Le mercredi prochain, dans deux jours exactement je vais marcher. Je vais « attacher le chameau de ma chaussure », comme disait Khayyar, Allah yarahmou. Je marcherai. Je laisserai ma voiture dans son garage et je marcherai dans les rues, les avenues et les ruelles les plus étroites de Koweït-city. Je marcherai sur le sol de ce pays, les yeux fixés sur les routes du mien.
Là-bas, très loin d’ici, je vais imaginer la marche de mon pays. Je vais supposer que le président de chez-moi, qui comme moi a fait du chemin dans la vie ; et qui a pensé à la prière secrète de Zacharie : « O Mon Seigneur mes os sont affaiblis et ma tête s’est enflammée de cheveux blancs », vient de faire le virage que notre aéronef national attendait depuis longtemps... espérait depuis toujours.
Je marcherai farouchement avec vous, contre la ségrégation, le racisme, le tribalisme abjecte, les forges de la dissension nauséabondes, les cancrelats du net, l’affaiblissement systématique de la nation. Les inégalités traitresses, la gabegie, la sape de l’avancée du pays, les troubadours de la comédie et les comédiens des abus ; la perversion et la corruption. Je marcherai contre les assassins de l’avenir de nos enfants et de la dignité de notre peuple. Je marcherai contre l’arrogance le tort ou le mépris contre tout mauritanien, quelle que soit sa couleur ou son appartenance. Je courrai contre l’esclavage, le charlatanisme, le népotisme, le clientélisme, la manipulation du faible… Je ne m’arrêterai pas…jamais.
Pourquoi ne marcherai-je pas ?
Je martèlerai le macadam, d’ici si fortement que vous sentirez, tous, un compagnon invisible, qui marche dans votre sillage, si ça marche.
Pour marcher, il faut que ça marche… sinon pourquoi se donner la peine ?
Pourvu que pendant ma marche, je ne tombe pas sur ces pancartes qui le longs de tous nos trajets on obstrué le chemin et la vue.
Ces lames de la sorcellerie noire qui ont déchiré nos espoirs et ruiné notre valeur dans ce monde.
Ces slogans vidés de leur couleur, de leur saveur et de leur sens à force d’être rabâchés, réchauffés, criés au vent, à tous les dirigeants pour fermer les fenêtres de la raison et bloquer tout accès à la lumière.
Ces rideaux de malheurs qui interceptent la respiration de ces populations.
Je vais marcher, je vais courir…je vais courir…courir… courir et courir, jusqu’à la fin de mon texte, jusqu’à l’épuisement de mon encre, jusqu’au bout de mon espoir et de mes prières.... peut-être serai-je plus proche… peut-être serai-je plus explicite. La Mauritanie le vaut. La Mauritanie le mérite. C’est le moindre sacrifice pour s’incliner devant la patience et le courage d’un grand pays, rapetissé par les injustices et la convoitise, et qui a pu continuer d’exister.
Chère Mauritanie, merci de tenir encore debout. Que le Bon Dieu te soutienne et raffermisse tes colonnes.
Quand hors d’haleine, extenué les jambes flageolantes et en sueur, je m’arrêterai ; je scruterai le morceau du ciel qui nous sépare et je verrai « l’après marche. ».
Je commencerai par la télévision et la radio. Pas besoin d’aller plus loin.
A-t-on consacré l’effort de ces mass-média dans le réveil de ceux qui, grande majorité nationale, n’ont même pas entendu parler de ce marathon national ?
A-t-on donné la parole, à ceux qui, sans contrepartie et sans allégeance piégée veulent que ce pays connaisse la paix et la prospérité ?
Si oui je marcherai encore et encore... Je sais que je suis en retard.
Sinon j’aurais couru derrière un mensonge. J’aurai participé, malgré moi à une représentation, un film traditionnel, une imitation de ce qui a toujours été. La sculpture architecturale d’un faux-jeu que j’abhorre et contre lequel je me refugie derrière la Toute Puissance du Seigneur des mondes.
Nous n’avons pas de totems humains à adorer. Depuis longtemps nous nous sommes convaincu et témoigné qu’il n’y-a de dieu que Dieu.
Tous les mauritaniens se valent. Que le président soit noir ou blanc, qu’il se sacre monarque ou préfet, l’essentiel est de prouver, actes à l’appui qu’il œuvre pour le pays dans le pays et pour les citoyens.
Nous ne pouvons apprécier et marcher que pour un bonheur qui se traduit aisément sur le sourire et l’embonpoint du citoyen et sur la quiétude du pays.
C’est pourquoi avant de marcher il faut se fixer clairement la destination.
Et peut-être travailler, sans s’infliger la charge et la peine de gaspiller une énergie indispensablement salutaire et substantielle qui permettrait d’avancer vraiment… vers un lendemain meilleur.
Parfois en ne faisant que marcher, on passe à côté de l’essentiel.
Mohamed Hanefi. Koweït.