COMPARUTION DU PREVENU N° 1 (OULD ABDEL AZIZ).
QUATRIEME PARTIE
Le Président du Tribunal :
- « Assis. La séance est ouverte. Faites venir le prévenu Mohamed à la Barre. Nous reprenons donc le cours de cette audience. Je rappelle encore une fois que l’introduction d’un téléphone dans la salle d’audience est interdite. Tout usage de téléphone au cours des séances, pour quel motif que ce soit expose son auteur à des risques de poursuites. Ceux qui souhaitent garder sur eux leurs téléphones doivent les éteindre tout au long du procès.
Mohamed. Yahya Ould Hademine, co-accusé a émergé en 1989. A cette époque il avait été appelé à la tête de la SAFA, société filiale de la SNIM, et à cette date vous, si ma mémoire est bonne vous étiez déjà à la sécurité présidentielle.
Ould Abdel Aziz :
- « Votre mémoire est bonne ».
Le Président du Tribunal :
- « Est-ce que à cette époque Yahya et vous vous vous vous connaissiez déjà ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Comme personnalité publique oui. »
Le Président du Tribunal :
- « Bien. Yahya Ould Hademine a été nommé à la tête de l’ATTM en 2003. Il avait occupé cette fonction jusqu’en 2010. Ce qui signifie donc qu’Il a travaillé deux ans sous le régime de Maaouiya, deux ans sous le régime de Ely Ould Mohamed Vall et trois ans sous votre régime, c’est à dire, entre 2007 et 2010. Quelles relations entreteniez-vous à cette époque et des relations de quelle nature ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Je peux savoir pourquoi vous me posez ces questions ? ».
Le Président du Tribunal :
- « Mohamed on ne répond pas à une question par une question. Je vous rappelle encore une fois et pour toutes, que c’est moi qui pose les questions pour lesquelles je vous demande de me donner des réponses. Entre 2007 et 2010, Yahya Ould Hademine est resté sous votre régime à la tête de l’ATTM. A cette époque quelles sont les relations qui vous liaient ? »
- « Aucune. Il était Directeur Général de l’ATTM, une filiale de la SNIM et moi j’étais Chef de l’Etat.»
Le Président du Tribunal :
- «Vous me dites ce que je sais, mais pas ce que je cherche à savoir. Pour me faire comprendre mieux, je repose ma question de manière plus explicite. Entre 2007 et 2010, il n’existait donc aucune relation d’intérêt entre vous deux, que ces relations soient directes, soit par personnes ou par société interposées ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Qu’est-ce que vous entendez par « relations d’intérêts » ?
Le Président du Tribunal :
- « Relations d’intérêts ? Pourtant c’est clair. Je reformule donc ma question autrement une fois encore. Je veux savoir est-ce que durant cette période vous interférez pour des « privilèges à accorder à des personnes physiques ou morales pour l’exécution des grands travaux dans le domaine des BTP (bâtiments et travaux publics) ? »
Ould Abdel Aziz :
- « J’étais président de la République. Je ne m’occupais pas du contrôle ou de la régulation des marchés de travaux publics ! »
Le Président du Tribunal :
- « Vous étiez président c’est vrai. Mais aussi, déjà à cette époque, vous étiez versé dans des activités très importantes de leasing des engins et des équipements de chantiers de constructions d’infrastructures routières ! »
Ould Abdel Aziz :
- « C’est lui qui vous l’a dit ? ».
Le Président du Tribunal :
- « Ce sont les recoupements de certaines informations relatives à vos activités occultes de l’époque qui qui l’ont dit. »
Ould Abdel Aziz :
- « Vous aussi vous croyez aux informations que publie la presse de sensation de ce pouvoir qui m’accuse d’avoir des gradeurs, des niveleuses, des camions bennes, des citernes et des équipements de compactage ? Je ne possède qu’une foreuse que je mettais à la disposition des populations nécessiteuses gratuitement. Je ne l’ai jamais caché et d’ailleurs je l’ai dit au cours d’une conférence de presse. »
Le Président du Tribunal :
- « Ce que vous venez de dire là a été démenti par la découverte d’une cache de véhicules poids lourds et des véhicules utilitaires stockés dans un entrepôt fictif ou dans une enceinte vous appartenant ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Vous voulez parler de ces véhicules montrés en photos prises par des personnes qui avaient escaladés de nuit les murs d’une enceinte privée, qui s’étaient faufilés comme des petits voleurs pour prendre des photos de ces véhicules ? Si les enquêteurs savaient tout sur ces véhicules ils ne les auraient pas photographiés ! ils ne les auraient pas photographiés ! ils ne les auraient pas photographiés. Tu as entendu ? ».
