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un grain de sable pour secouer la poussière...

La place de nos langues nationales Par Cheikh Sid Ahmed Babamine

Jeudi 4 Novembre 2021 - 10:00

En perspective du dialogue national annoncé, nous re-publions une contribution  relative à la place de nos langues nationales dans notre système d'enseignement sous le titre ''couper'' les langues aux détracteurs de nos langues. C’était en 2009. Aucun changement depuis lors n'étant intervenu, elle garde toute son actualité.
 

L’état des lieux de notre école  est d’autant plus facile à dresser que nous nous accordons tous à reconnaître  la faillite de notre système d’enseignement  en vigueur ;  depuis son organisation jusqu’au   produit médiocre et hétéroclite qu’il livre annuellement, plus au marché du chômage qu’à celui  du travail.

Sans plus attendre, le pays a besoin de prendre cette problématique à bras le corps, dans le cadre d’une  véritable réforme  qui  rompt avec les anciennes  méthodes  des  replâtrages et du politiquement correct qui ont émaillé l’histoire  de notre système éducatif  depuis l’indépendance et  qui sont responsables  de la médiocrité de ses résultats et, en grande partie,  de notre  fracture sociale.  Une telle réforme devrait traduire  notre détermination à envisager  l’avenir de notre école  sur des bases saines , objectives  et efficientes, respectueuses de  notre réalité socio- culturelle  et soucieuses de la pérennité du modèle qu’ensemble, nous voulons bâtir  et léguer aux  générations futures.

L’école étant, avec  la famille,  le creuset où se forge le noyau dur  de notre personnalité de  citoyen, sa mission n’est donc pas seulement d’instruire mais aussi d’éduquer. Pour atteindre ce double objectif, notre système d’enseignement   doit  être programmé en conséquence. Il faut reconnaître qu’aujourd’hui , à la décharge de cette institution, l’échec  massif  de nos enfants  et le modèle hybride de citoyens qu’elle  engendre, ne sont, pour utiliser un aphorisme de chez nous ( kullou ina’in bimaa viihi yerchehou),  que les reflets  fidèles  de  ce que nous y mettons :  un  corps enseignant  structurellement déficitaire et peu motivé  avec  des  programmes d’enseignements hétéroclites  qui consacrent  la division de nos enfants au lieu de les rapprocher.

 

Ecole tournée vers l’avenir
 

Laissant aux académiciens et autres spécialistes le soin de proposer la substance des programmes et les meilleures  méthodes pédagogiques pour les enseigner, je me  limiterai dans cette modeste contribution  à un   survol rapide  de  la place  qui doit être  dévolue, selon moi, à nos langues nationales et aux  autres  vecteurs  linguistiques  dans une école mauritanienne , tournée vers l’avenir. Car ce volet, en grande partie responsable de notre  situation actuelle, exige des décisions  courageuses et pertinentes que  nous n’avons plus le droit  de renvoyer aux calendes grecques. A cet égard, nous devons en  finir  avec un statu quo qui perpétue la médiocrité, creuse le fossé entre nos enfants  et frise la démission  collective.

Telle que je l’aimerais, notre future école réformée  devrait, sans chauvinisme  mais aussi  sans  complaisance, refléter l’attachement et  la volonté  légitimes  de l’immense majorité  des mauritaniens, toutes ethnies confondues, d’accorder, pour ne pas dire de rendre  à l’ arabe , par ailleurs langue du saint  Coran, la place qui lui sied  dans notre système éducatif et dans notre pays. A l’instar de toutes les sociétés multiculturelles comparables  à la nôtre, cette option  devrait  viser, à terme,  à faire de cette langue nationale  vivante, non seulement la première langue officielle mais aussi  la  langue  écrite et parlée de/par  tous les mauritaniens, sans exception et, bien entendu, sans contrainte.

