Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sont en visite en Mauritanie ce jeudi 8 février. À travers ce voyage, les deux responsables politiques, qui ont été reçus par le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, entendent développer leur coopération sur la question migratoire.
Selon les informations de la presse espagnole, Bruxelles va débloquer une enveloppe de 200 millions d’euros pour aider la Mauritanie à contrôler les flux de migrants. Depuis plusieurs semaines, l’Espagne fait pression sur l’Union européenne (UE) pour qu’elle augmente son aide financière à ce pays d’Afrique de l’ouest.
Plus de 80% des canots arrivés aux Canaries venus de Mauritanie
Madrid s’inquiète en effet de l’augmentation des débarquements de migrants venus des rives mauritaniennes. Jusque-là exceptionnels en raisons d’accords entre les deux pays, les départs depuis la Mauritanie connaissent une forte hausse cette année. En janvier, plus de 7 000 migrants sont arrivés aux Canaries, dont 80 % avaient pris la mer depuis les côtes mauritaniennes, distantes d’environ 1 000 km de l’archipel espagnol.
Les autorités espagnoles observent cette tendance depuis la fin d‘année dernière mais le phénomène a pris de l’ampleur au mois de janvier. Et d’après une responsable canarienne, "300 000 personnes attendent d’embarquer" en Mauritanie pour rejoindre les îles des Canaries.
Nouakchott relâcherait-elle la surveillance de ses côtes ces derniers mois afin d’obtenir plus d’argent de l’UE ? C’est en tout cas ce que laisse entendre des sources gouvernementales espagnoles.
Depuis plus de 20 ans, la Mauritanie reçoit des sommes conséquences de l’Espagne et de l’Union européenne pour la gestion des migrants. Pour la période 2022-2027, l’allocation de l’UE s’élevait à 12,5 millions d’euros. À cela s’ajoutent les subventions annuelles de l’Espagne pour la formation et l’équipement des garde-côtes mauritaniens, qui atteignent 10 millions d’euros. En échange, Nouakchott s’engage à accueillir sur le sol mauritanien les exilés entrés de manière irrégulière aux Canaries après avoir quitté le pays, et à bloquer les départs des canots.
Par ailleurs, une cinquantaine d’agents espagnols disposant de leurs propres moyens terrestres, patrouilleurs, bateaux, hélicoptères et avions sont déployés dans le pays pour surveiller les plages et les eaux mauritaniennes.
"Un pas de plus vers la création d‘une Europe forteresse"
Mais la Mauritanie semble réclamer davantage. Lors d’une réunion à Bruxelles le 11 décembre en présence de hauts responsables espagnols et européens, des représentants mauritaniens ont exigé plus de moyens matériels et technologiques pour lutter contre l’immigration irrégulière. "La Mauritanie a insisté pour recevoir davantage d’attention de la part de l’UE, prenant référence le prétendu grief comparatif avec la Tunisie", selon une source diplomatique citée par El Pais.
L’an dernier, une enveloppe d’un milliard d’euros a été allouée à Tunis pour redresser son économie, dont 150 millions pour les questions migratoires en échange d’un plus grand contrôle des frontières maritimes.
Or, pour les associations, la solution à la crise migratoire ne se trouve pas dans l’externalisation et la militarisation des frontières. "C’est le manque de ressources pour survivre qui pousse les gens à fuir", estime Daniel Martinez, responsable de la communication du Service jésuite des migrants (SJM), contacté par le média espagnol Alfa & Omega. "Les gens continueront d’atteindre le continent par des itinéraires de plus en plus dangereux. C’est un pas de plus vers la création d‘une Europe forteresse", regrette-t-il.
Selon l'association Caminando Fronteras, des centaines de personnes sont déjà portées disparues sur la route mauritanienne ces deux derniers mois. "Il est désormais plus important que jamais de renforcer les recherches pour éviter un nouveau massacre", insiste l’association.
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