Le Président du Tribunal :
- « Qu’est-ce que vous voulez dire par : « ils ne les auraient pas photographiés ? »
- « Je voulais dire ce que j’ai dit et c’est pourtant clair. Si vous, vous ne comprenez pas, ou vous faites semblant de ne pas comprendre, ceux à qui s’adresse ce message eux comprendront ! »
Le Président du Tribunal :
- « Mohamed vous ne trouvez pas que vous êtes trop énigmatique ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Effectivement je suis parfois énigmatique. Parce qu’il y’a des vérités qui ne sont pas bonnes à révéler. Et d’ailleurs il y’a même des gens qui n’ont pas intérêt que je les révèlent. Le message est passé, c’est le plus important ! ».
Le Président du Tribunal :
- « A cette barre vous pouvez dire tout ce que vous voulez si cela peut aider à vous disculper ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Je ne suis pas inculpé. Je vous ai déjà dit que votre tribunal, siège dans l’incompétence totale au vu des dispositions de l’article 93 de la Constitution de 91 qui me confère une immunité présidentielle. »
Le Président du Tribunal :
- « Parce que c’est ce que vous croyez ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Ce n’est pas ce que je crois. C’est ce dont je suis sure ! ».
Maitre Ould Ichidou :
- « Objection Monsieur le Président ! Ce n’est pas ce que notre client veut dire. »
Le Président du Tribunal :
- « Objection rejetée. Maitre Ichidou respectez la discipline des débats s’il vous plait ! »
Ould Abdel Aziz :
- « Maitre Ichidou ce que je viens de dire est bien ce que je voulais dire. Maitre, s’il vous plait. ne vous expliquez plus jamais à ma place. Je sais ce que je dis et pourquoi je le dis. Ce tribunal siège pour me juger dans l’incompétence totale. Je le répète et j’assume ! »
Le Président du Tribunal :
- « Alors pourquoi à votre avis vous être-là ? Pour une partie de plaisir ? »
Maitre Sandrela :
- « Monsieur le Président. S’il vous plait. Permettez-moi de… » (Elle est interrompue par le président)
Le Président du Tribunal :
- «Sandrela. Je ne vous permets rien. Asseyez-vous et taisez-vous !. »
Ould Abdel Aziz :
- « Sandrela, taisez-vous laissez entre ce Monsieur et moi ! »
Le Président du Tribunal :
- « Je vous pose une question sérieusement. Mohamed est-ce que vous avez pris vos médicaments ce matin ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Ne vous faites pas de souci pour moi, ni pour ma santé. Je vais bien. C’est vous qui avez besoin de prendre un médicament pour vous calmer. »
Le Président du Tribunal :
- « Non. Non ! Mohamed vous n’allez pas bien du tout ! Vous vous prenez pour qui pour vous adresser à moi avec ces répliques insolentes ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Je me prends pour ce que je suis. Et vous connaissez bien ce que je suis. Vous ne pouvez pas m’intimider. Chaque fois que je serais à cette barre, je dirais ce que je veux à qui je veux, quand je veux pour faire entendre ce que je veux ! ».
Maitre Taleb Khyar :
- « Monsieur le Président, le collectif de la défense demande une suspension de l’audience pour cinq minutes de concertation avec notre client ! »
Le Président du Tribunal :
- « Proposition rejetée ! »
Maitre Ould Ichidou :
- « Président, permettez-moi d’intervenir s’il vous plait ! »
Le Président du Tribunal :
- « Demande rejetée. Vous ne pouvez-pas intervenir. Et personne d’autre n’interviendra. Mohamed c’est à vous que je m’adresse. Est-ce que réellement vous vous sentez bien ?
