Ces élections du premier septembre 2018, se caractérisent par l’introduction des Conseils régionaux et la participation de 98 appartenant à la majorité présidentielle et l’opposition nationale avec ses deux franges dites ‘’ modérée’’ et ‘’radicale’’.
L’explication de ce taux record de participation réside, pour les partis ayant boycotté les élections de 2013, dans la peur de se trouver, au nom de la loi, dans la poubelle. Pour d’autres, le souci de monnayer à de riches candidats la possibilité de se présenter sous leurs couleurs, serait à l’origine de l’apparition de leur grande majorité au public.
Quant au nombre exagéré de candidats sous les couleurs des partis satellites de l’UPR et de partis jusqu’ici méconnus pour tous, il serait l’expression d’hommes et femmes qui veulent prouver leur popularité et avoir le droit de rêver, à l’avenir, des nominations dans de hauts postes techniques et politiques.
Nous nous rappelons tous que le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz avait annoncé, à la veille des opérations d’adhésion et d’implantation des structures de l’UPR, que les nominations seront désormais en fonction du degré de popularité de chacun. Serait-ce cette annonce qui était à l’origine de la course des hommes politiques et de la compétition, jamais vue, dans la constitution des unités de base du parti au pouvoir. Cette course et cette compétition avaient mis en confrontation les tribus, les ethnies, les sous-groupes de ces entités et parfois les membres d’une même famille.
L’autre caractéristique de ce scrutin, en constitue la participation massive de l’opposition dite « radicale » et le regroupement de ses partis sous forme de ‘’ Coalition électorale de l’opposition démocratique (CEOD)’’ ; ceci étant un élément d’une stratégie visant à augmenter la chance de réussite d’une opposition dont la crédibilité est fortement affectée par ses divisions internes, son boycott répété et un discours plutôt centré sur le dénigrement du pouvoir et de ses hommes.
Priver le Président de la République d’une majorité assez suffisante pour permettre et crédibiliser toute éventuelle manœuvre pouvant maintenir Son Excellence à la tête de l’Etat au-delà de 2019, serait un autre objectif inavoué de ladite stratégie.
La dernière caractéristique, en constitue le caractère complexe d’une opération qui combine un scrutin à la proportionnelle et un autre majoritaire et uninominal, et qui se déroule dans 4080 bureaux de vote pour partager 6000 candidats répartis entre 540 listes aux législatives, 160 aux régionales et 1552 aux municipales.
Compte tenu de ce qui précède, toute analyse des résultats obtenus par les concurrents doit se faire par le prisme des liens de sang, de l’argent, de la peur du pouvoir et de la cupidité de la majorité des électeurs et des élus. Ce sont en effet ces facteurs qui avaient le plus motivé, cette fois-ci, les candidatures pléthoriques à ces élections législatives, régionales et municipales, et influencé aussi leurs résultats.
Chacun d’entre nous sait que le parti-Etat attire toujours l’élite intellectuelle, les groupes financiers, les opportunistes de tout bord et enfin les laisser pour compte, parmi la population; c'est-à-dire les ignorants, les pauvres et tous ceux qui sont loin de tout l’enjeu quotidien opposant le Pouvoir et ses adversaires et ennemis.
Dans les pays en développement, un noyau dur constitué des vrais détenteurs du pouvoir et de l’instance supérieure du parti politique qu’ils créent d’habitude, arrive toujours à fédérer toutes ces forces malgré leur hétérogénéité, leurs contradictions et le rôle devant normalement leur incomber dans la lutte entre le pouvoir et les citoyens : une opinion publique éclairée neutre, l’éducation et l’émancipation des masses, la défense de leurs intérêts, les pressions populaires, etc.
Une telle fédération est possible grâce surtout aux manœuvres des serviteurs de l’Etat et manipulateurs des pauvres populations et ce par souci de préserver des avantages déjà acquis et/ou d’espérer d’en obtenir.
A remarquer que se trouvent également dans la même situation -et pour les mêmes raisons- les partis qui gravitent autour du pouvoir et créés par celui-ci pour contenir les révoltés parmi la jeunesse, maintenir près du pouvoir ses mécontents et pour enfin, affaiblir les partis idéologiques, semi-idéologiques et assimilés.
La position occupée par Tewassoul dans ces 5 scrutins, est aisément explicable. Jusqu’à récemment ce parti a réussi -comme l’ont toujours réussi ses semblables ailleurs- à gagner en popularité grâce aux services rendus à ses leaders et aux populations, notamment les franges les plus démunies.
