Chassés de chez eux par les flammes, des milliers d'Australiens ont échoué dans des camps de fortune, inquiets pour leur avenir et comme réfugiés dans leur propre pays.
Ils sont installés sur des terrains de golf ou de cricket, des champs de foire, en fait partout où il n'y a pas trop d'arbres.
Au Catalina Country Club de Batemans Bay, ville touristique dans l'Etat de Nouvelle-Galles du sud (sud-est), caravanes, véhicules 4X4, camionnettes et tentes s'alignent en rangs serrés. La salle de restaurant est devenue un centre pour les personnes évacuées.
Les clients qui viennent d'habitude se rafraîchir d'une bière après une journée d'activités en plein air ont cédé la place à des vieilles dames qui prennent le thé et jouent aux cartes pour passer le temps.
Des sacs de dons s'entassent --nourriture, vêtements, bouteilles d'eau-- au milieu d'un va-et-vient continuel.
L'Australie, pourtant habituée aux incendies, vit depuis plusieurs mois une situation cauchemardesque. Depuis septembre, 23 personnes ont péri, des dizaines d'autres sont portées disparu, et une surface équivalant à deux fois la Belgique a été dévorée par les flammes.
Le ciel est noirci, une fumée étouffante envahit des villes entières et gagne jusqu'à la Nouvelle-Zélande ou la Nouvelle-Calédonie. Des familles entières en sont réduites à patauger dans l'océan pour se mettre en sécurité.
Pour beaucoup, l'avenir est plein de points d'interrogation: leur maison va-t-elle résister, quand pourront-ils rentrer chez eux et, alors que l'été n'est pas fini, quand tout cela se terminera-t-il?.
- "La fin du monde" -
Des incertitudes que beaucoup doivent affronter alors qu'ils sont encore en plein traumatisme.
Narelle Coady, âgée de 54 ans, s'est réfugiée samedi sur une plage de Batemans Bay. Sa maison était menacée par les flammes pour la deuxième fois en cinq jours.
"Nous nous sommes battus mardi contre l'incendie et c'était vraiment effrayant", confie-t-elle à l'AFP. "Vraiment terrible, impossible de respirer. Pas d'oxygène. C'était horrible". Pour elle, pas question de recommencer: "c'était ma première et dernière fois".
La propriétaire d'un motel de Batemans Bay, Justine Donald, 40 ans, a dû évacuer sa maison durant le réveillon du Nouvel An. Une scène qu'elle décrit comme ressemblant à "la fin du monde".
"La ville est devenue toute noire", raconte-t-elle. L'air était "si épais qu'on avait l'impression de suffoquer en respirant".
"J'ai tellement eu peur pour ma vie qu'à présent je ne pense même pas aux biens immobiliers".
- "Juste rester vivante" -
"C'est accablant", avoue-t-elle, par moments au bord des larmes. "Le principal pour moi c'est juste de rester vivante et que nous soyons tous en sécurité".
Le soir de la Saint-Sylvestre, le feu a ravagé le village de Mick Cummins, 57 ans, qui a fui avec sa femme vers le centre d'évacuation.
"L'enfer est arrivé par-dessus la colline", se souvient-il. "Nous restions assis là à regarder les explosions l'une après l'autre, le club de bowling a brûlé, les maisons ont brûlé le long de la rue".
"J'étais ici lors des incendies de 1994. Je pensais que c'était dur. C'était juste un barbecue", lance-t-il.
"Nous sommes ici jusqu'à ce que nous puissions rentrer chez nous", explique son épouse Ulla. "On nous dit que nous n'aurons sans doute pas d'électricité avant la semaine prochaine. Et sans électricité nous n'avons pas de téléphone non plus. Nous sommes coincés".
Wes Moreton, âgé de 30 ans et père de cinq enfants, a dû fuir successivement de sa maison puis de son refuge car le feu remontait vers le nord. Cette fois, il a décidé de partir carrément pour Sydney avec sa famille. Comme beaucoup d'autres, il n'est pas du tout sûr de retrouver sa maison en revenant: "croisons les doigts pour qu'elle reste debout".
AFP