Ould Abdel Aziz :
- « Moi, je me sens très bien El Hamdoulillah. Je n’ai aucun problème. Mais je ne sais pas par contre si vous, vous allez bien ! En tous cas j’ai comme l’impression que votre obsession de me faire juger vous déboussole complétement ! »
Le Président du Tribunal :
- « Mohamed, je vous repose encore une fois la question : « Est-ce que réellement vous vous sentez bien ? »
Ould Abdel Aziz :
- « MachaAllah. Je me sens très bien. Ne vous faites pas de souci pour moi. »
Le Président du Tribunal :
- « Puisque vous le dites, c’est bien. Alors écoutez-moi bien. Ici, vous êtes un homme poursuivi par la justice pour infractions multiples : détournement, corruption, connivence avec des « hors de la loi » de la Mafia financière et économique.
Je vous conseille donc de redescendre de cette hauteur au niveau de laquelle vous placez votre personnalité de personne en conflit avec la loi. A partir de cet instant, tout ce que vous direz sera retenu contre vous et, croyez-moi, tout ce qui sera retenu contre vous, pèsera lourd sur les appréciations des qualifications des faits pour lesquels vous êtes jugé en ce moment.
Ce que vous étiez et dont vous avez abusé par votre pouvoir et votre autorité pendant dix ans ne n’influera d’aucune manière sur le cours de ce tribunal qui vous juge. Qui vous juge, pas comme un président ce qui vous obsède, mais comme un délinquant et un criminel financier et économique que vous êtes d’ailleurs vous le savez bien. Souvenez-vous-en. La prochaine fois que vous jouez à l’insolent à mon égard à la barre de ce tribunal, je vais vous renvoyer dans une cellule dont vous garderez un mauvais souvenir tout le reste de votre vie ! Vous vous prenez pour qui ? La comédie a assez duré. Je vous avertis pour la…» (il est interrompu par l’accusé).
Ould Abdel Aziz :
- « Je n’ai pas peur de vos menaces ! Votre justice m’a privé de ma liberté dans des conditions inhumaines et dégradantes. Vous m’avez torturé moralement, physiquement et psychologiquement pensant peut être que j’allais craquer ; que j’allais finir dans un asile psychiatrique.
Maitre Sandrela :
- « Monsieur le président. S’il vous plait. Permettez-moi de faire une petite remarque pour …. » (Elle est interrompue par le président)
Le Président du Tribunal :
- « Maitre Sandrela, je ne vous permet rien du tout. Et si je vous entends encore une seule fois parler sans mon autorisation, je vous renvoie à Baalbek arroser les cèdres. J’espère que je me suis fait comprendre.
Ould Abdel Aziz :
- « Non ! ».
Le Président du Tribunal :
- « Même pas de leasing de véhicules, d’engins de travaux publics ou d’équipements ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Non ! »
Le Président du Tribunal :
- « Nous allons le vérifier par votre confrontation avec Yahya Ould Hademine qui était donc à cette époque Directeur Général de l’ATTM. Je crois qu’il va vous démontrer que vous êtes amnésique. »
Ould Abdel Aziz :
- « Vous allez le vérifier en le confrontant lui avec son mensonge. Pas avec moi.»
Le Président du Tribunal :
- « Le moment venu, on verra s’il sera confronté à son mensonge ou à votre mensonge vous ! »
Ould Abdel Aziz :
- « Je ne vous permets pas de me traiter de la sorte ! Mesurez vos paroles.»
Le Président du Tribunal :
- « Continuez à dire ce que vous voulez Mohamed. Mais avant la fin de ce procès vous serez fixé définitivement pour savoir celui qui de nous deux peut se permettre quoi et pourquoi. Si c’est vous ou si c’est moi.
Ould Abdel Aziz :
- « Pas à ma connaissance !.»
Le Président du Tribunal :
- « C’est-à-dire ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Pas à ma connaissance personnellement ! ».
Le Président du Tribunal :
- « Ce qui, pour vous signifie qu’il est possible que ce soit arrivé pas à votre connaissance vous mais peut être à a connaissance de quelqu’un d’autre ? »
Ould Abdel Aziz :
- « C’est possible. ».
Le Président du Tribunal :
- « Comment ça c’est possible ? Expliquez-vous ! »
Ould Abdel Aziz :
- « Je ne savais pas, mais quand cette affaire avait éclaté, j’ai appris que certains profitaient de leur proximité avec moi pour faire croire qu’ils étaient « recommandés » de ma part auprès de responsables de sociétés nationales publiques ou parapubliques pour avoir certains privilèges. Mais si c’était le cas c’était à mon insu. ».
