Les membres du Likoud de Benjamin Netanyahu ont commencé à voter jeudi pour désigner leur nouveau chef de file dans le cadre d'une primaire réclamée par le principal rival du Premier ministre israélien, Gideon Saar, déterminé à lui ravir le parti.
Les premiers bureaux de vote ont ouvert jeudi à 09H00 (07H00 GMT). Quelque 116.000 membres du Likoud (droite) sont appelés à voter jusqu'à 23H00 (21H00 GMT) dans plus de 100 bureaux de vote. Les résultats du scrutin ne devraient pas être dévoilés avant vendredi matin.
Le vainqueur de la primaire aura la lourde tâche de mener la campagne du parti pour les législatives de mars.
"Il faut un changement pour que le Likoud reste au pouvoir", estime auprès de l'AFP Yaron, 68 ans, un habitant de Jérusalem qui a voté pour Gideon Saar. "Malheureusement, l'institution judiciaire a eu raison de Bibi", dit-il, en référence à l'inculpation de M. Netanyahu pour corruption dans trois affaires.
Pour Nathan Moati, un jeune habitant de Jérusalem de 26 ans, les partisans de Benjamin Netanyahu ne sont en rien troublés par ses poursuites judiciaires.
Seul "Bibi" peut remporter les législatives, c'est pourquoi "il faut que tous les supporters du Likoud votent pour Netanyahu aujourd'hui", affirme le jeune homme.
Cette primaire, aux allures de référendum sur la popularité de M. Netanyahu dans ses propres rangs, a peu de chances d'être remportée par le député Gideon Saar.
Mais si elle aboutit à un résultat serré, ce sera un coup dur pour le Premier ministre, à la tête du Likoud depuis 1993 --hormis une parenthèse de six ans lorsque le parti était dirigé par Ariel Sharon-- et chef du gouvernement le plus pérenne de l'histoire d'Israël.
- Fronde -
"Netanyahu ne peut que perdre", juge le sondeur Stephan Miller. "Qu'importe le pourcentage qu'obtiendra Saar, ce sera la première fois en dix ans que des électeurs de droite expriment explicitement leur désir de se débarrasser de Netanyahu".
Selon M. Miller, si Gideon Saar, 53 ans, reçoit plus d'un tiers des votes, "cela portera un coup significatif à Netanyahu".
Au terme des élections anticipées d'avril, puis de septembre, ni M. Netanyahu ni le centriste Benny Gantz --dont les partis sont arrivés coude-à-coude à deux reprises-- n'ont réussi à rallier 61 députés, seuil de la majorité parlementaire pour former un gouvernement.
Le président Reuven Rivlin a dû confier cette tâche au Parlement lui-même, qui n'y est pas parvenu non plus.
Le 21 novembre, M. Netanyahu, 70 ans, a été inculpé pour corruption, fraude et abus de confiance. Il a dénoncé de "fausses accusations motivées par des considérations politiques".
Peu de temps après, des rivaux au sein du Likoud, en tête desquels M. Saar, ont appelé à la tenue d'une primaire pour lui désigner un successeur.
M. Saar, cacique du parti, a été plusieurs fois ministre, avant de mettre sa carrière politique entre parenthèses en 2014 après avoir été écarté par M. Netanyahu.
- "Changement dans l'air" -
Si M. Saar est encore plus marqué à droite que le Premier ministre, notamment sur la question palestinienne, il joue la carte du rassembleur au-delà de son propre camp, en misant sur ses relations avec des chefs d'autres partis.
Sans le dire ouvertement, il mise aussi sur le fait qu'il n'est pas inculpé par la justice, le parti "Bleu-Blanc" de Benny Gantz refusant de partager le pouvoir avec un Premier ministre inculpé.
Selon de récents sondages, un Likoud dirigé par M. Saar remporterait moins de sièges le 2 mars que s'il était dirigé par M. Netanyahu.
Toutefois, sous M. Saar, des électeurs du Likoud pourraient se tourner vers d'autres partis de droite, ceux qui n'avaient pas atteint le seuil de 3,5% des votes pour entrer au Parlement lors des précédents scrutins.
Dans ce cas, le camp de droite, tous partis confondus, pourrait être renforcé et potentiellement atteindre le seuil de la majorité parlementaire nécessaire pour former un gouvernement.
"Au sein du Likoud, beaucoup comprennent qu'il faut choisir entre être avec Netanyahu et dans l'opposition, ou être avec Saar mais au gouvernement", assure une source proche de M. Saar.
M. Netanyahu s'est longtemps présenté comme l'unique dirigeant du Likoud, isolant ses critiques.
Mais, signe des temps, des personnalités du parti comme le président du Parlement Youli Edelstein et le ministre de la Sécurité intérieure Gilad Erdan ne soutiennent publiquement aucun candidat.
D'après Ofer Zalzberg, analyste politique pour International Crisis Group (ICG), une telle neutralité aurait été impensable il y a quelques années. "Ils sentent qu'il y a un changement dans l'air".
Pour M. Netanyahu, il est essentiel de rester en fonction: la loi israélienne prévoit que tout ministre poursuivi pénalement doit démissionner, mais cela ne s'applique pas au Premier ministre.
AFP