange avec un journaliste.
Celui-ci a sous-entendu qu'elle était animée par une "haine" envers Donald Trump. "Je suis catholique,", a-t-elle répliqué, "je ne déteste personne. Je prie tout le temps pour le président. Il ne faut pas me chercher avec ce type de mots !"
Malgré cette mise en garde, le leader de la minorité républicaine à la Chambre, Kevin McCarthy, a accusé les démocrates d'être motivés par leur "animosité" envers le président.
Selon lui, il n'y a "ni corruption, ni entrave à la justice ni abus de pouvoir" dans l'affaire ukrainienne.
- "Vite" -
Ces chefs d'accusation pourraient figurer dans les articles qui seront mis au vote en séance plénière à la Chambre des représentants, sans doute avant Noël.
Compte tenu du rapport de forces dans cette enceinte, Donald Trump est quasi assuré de devenir le troisième président de l'Histoire mis en accusation au Congrès, après Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1998.
Comme eux, il devrait être acquitté au Sénat. Il faudrait une majorité des deux tiers pour le destituer, ce qui paraît très improbable tant les élus de son parti font bloc autour de lui.
"Les républicains n'ont jamais été aussi unis. Nous allons gagner", a tweeté Donald Trump après l'annonce de Mme Pelosi, à qui il a aussi lancé: "si vous devez me mettre en accusation, faites-le maintenant, vite, afin que nous ayons un procès équitable au Sénat, et pour que notre pays puisse se remettre au travail."
Le magnat de l'immobilier a laissé entendre qu'il utiliserait son procès comme tribune politique. "Nous révélerons, pour la première fois, à quel point le système est corrompu", a-t-il affirmé.
Selon un sondage publié par le site FiveThirtyEight.com, les Américains sont très partagés quant à l'éventuelle destitution de leur président: 46,8% des personnes interrogées sont pour, et 44,5% sont contre.
"J'étais contre au début, mais après avoir vu toutes les preuves, je crois que je suis pour", a commenté sur CBS le candidat à la primaire démocrate et ancien maire de New York Michael Bloomberg.
David Axelrod, ancien conseiller politique du président démocrate Barack Obama, a résumé la situation en un tweet: "La Chambre va mettre (le président) en accusation avant la fin de l'année parce que ce qu'il a fait le justifie. Le Sénat organisera un procès en janvier sans le condamner, en dépit des preuves, parce qu'il a un contrôle absolu sur son parti. Et on passera à autre chose."
AFP