Le Président du Tribunal :
- « Ces ‘certains’ étaient-ils des ‘certains’ » de votre famille, ‘certains’ de votre entourage, ou ‘certains’ de vos intermédiaires agréés ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Certains d’un peu de tous. »
Le Président du Tribunal :
- « On verra tout cela plus tard. Donc d’après vous et à « votre connaissance », il n’y jamais eu des relations d’intérêts entre vous et Yahya Ould Hademine quand il était à tête de l’ATTM, c’est-à-dire entre 2007 et 2010 ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Pas à ma connaissance en tous cas ? »
Le Président du Tribunal :
- « Pas à votre connaissance mais donc à la connaissance de qui ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Posez la question à votre monsieur. Il était mieux placé pour savoir. Lui aussi profitait de sa proximité avec moi, pour se faire ‘recommander’. »
Le Président du Tribunal :
- « Ne vous en faites pas. Je lui poserais la question face à vous au cours d’une confrontation. »
Ould Abdel Aziz :
- « Dites plutôt au cours d’une séance où Il sera confronté avec son mensonge mais pas confronté avec moi. Je lui ai dit la dernière fois dans les locaux de la Police des Crimes Economiques et Financiers ce que j’avais à lui dire. Pour moi, ce débat sur cette question est clos. »
Le Président du Tribunal :
- « Mais lui aussi il vous avait dit dans les locaux de la Police des Crimes Economiques et Financiers ce qu’il avait à dire ! » Du 21 août 2014 au 30 octobre 2018 vous avez été très proches l’un de l’autre. Je peux savoir ce qui vous pousse maintenant à tant de haine contre sa personne ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Sa malhonnêteté ! »
Le Président du Tribunal :
- « Ou bien votre malhonnêteté à vous, parce que si, selon vous il est malhonnête, pourquoi vous l’avez-vous nommé Ministre de l’équipement en 2010, et plus tard, en août 2014, Premier Ministre du gouvernement ? »
Ould Abdel Aziz :
- - « Je ne sais vraiment pas. Peut-être qu’il m’avait ‘marabouté’ ! »,
- « Est-ce que par hasard, il ne vous aurait pas marabouté en «vous » favorisant l’accès facile aux marchés publics importants pour lesquels vous aviez besoin d’un responsable comme lui, sourd, aveugle, muet et surtout très « obéissant » qui pouvait traiter avec vos intermédiaires agréés comme la MTC.Sa ou le Wafa Holding Group, pseudonymes de sociétés desquelles vous êtres très proche et même parfois confondu par vos propres intérêts ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Je ne comprends pas où vous voulez en venir ? »
Le Président du Tribunal :
- « Vous comprenez très bien où je veux en venir. Vous avez dit tout à l’heure que vous vous sentez très bien El Hamdoulillah et que vous n’avez aucun problème. Vous voulez boire un verre d’eau ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Non merci ! Je n’ai pas soif ! »
Le Président du Tribunal :
- « Tant mieux ! C’est bien. Je dois vous poser quelques questions sur vos relations d’intérêts avec l’homme d’affaire Mohiédine Ould Bouh, sur l’achat effectué des huit avions de la flotte de la Mauritania Airlines Internationale, sur les contours du montage du financement de la construction de l’aéroport international de Oumtounsi, sur la construction de l’immeuble de la SNIM et sur la vente du patrimoine foncier de l’Etat. Par laquelle des sujets vous voulez qu’on commence ? »
Ould Abdel Aziz :
- « Commencez par lequel vous voulez. Rien ne me concerne directement ou indirectement dans de tout ce que vous venez de dire. Je n’ai rien à me reprocher.»
Le Président du Tribunal :
- « Vous croyez ?. »
Ould Abdel Aziz :
- « Je ne crois pas. Je suis sure ».
Le Président du Tribunal :
- « Vous allez comprendre maintenant pourquoi, nous avons commencé cette audience par le cas de vos relations avec l’accusé N° 2 Yahya Ould Hademine. Il est là et il sera appelé à la barre pour vous rafraichir la mémoire. ».
Ould Abdel Aziz :
- « Est-ce que je peux avoir un verre d’eau glacé à boire si possible ? ».
Le Président du Tribunal :
- « Vous venez de dire que vous n’avez pas soif. Les questions que je vais vous poser vous assèchent déjà la gorge ? »
( A suivre)
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant