Que ceux qui s’agitent à réclamer un troisième mandat pour Ould Abdel Aziz, l’appelant, en conséquence, à se dédire et à parjurer, se le disent ! Le tombeur de Sidi ould Cheikh Abdallahi, en Août 2008, ne modifiera pas la Constitution pour encore briguer la magistrature suprême, une hypothèse pesante de polémiques et d’agitations, depuis 2016. L’actuel président de la République, qui coule son dernier séjour au Palais gris, l’a encore réitéré, tout récemment, dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique.
On a eu droit, avant ladite publication, à beaucoup de supputations. Des rumeurs ont laissé croire que le Président se serait rétracté et que ses proches conseillers cherchaient à faire annuler l’interview, voire à en retrancher les propos sur le troisième mandat. Mais, bref, l’interview très attendue a été publiée.
Permet-elle de clore définitivement le débat sur la question ? A priori, oui : en repoussant toute tentation de retour en arrière, le Président a déclaré une sage position, puisqu’elle évitera, à la Mauritanie, un autre referendum à haut risque, voire forcing à imprévisibles conséquences. Un geste qui devrait permettre, à son successeur, de ‘’poursuivre ce que nous avons entrepris, en faisant encore mieux’’, selon ses propres termes et d’une certaine manière épargner, au pays, les soubresauts de la RDC ou du Burkina….
De quoi conférer, à l’ex-putschiste, un statut d’ancien président de la République, avec tous les égards qui pourraient, de surcroît, lui ouvrir la présidence de diverses organisations africaines, voire internationales, contrairement à l’ancien président sénégalais, maître Abdoulaye Wade. On peut même se demander si, à Bruxelles, le président Macron n’aurait pas promis de jouer un rôle, dans la « reconversion » d’Ould Abdel Aziz. Le prochain voyage, en Mauritanie, du chef de l’État français pourrait édifier les Mauritaniens sur ce point. Certains observateurs croient également savoir que la décision d’Ould Abdel Aziz de fournir, après de longues hésitations, enfin un contingent mauritanien à la force G5 Sahel, ne serait pas gratuite.
Un bémol… ou deux ?
Un bémol cependant : Ould Abdel Aziz clame son intention de soutenir un candidat en 2019. C’est certes son droit en tant que citoyen, on le lui concède, mais il ne doit pas le refuser aux autres. Prudence, quand même : le tombeur de Sidioca ne doit pas oublier que le choix d’un dauphin ne garantit pas, nécessairement, le succès de celui-ci à la présidentielle, et que dauphin ne signifie pas forcément « docilité » ou impunité pour celui qui aurait commis des travers sous le précédent magistère. Le président Aziz doit méditer le cas du camerounais Ahidjo qui céda son fauteuil à Paul Biya, avant d’être contraint à l’exil, et, plus récemment, celui du président angolais Do Santos qui a légué son fauteuil à Joao Lourenço, avant de voir celui-ci se débarrasser des enfants de son mentor qui régnaient, sans partage, sur les postes juteux de l’économie angolaise. Deux bémols ? Si la décision d’Ould Abdel Aziz de ne pas tenter l’aventure d’un troisième mandat semble « définitive », il n’hésite cependant pas à avancer, en fin d’interview, l’étrange concept de « décision définitive… pour le moment ». Lapsus révélateur ?
Toujours est-il, qu’aujourd’hui, ce que les Mauritaniens attendent, c’est de savoir sur qui va porter le choix d’Ould Abdel Aziz. Le Président misait sur son défunt fils ; il échafauderait, aujourd’hui, divers scénarios pour arrêter son choix. Des rumeurs avancent les noms du chef d’état-major général des armées, le général Ghazwani, et de l’actuel maire de Zouérate, l’ex-colonel Cheikh ould Baya, tous deux proches et confidents du « boss ». En plus de ces deux militaires, on ajoute l’ancien PM, Moulaye ould Mohamed Lagdhaf, tombé en disgrâce, à la veille du referendum du 5 Août dernier. L’homme aurait fait les frais d’une « querelle de positionnement », dans l’Est du pays mais paraîtrait en retour d’audience. Si
Ould Ghazwani, qui ne tardera pas à prendre sa retraite, semble peu porté vers les dorures des palais et les contraintes de la magistrature suprême, Cheikh ould Baya, a choisi, lui, les grands espaces de son Tiris Zemmour où le rejoint, de temps en temps, son alter ego, le président Ould Abdel Aziz. Depuis qu’il a pris sa retraite, l’homme est resté discret (si on exclut deux sorties malheureuses sur sa fortune et l’hymne national qui lui ont fait beaucoup de mal).
Sa présence, au sein de la commission de redynamisation de l’UPR, a suscité beaucoup de commentaires de la part de ses soutiens. Mais l’homme, qui s’est fait beaucoup d’ennemis lors de son passage à la Délégation de la surveillance maritime, est disqualifié par le seul fait que l’autre alter ego qui tient l’Armée, le général Ghazwani ne veut pas le voir, même en photo.
FNDU (trop) attentiste
Maintenant que le débat sur le troisième mandat semble définitivement scellé, que fera l’opposition dite radicale, rassemblée au sein du G8 et, dans une certaine mesure, ceux du FNDU et du RFD ? À quelques encablures d’échéances capitales (élections locales, cette année, et présidentielle, l’année prochaine), l’horizon ne s’éclaircit toujours sur sa stratégie. L’opposition semble plus campée dans un attentisme sans fin. Rien n’est encore clair sur ce qu’elle appelait, il y a quelques mois,« un programme de gouvernement alternatif », censé aboutir à un plan d’action pour les échéances électorales. Cette attitude fait peser de lourdes menaces sur son avenir.
En effet, plus les élections approchent, seul moment d‘agitation et de vie des partis politiques, plus l’opposition se focalise sur ce que fait le pouvoir, bien plus que sur son propre agenda. Longtemps taraud des leaders de celle-ci, l’épine du troisième mandat va-t-elle révéler, une fois ôtée par Ould Abdel Aziz, d’autres douleurs plus secrètes ?
Il serait grand temps de les soigner. Le moment est donc venu, pour l’opposition, de sortir de son mutisme. Ses actions disparates, quasiment sans aucune emprise sur le gouvernement – en tout cas jusqu’ici – doivent céder la place à une définition, claire, de ses ambitions, sans quoi risque-t-elle fort se voir déplumer, jour après jour davantage, à l’approche des élections. Elle doit en finir avec ce qu’on lui reproche : les agendas cachés et concurrents. Il semble aujourd’hui que divers partis du FNDU étudient sérieusement leur participation aux prochaines élections locales.
Un débat que le forum doit se hâter de tenir, le plus publiquement possible, pour dégager un consensus interne en vue de coalitions, plutôt que d’y aller en rangs dispersés. Seuls quelques rares partis sont capables de présenter des candidats en nombre mais, dans la grande majorité des cas, ce ne sont que des alliances électorales qui permettront, aux uns et aux autres, d’obtenir des résultats décisifs. Plus que jamais, c’est bien l’union – et elle seule – qui fait la force invincible et durable.