Laissée moribonde par la "décennie noire" des années 1990, la BD algérienne auparavant foisonnante renaît depuis 10 ans grâce à de jeunes auteurs et éditeurs passionnés qui veulent la sortir de la case "futile" et bravent les défis économiques.
A l'indépendance du pays en 1962, de jeunes auteurs, nourris à la bande dessinée franco-belge (Tintin, Astérix...) née dans les années 1950, font de l'Algérie le pays-phare de cet art au Maghreb.
L'euphorie de l'ouverture politique fin 1988 --qui voit notamment la naissance du journal satirique "El-Manchar", sorte de "Charlie-Hebdo" algérien accueillant de nombreux dessinateurs-- sera de courte durée. En 1992 commence une décennie de guerre civile, durant laquelle nombre de dessinateurs sont assassinés ou contraints à l'exil.
Depuis la création du Festival international de la BD d'Alger en 2008 --dont la 10e édition s'achève samedi--, "la BD renaît, de nouveaux talents ont été découverts, suivis et édités", explique à l'AFP Imène Allal, responsable de la bande dessinée chez l'éditeur généraliste algérien Dalimen.
- Styles variés -
Nourris durant leur enfance à l'hebdomadaire français Pif-Gadget et à la BD franco-belge, mais aussi aux mangas et aux dessins animés japonais, les nouveaux auteurs algériens offrent des styles variés.
L'humour autobiographique de Togui ou les petits tracas quotidiens illustrés par la jeune Delou côtoient l'acerbe critique politique et sociale du dessinateur "l'Andalou" ou le graphisme épuré et poétique des récits pointus de Nawel Louerrad, mais aussi des oeuvres inspirées des mangas japonais ou des comics américains.
Depuis 10 ans, deux maisons d'édition spécialisées, Z-Link et Kaza, sont nées en Algérie, en plus de la création de la section BD de Dalimen. L'éditeur public ENAG réédite quant à lui d'anciennes BD algériennes.
Mais les défis restent nombreux: un circuit de distribution inexistant, peu de librairies et une logistique compliquée dans un pays quatre fois plus grand que la France, énumèrent Imène Allal et Salim Brahimi, directeur de Z-Link qu'il a fondée en 2007.
Des difficultés qui "ne sont pas propres à la BD mais à toute l'édition", expliquent-ils.
La BD a en outre "un coût de fabrication important et on n'est pas sur de gros tirages" --environ 1.000 exemplaires par album--, explique Imène Allal, ce qui renchérit le prix de vente. Les albums Dalimen, à couverture cartonnée, sont vendus entre 800 et 1.000 dinars (entre 6 et 7,5 euros), dans un pays où le salaire moyen mensuel est d'environ 40.000 dinars (300 euros).
"Les BD sont chères au regard du pouvoir d'achat des Algériens" et "les librairies prennent peu de BD, essentiellement en dépôt-vente", confirme Samir Toudji, alias "Togui", qui a publié deux albums en auto-édition "pour voir l'envers du décor".
Un format proche du manga japonais --plus petit, couverture souple et papier moins luxueux-- permet à Z-Link de réduire ses coûts et de vendre ses albums environ 500 dinars (3,75 euros).
"Le prix de deux paquets de cigarettes", relève le directeur de Z-Link qui a publié 54 albums en dix ans, tirés de 1.000 à 2.000 exemplaires: "On a 20% de vrais succès, 60% de ventes moyennes et 20% de flops".
- 'Mickeyate' -
L'économie de la BD en Algérie reste précaire. "J'ai toujours su que ça ne me ferait pas vivre", assure Salim Brahimi, à la fois éditeur et auteur de BD, diplômé du barreau et journaliste à la radio algérienne.
Il a créé Z-Link et le magazine Laabstore consacré au jeu-vidéo et la BD-manga par passion.
"Je ne connais pas un seul auteur de BD qui en vit", souligne Youssef "L'Andalou", "designer pour vivre".
"Togui", qui tire la plupart de ses revenus de l'illustrations de fascicules pour un laboratoire médical, confirme: "Déjà en France, les auteurs qui vivent de la BD sont rares, alors en Algérie..."
Les auteurs de Z-Link, âgés de 25 à 35 ans, sont eux étudiants ou salariés, souvent diplômés, selon Salim Brahimi.
La BD algérienne souffre de ne pas être prise au sérieux dans son pays. Elle "est souvent qualifiée de +mickeyate+ en Algérie, un terme péjoratif dérivé de +Mickey+ qui désigne ce qui est puéril, pas sérieux", se désole l'éditeur.
"L'Andalou" voudrait que la BD entre à l'école. Togui lui souhaite éduquer les "hautes instances", leur expliquer que "la BD est un style littéraire à part entière. Ce n'est pas que pour les enfants, ce n'est pas de la sous-littérature".