Chez nous, ce parti islamiste (islam politique) essaye efficacement, depuis toujours, de tenir un discours mobilisateur et d’intervenir là où l’Etat est absent ou la qualité de ses services laisse à désirer.
A propos, la réussite de ce genre de partis de l’islam politique est due au fait qu’ils n’affichent dans leur entreprise que le seul objectif de constituer et préparer une génération de musulmans politiquement éveillée et théologiquement assez armée sur le plan de connaissance.
Etant aujourd’hui dans le viseur de la communauté internationale, ces partis islamistes verront, dans un proche avenir, leurs sources financières drastiquement réduites et leur objectif caché d’édifier un Khalifa autour des générations à préparer, mis en avant par leurs adversaires et fortement médiatisé tant à l’échelle nationale qu’internationale.
La catégorie en troisième position, est composée de quelques 5 à 6 partis. Ils sont soit à connotation ethnique ou à discours extrémiste, soit dirigés par d’anciens hauts responsables de l’Etat ayant accumulé assez d’argent pour mener une activité politique légale et pouvoir assister, directement et/ou à travers d’autres hommes riches ou ayant une base populaire, à ce genre de jeu qui lie divertissement et investissement.
Dans cette catégorie, on compte des partis encouragés par des parties étrangères qui leur assurent les soutiens nécessaires pour accomplir les missions justifiant l’initiative de leur création.
En quatrième position, se trouvent les candidats ayant fait leur entrée à l’Assemblée Nationale par la voie des listes nationales (mixtes et des femmes). Cette entrée ne témoigne point une popularité des concernés et moins encore de leurs partis. Autrement dit, c’est plutôt à la largesse prévue par la loi pour promouvoir notre jeune démocratie que revient le mérite; une largesse visant d’ailleurs une plus grande diversification de la composition de l’Assemblée Nationale et l’entrée, à cette chambre, de petits partis qui, autrement, n’auraient réussi ce type d’épreuve.
A mon humble avis, l’analyse approfondie des résultats obtenus par chacune des catégories d’acteurs précédemment identifiées, laisse entrevoir ce qui suit :
- Etre le candidat du parti au pouvoir (ici l’UPR), n’entraine plus un ralliement automatique des populations et ne garantit donc plus aussi la victoire ;
- A Nouakchott, à Nouadhibou-ville et dans quelques rares grands centres urbains, on vote surtout sous l’influence de la peur du pouvoir et de la cupidité de façon générale et pour évidemment aussi des raisons politiques et syndicales évidentes;
- Dans le reste du pays et particulièrement au niveau des Moughataa et des communes rurales, la compétition entre les tribus, les ethnies et les liens de sang en leur sein, ont particulièrement motivé les électeurs et guidé leur choix le jour du vote;
- Les régions de l’Est semblent vouloir sanctionner le pouvoir suite, entre autres, à sa manière de gérer la crise provoquée par la dernière sécheresse, récompenser Tewassoul pour ses interventions ou s’abattre sur d’autres formations politiques pour manifester, de cette manière, leur mécontentement vis-à-vis du pouvoir;
- Le rôle du candidat parait généralement très important : sa place dans la tribu ou l’ethnie, l’importance numérique de ses liens de sang et ses moyens financiers. En d’autres termes, les programmes de campagne se réduisent de plus en plus à la valeur intrinsèque du candidat et aux démonstrations de force: argent distribué, voitures, déguisements, affiches, hymnes, tentes et assimilées, soirées folkloriques, etc.
A propos toujours de ces scrutins de 2018, on ne peut s’empêcher de dire aussi que :
- L’élimination des listes nationales (notamment mixtes) s’impose et que la généralisation du scrutin à la proportionnelle aux élections législatives et municipales, serait une alternative.
- La prochaine configuration de la chambre parlementaire ne changera rien, sinon plus de polémique et plus de gens qui suivront les débats à la télévision et à la Radio.
- Malheureusement, notre démocratie parait d’abord, reculer vers une revalorisation de la tribu, de l’ethnie et de tout ce qui s’en suit. Plus regrettable encore, son orientation à grande vitesse pour devenir sélective au sens où seuls les riches, capables de concurrencer sur le plan financier, pourront désormais se présenter et espérer gagner toute course pour un poste électif.
Par ailleurs, cette modeste analyse est destinée à contribuer à l’interprétation des résultats de ces élections par les décideurs et à leur faciliter les décisions devant habituellement suivre ce genre d’évènements.
Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb