C’est ce mardi 27 juillet 2021 que l’Assemblée nationale a approuvé un projet de loi modifiant certaines dispositions de la loi 112-61 du 12 juin 1961 portant Code de la nationalité mauritanienne, déjà modifiée en 2010. La grande révolution introduite par le projet de loi en cours d’adoption consiste en la reconnaissance de la double nationalité, mieux, de la multinationalité. Cette décision ouvre de nouveaux horizons dans les rapports entre la diaspora mauritanienne et leur pays.
En effet, le blocage institué par l’interdiction de la double nationalité constituait un véritable goulot d’étranglement pour le déplacement et le séjour des Mauritaniens établis à l’étranger et y ayant acquis une autre nationalité. Aux postes frontaliers, ils étaient étrangers dans leur propre pays, poussant plusieurs d’entre eux à des gymnastiques douloureuses. Ces Mauritaniens étaient en effet obligés de passer le plus souvent par Dakar, puis, une fois aux frontières Sud du pays, se faire amener leur pièce d’identité nationale restée avec leurs proches, pour pouvoir accéder à leur pays, sans être considérés comme des étrangers. Cette situation entraînait un véritable manque à gagner pour la Mauritanie, en termes de devises et de retombées économiques, notamment pour les transports, et les petits commerces au niveau des points de passage.
« Quand j’arrivais avec ma famille à Dakar, en transit, je prenais une chambre d’hôtel, je payais les taxis, le petit porteur de l’aéroport, et mes besoins auprès des commerçants sénégalais, avant d’entreprendre le périple vers Rosso. Tout cela, ce sont des revenus qui auraient dû profiter à mes compatriotes si j’avais pu débarquer directement à l’aéroport de Nouakchott. Et je ne suis pas le seul. Des milliers de Mauritaniens vivant en Europe, aux USA ou ailleurs et y ayant acquis une nationalité étaient soumis à la même gymnastique » reconnaît AOB, un Mauritanien vivant à Paris et qui vient chaque deux ans à Nouakchott rejoindre sa maman et ses sœurs.
« C’est surtout l’avenir de mes enfants qui m’inquiétaient. Ils sont nés aux Etats-Unis. Ils sont Américains et Mauritaniens. Mais, l’ancien Code de nationalité les privait de leur pays. Je suis content que les autorités aient rectifié le tir » souligne Tijane, un quadragénaire mauritanien vivant à Dakota.
Pour Me Lô Gourmo Abdoul, avocat et activiste politique, évoquant le projet de loi sur la nationalité, « il s’agit d’un pas important, d’un progrès à saluer, même s’il y a des aspects à améliorer ».
En substance, la nouvelle loi reconnait à tous les Mauritaniens le droit d’acquérir le nombre de nationalités qu’ils veulent tout en conservant leur nationalité mauritanienne. Ces Mauritaniens jouissent des mêmes droits que n’importe quel autre citoyen. Seulement, le texte limite certaines fonctions dont l’accès est fermé aux binationaux. Ces fonctions sont la fonction de Président de la République, de Premier Ministre, de Ministres de souveraineté (Affaires Etrangères, Défense et Justice), ainsi que les fonctions de chefs de corps d’armées ou de sécurité. L’accès à ces fonctions est lié au renoncement par les binationaux de leur nationalité étrangère.
Les modifications apportées par les députés au texte présenté par le gouvernement comportent l’accès des binationaux à des postes électifs, tels que maire, député, conseil régional. Ces postes électifs étaient interdits dans le texte présenté par le gouvernement aux binationaux, réduisant ainsi considérablement les 300 fonctions dont ils étaient exclus. Cette nouvelle opportunité est considérée comme positive, dans la mesure où les Mauritaniens expatriés pourraient faire profiter au pays leurs expériences glanées ailleurs, notamment dans les approches de développement.
Cheikh Aïdara
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