(©AFP / 07 octobre 2017 09h38)
A l'indépendance du pays en 1962, de jeunes auteurs, nourris à la bande dessinée franco-belge (Tintin, Astérix...) née dans les années 1950, font de l'Algérie le pays-phare de cet art au Maghreb.
L'euphorie de l'ouverture politique fin 1988 --qui voit notamment la naissance du journal satirique "El-Manchar", sorte de "Charlie-Hebdo" algérien accueillant de nombreux dessinateurs-- sera de courte durée. En 1992 commence une décennie de guerre civile, durant laquelle nombre de dessinateurs sont assassinés ou contraints à l'exil.
Depuis la création du Festival international de la BD d'Alger en 2008 --dont la 10e édition s'achève samedi--, "la BD renaît, de nouveaux talents ont été découverts, suivis et édités", explique à l'AFP Imène Allal, responsable de la bande dessinée chez l'éditeur généraliste algérien Dalimen.
- Styles variés -
Nourris durant leur enfance à l'hebdomadaire français Pif-Gadget et à la BD franco-belge, mais aussi aux mangas et aux dessins animés japonais, les nouveaux auteurs algériens offrent des styles variés.
L'humour autobiographique de Togui ou les petits tracas quotidiens illustrés par la jeune Delou côtoient l'acerbe critique politique et sociale du dessinateur "l'Andalou" ou le graphisme épuré et poétique des récits pointus de Nawel Louerrad, mais aussi des oeuvres inspirées des mangas japonais ou des comics américains.
Depuis 10 ans, deux maisons d'édition spécialisées, Z-Link et Kaza, sont nées en Algérie, en plus de la création de la section BD de Dalimen. L'éditeur public ENAG réédite quant à lui d'anciennes BD algériennes.
Mais les défis restent nombreux: un circuit de distribution inexistant, peu de librairies et une logistique compliquée dans un pays quatre fois plus grand que la France, énumèrent Imène Allal et Salim Brahimi, directeur de Z-Link qu'il a fondée en 2007.
Des difficultés qui "ne sont pas propres à la BD mais à toute l'édition", expliquent-ils.
La BD a en outre "un coût de fabrication important et on n'est pas sur de gros tirages" --environ 1.000 exemplaires par album--, explique Imène Allal, ce qui renchérit le prix de vente. Les albums Dalimen, à couverture cartonnée, sont vendus entre 800 et 1.000 dinars (entre 6 et 7,5 euros), dans un pays où le salaire moyen mensuel est d'environ 40.000 dinars (300 euros).
"Les BD sont chères au regard du pouvoir d'achat des Algériens" et "les librairies prennent peu de BD, essentiellement en dépôt-vente", confirme Samir Toudji, alias "Togui", qui a publié deux albums en auto-édition "pour voir l'envers du décor".
Un format proche du manga japonais --plus petit, couverture souple et papier moins luxueux-- permet à Z-Link de réduire ses coûts et de vendre ses albums environ 500 dinars (3,75 euros).
"Le prix de deux paquets de cigarettes", relève le directeur de Z-Link qui a publié 54 albums en dix ans, tirés de 1.000 à 2.000 exemplaires: "On a 20% de vrais succès, 60% de ventes moyennes et 20% de flops".
- 'Mickeyate' -
L'économie de la BD en Algérie reste précaire. "J'ai toujours su que ça ne me ferait pas vivre", assure Salim Brahimi, à la fois éditeur et auteur de BD, diplômé du barreau et journaliste à la radio algérienne.
Il a créé Z-Link et le magazine Laabstore consacré au jeu-vidéo et la BD-manga par passion.
"Je ne connais pas un seul auteur de BD qui en vit", souligne Youssef "L'Andalou", "designer pour vivre".
"Togui", qui tire la plupart de ses revenus de l'illustrations de fascicules pour un laboratoire médical, confirme: "Déjà en France, les auteurs qui vivent de la BD sont rares, alors en Algérie..."
Les auteurs de Z-Link, âgés de 25 à 35 ans, sont eux étudiants ou salariés, souvent diplômés, selon Salim Brahimi.
La BD algérienne souffre de ne pas être prise au sérieux dans son pays. Elle "est souvent qualifiée de +mickeyate+ en Algérie, un terme péjoratif dérivé de +Mickey+ qui désigne ce qui est puéril, pas sérieux", se désole l'éditeur.
"L'Andalou" voudrait que la BD entre à l'école. Togui lui souhaite éduquer les "hautes instances", leur expliquer que "la BD est un style littéraire à part entière. Ce n'est pas que pour les enfants, ce n'est pas de la sous-littérature".
(©AFP / 07 octobre 2017 09h38)