Y’aurait-il besoin, en l’occurrence,  de rappeler la place que l’arabe avait occupée dans notre ère géographique commune et dans nos rapports inter et intracommunautaires, des siècles durant, avant la colonisation et alors même que nos différentes ethnies, vivant à l’époque en totale autarcie, n’étaient soumises à aucune exigence d’homogénéité linguistique et  encore moins suspectes de diktat ou de visée  assimilationniste de l’une d’elles sur les autres ?
La frilosité mal placée et les résistances résiduelles mais hélas  tenaces à cette option, d’où qu’elles viennent, doivent cesser de jouer avec le feu de la division linguistique dont notre pays n’a que trop souffert depuis l’indépendance et dont nos enfants sont à la fois les instruments et  les  premières victimes.

 

Indispensable évolution

 Cette indispensable évolution  devrait cependant  être planifiée de manière à en assurer le succès à terme sans pénaliser quelque communauté que ce soit pendant  la période de gestation et de consolidation de  la réforme  qui pourrait s’étaler, s’il  le faut,  sur plusieurs   décades. Pour ce faire, des mécanismes et autres  mesures conservatoires  appropriées devraient être maintenus pour assurer aux uns et aux autres la possibilité  de continuer à communiquer dans la langue qu’ils maitrisent  (système de traduction pour le  courrier, les  réunions et  séminaires).

 En retour et parallèlement à la généralisation de l’enseignement de la première  langue nationale , notre système scolaire idéal  devrait imposer  à tous les élèves dont la langue maternelle est l’arabe, l’apprentissage   d’au moins une autre  langue nationale pour les préparer  à  communiquer  plus familièrement   et à  convivialiser  avec  leurs compatriotes, dans les régions et milieux où ces langues sont le plus utilisées et où ils sont appelés à vivre ou à servir. Cela suppose, bien évidemment, que des efforts conséquents  soient consentis pour la normalisation et le développement de l’enseignement de  ces langues nationales au moins sinon davantage, au rythme de leur évolution dans les pays voisins où elles sont pratiquées à une plus grande échelle.

En tout état de cause, complémentaires et sœurs  plutôt que  concurrentes ou adversaires de l’arabe, nos autres langues nationales (poular, soninké et wolof) constituent un pan essentiel  de notre patrimoine culturel et linguistique, capable de jouer un rôle important dans le rayonnement général du pays et qui mérite une attention  particulière. 
En un mot, notre diversité linguistique est et doit demeurer une source  de richesse. Nous n’avons pas le droit de continuer à en faire un instrument de discorde larvée.

S’agissant des langues étrangères et  puisque tout le monde est aujourd’hui unanime à reconnaître la nécessité de maîtriser au moins deux langues vivantes, l’enseignement du français devrait être maintenu à un très bon niveau dans notre école publique  pour assurer une communication de qualité avec nos frères et voisins de la sous-région ouest africaine et autres pays de l’espace francophone dans le monde.

Tout cela ne saurait  nous faire perdre de vue la place de l’anglais qui s’impose au monde entier  pour tout ce que cette langue véhicule d’échanges économiques et financiers, de  sciences et de  technologies.
Par ailleurs, je suis de plus en plus tenté de dire que, du fait, aujourd’hui incontestable du poids politique, économique, militaire  et de l’ influence croissante de la Chine et des chinois  dans les affaires du monde, l’apprentissage du mandarin, parlé par plus de  mille cinq cents millions de personnes, risque, à moyen  terme, de s’imposer  à nous comme il est déjà pratiqué dans d’autres pays plus avancés. Il faut donc s’y préparer.

Je terminerai en disant que l’importance et la sensibilité de ce sujet requièrent l’organisation d’un grand  débat national avec la participation  du plus grand nombre de personnalités académiques compétentes et politiques crédibles. Car cette participation doit être sous -tendue par  une réelle et commune volonté  de faire de notre école un creuset  fraternel et  convivial où nos  enfants, toutes ethnies confondues, réunis dans les mêmes classes , depuis la maternelle  jusqu’à l’université, seront  soumis aux  mêmes programmes pour  obtenir les mêmes  diplômes et accéder  aux mêmes chances de promotion scientifique, culturelle et sociale .
Telle est la Mauritanie que nous devons revendiquer pour nos petits-enfants ; un pays solidement  uni par sa religion, riche de sa diversité culturelle, ouvert à ses voisins et au monde mais non pluriel.


lecalame

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