La lecture du document de son auteur M. Moussa Fall (intitulé 2008/2018, une décennie perdue), en particulier son volet consacré à l’ énergie m’a inspiré les commentaire suivants que je voudrais partager avec les lecteurs comme contribution à l’enrichissement de ce débat qui, je l’espère, sera constructif et dépassionné.
1. Puissance installée
Il importe de préciser d’emblée que les capacités installées ne se mesurent pas uniquement en fonction des besoins à court terme, dans la mesure où les projets dans le domaine de l’énergie sont des projets structurants,
En effet, l’investisseur qui vient en Mauritanie pour installer une usine de transformation, exploiter une mine ou développer un complexe touristique, veut avant tout et exclusivement se consacrer à son métier et au process que requiert ce dernier.
Contrairement à ce que sous-entend le document, l’investisseur ne produit sa propre énergie que contraint et forcé car cela aura comme inconvénients :
D’alourdir son investissement initial.
L’obliger à gérer une mission qui relève d’une spécialité qui lui est souvent étrangère (production et distribution d’énergie) et la nécessaire maintenance qui en résulte.
Développer les compétences au niveau du personnel que cette nouvelle mission requiert.
Ces contraintes dissuadent souvent les porteurs de capitaux d’investir sauf dans le cas très rare de projets à très forte valeur ajoutée.
C’est pourquoi, dans un pays comme la Mauritanie, à vocation minière, grande consommatrice d’énergie, les réserves de puissances actuelles et un réseau de lignes Haute Tension reliant les centres de production ne sont pas de trop. Bien au contraire, elles sont le meilleur gage pour attirer les investisseurs en les rassurant sur la volonté des autorités publiques de les accompagner et les soutenir dans leur mission souvent à risque, en particulier dans les pays du Tiers-Monde comme le nôtre.
2. Les lignes Haute Tension Nouakchott-Nouadhibou et Nouakchott-Zouérate
De nos jours, la tendance est à l’intégration régionale, et la mutualisation des réserves d’énergie entre les pays. Les économies d’échelle réciproquement réalisées sont autant d’avantages qui ne sont plus à démontrer même entre pays économiquement concurrentiels.
A titre d’exemple, le tableau ci-dessous montre le niveau d’interconnexions des réseaux électriques des pays du Maghreb et leur connexion avec l’Europe.
Tableau : Interconnexions électriques au Magreb
PAYS
LIASON
TENSION(KV)
LONG(Km)
DATE
Algérie-Maroc
Ghazouet-Oujda
225
47
1988
Tlemcen-Oujda
225
64
1992
Hassi Ameur
400
232
2009
Maroc-Esp
Melousse-Puerto de la Cruz(1)
400
61
1997
Melousse-Puerto de la Cruz(1)
400
61
2005
Algérie-Tunisie
ElAouinet-Tadjerouine
90
60
1969
ElAouinet-Tadjerouine
220
60
El Hadjar-Fernana
90
35
1969
Djebel Ouk-Metalaoui
150
65
1984
Cheffia-Jendouda
400
2014
Tunisie-Lybie
Medouin-Abou Kamech
220
110
2003
Tatouin-Rouiss
220
165
2003
Source : Comelec
Avant de prétendre à une intégration régionale ou sous-régionale, un pays doit commencer par interconnecter ses propres centres de production.
Ces interconnexions matérialisées par la ligne Nouakchott-Nouadhibou/ Nouakchott-Zouerate et les Lignes Boghé-Aleg-MBout-Sangrava (bizarrement passées sous silence par le document en question) vont permettre :
De relier entre elles toutes les unités de production participant à la fiabilité de la fourniture de l’énergie et assurant la fonction de secours en cas d’arrêt d’une unité de production.
D’intégrer dans le système électrique les énergies renouvelables à caractère intermittent. Autrement, comment utiliser l’énergie de la Centrale de Boulenouar en l’absence d’un réseau HT. L’intermittence des énergies renouvelables liée au caractère non stockable de l’électricité, requiert un développement des interconnexions à mesure de l’énergie intermittente que l’on voudrait injecter.
De créer des synergies entre les systèmes de production (éolien, solaire, hydraulique) renouvelables et la production thermique.
De réaliser l’électrification des zones Inchiri , Adrar et Tiris à fort potentiel minier par le passage de la ligne NouakchottZouerate.
3. Stratégie
Si on regarde l’enchainement des décisions dans ce secteur depuis l’arrivée des autorités actuelles, et si on se rappelle la situation de laquelle on vient en 2007/2008, on voit que de grands pas sur ce chemin ont été faits. Il en en est ainsi du :
Montage d’une Centrale de 36 MW avec des petits groupes de 3MW, ce qui a permis de résoudre le problème à Nouakchott en un temps record.
Lancement du projet de la Centrale 180MW Duale alimentée actuellement en fuel, mais qui peut l’être par le gaz source d’énergie dont regorgent nos côtes, son exploitation est envisagée dans le court et moyen termes.
La situation énergétique ainsi stabilisée, peut alors être envisagé l’investissement dans les énergies renouvelables par les Centrales solaire et éolienne de Nouakchott
Projet de la centrale de 100 MW de Boulenouar.
Interconnexion des centres de production à travers des lignes Haute Tension.
Conclusion :
Compte tenu de ce qui précède, il s’avère que le document dans son volet consacré à l’énergie, est un plaidoyer à charge qui manque d’objectivité et d’exhaustivité, passant sous silence de grandes réalisations faites dans ce domaine.
Cela peut surprendre de la part de quelqu’un qui a été le principal conseiller économique d’un président de la République en l’occurrence Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui a reconnu solennellement et sur les ondes de la TVM que son gouvernement n’avait pas de solution pour le problème de l’énergie ni à court ni à moyen terme.
Nous osons espérer que les autres volets de la situation nationale abordés dans ledit document et qui n’ont pas été traités dans le présent commentaire, ont eu droit à plus d’indulgence.
source lecalame.info
Commentaire sur le volet énergie de ‘’la décennie perdue’’ de Moussa Fall / Par Mohamed Ould Abdou, Ingénieur en électricité
Jeudi 6 Septembre 2018 - 09:34
chezvlane
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