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Hommage : Le doyen de nos administrateurs n'est plus

Mercredi 3 Novembre 2021 - 21:54

L'un des derniers fondateurs vivants de la Mauritanie qui la firent surgir du néant, malgré les vents et marées de l'époque, est décédé le Jeudi 25 Octobre à Nouakchott. Ahmed ould Ba ould Meïne   étaient de ceux qui s'étaient engagés et pris au défi de fonder un État mauritanien, alors que les conditions géopolitiques étaient loin d'être propices. Sous la houlette du père fondateur feu Moctar ould Daddah, ces jeunes cadres formés dans les écoles coloniales se sacrifièrent corps et âme pour que leur nation puisse voir le jour. Ahmed ould Ba fut le premier mauritanien à décrocher le diplôme d'administrateur civil à l'Institut d'Administration d'Outre-mer de Paris.

Il avait auparavant suivi une formation de comptabilité qui lui avait permis de devenir percepteur au sein de l'administration coloniale en quelques villes du pays dont Tidjikja. À sa sortie de l'IAO en 1957, début de l'autonomie interne, on lui confia l'administration du cercle de l'Assaba. La transition n'était pas du tout facile car les administrés étaient habitués à la rigueur des autorités coloniales. Pour eux, le nouveau commandant, mauritanien comme eux, ne pouvait pas avoir le même pouvoir qu’un commandant colon ni le même charisme. Ils se montraient donc fort indociles envers leurs devoirs civiques.

Mais Ahmed sut fort bien les gérer, grâce à sa légendaire finesse, usant habilement de la carotte et du bâton, ainsi que l’a rapporté le président Moctar dans ses mémoires. Un chef coutumier de fraction guerrière s'était rétracté en disant qu'il acceptait de payer les impôts aux colons qu'il craignait mais certainement pas à un marabout. « Papa », comme on appelait communément Ahmed, ordonna aux gardes de le mettre au « bloc ». Une fois constaté, deux jours plus tard, que le commandant mauritanien avait bel et bien les mêmes pouvoirs que le colon, notre chef coutumier accepta de payer les impôts dus. Après cette histoire, le président Moctar colla à Ahmed le surnom de « bloc ». 

Nommé en 1961 directeur de l'Administration territoriale – équivalent à l’époque de ministre de l'Intérieur dont le portefeuille était confié au Président – Ahmed fut ensuite placé au poste d’inspecteur général de l'État. C'était lui qui dirigea la commission d'enquête sur les événements de Néma en 1962. Après ceux de 1966, il fut commandant du cercle du Hodh qui englobait les deux actuels. Durant cette période, il mena une sensibilisation auprès de divers pouvoirs traditionnels locaux pour qu'ils s’attachent plus à leur pays qu'au Mali. Ce fut une réussite totale. Puis on lui confia, juste avant les événements de Zouérate de Mai 68, le cercle de Nouadhibou qui couvrait tout le Nord du pays. Suivi de la Direction de la pêche puis celle d'Air Mauritanie, avant la présidence de la Cour suprême où il acheva sa carrière. Son départ à la retraite en 1980 lui permit de se consacrer à la religion.

En 1992, le voilà encore nommé membre du Conseil constitutionnel. Il se retira ensuite définitivement en son fief de Taguilalet pour traiter des affaires locales et passer de longs moments à la mosquée. Ahmed était un poète de talent. Il s'exprimait librement, en dépit de la censure, sur ce qui se passait sur la scène politique et ne cessa de critiquer le régime. Ses poésies en ce sens étaient très populaires. Quand il en composait une, il demandait aussitôt audience au Président pour la lui lire. « Je veux être le premier à t'en informer, avant que tes informateurs ne le fassent ».
 

Mohamed ould Ely

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