Le président du Mouvement Abolitionniste (IRA), Birame Dah Abeid, croupit à nouveau en prison, depuis un peu moins d’un mois, à la suite d’une plainte déposée à son encontre, pour « insultes et menaces de mort », par le journaliste Dedde Abdallah, plus de deux semaines, après les faits supputés. Précisément à la veille de la réception du reçu définitif de dépôt de dossier de candidature à la députation du célèbre leader, sur la liste nationale du parti Sawab avec lequel son organisation a scellé un pacte.
Cet accord était justement l’objet du reportage de Dedde Abdallah dont le travail a soulevé grande polémique. Sansprendre ici parti, tentons d’apporter une analyse objective du déroulé des 26 minutes 54 secondes qui ont servi, à notre confrère, pour réaliser son document « Mariage de plaisir ? ». Dans la première séquence, Birame Dah Abeid attaque violemment toutes les autorités nationales : administratives, sécuritaires et judiciaires. Dans la seconde, le voilà à charger les oulémas et les érudits et leur vision de l’islam remise en cause. Puis suit un rappel des tueries des années 89-91.
Dans ses commentaires, Dedde Abdallah accuse Birame Dah Abeid de jouer sur les cordes sensibles de ses sympathisants, en appuyant sur les points faibles de ses adversaires (les Beïdanes et leurs esclaves). Les extraits choisis tendent toujours à présenter le militant international des droits de l’homme en va-t-en guerre agité et très provocateur, propos virulents à l’appui. En bref, l’homme le plus controversé du pays. Même l’histoire contemporaine de la Mauritanie est revisitée, avec une information inédite selon laquelle Xavier Coppolani aurait été tué par un harratine.
Les montages qui agrémentent le reportage usent et même abusent de vidéos très partagées de Biram sur You Tube. Sans jamais le montrer calme et modéré comme il sait fort bien le faire. Selon Dedde Abdallah, la décision d’IRA de pactiser avec Sawab « a surpris tout le monde ». Pourquoi ? Il ne le dit pas, s’interrogeant, plutôt, « sur ses véritables objectifs et sur ce qui se cache derrière ». Pourquoi ? Il ne le dit pas non plus. Mais il doute des raisons présentées par Birame, au début du reportage, rassurant ses militants sur la constance envers leurs principes et les revendications qui fondent leur combat, quelqu’en soit le partenaire. Dans ses commentaires, Dedde Abdallah parle de « propos de dérision »,« menaces », « sabotage ». « Me voilà face à l’homme que j’ai souvent entendu accuser la presse de lui être hostile », assertion suivie d’une courte séquence où Birame dénonce justement cette hostilité. Et le journaliste d’enfoncer le clou : « Me voilà devant un homme très imbu de ses réalisations.
Devant un homme aveuglé par sa célébrité. Devant un homme qui essaie de régler ses comptes avec le passé et prétend défendre la cause d’un groupe entier ». Après huit minutes de ce régime très orienté, voici que les premiers témoignages tombent. Avec Daoud ould Ahmed Aicha, donnant des leçons de morale et de nationalisme, dénonçant le racisme et la xénophobie ! Selon Daoud, Birame développe un discours haineux, appelant à la confrontation. Le président du parti « Appel de la Nation » dit en détenir les preuves. Sollicité à trois reprises, au moins, dans le documentaire, c’est le témoin à charge N°1. Suit une courte diversion, avec Abdesselam ould Horma qui explique les motifs de l’union de son parti avec IRA. Puis voici second témoin à charge, le président de la Fondation Sahel et ancien vice-président d’IRA, Brahim ould Abeid, lui aussi sollicité à plusieurs reprises dans le documentaire.
Dans une de ses interventions, il accuse son ancien ami de n’être qu’une « grande gueule qui ne maîtrise rien et ne croit pas à la différence. Qui décide seul de ce qu’il veut et rencontre qui il veut (les généraux et les renseignements), pour des acquis personnels. Qui bouge avec des fonds à provenance douteuse dont personne ne connaît l’origine ». Dans sa dernière intervention, à la 25ème minute et onzième seconde, Brahim ould Abeid déclare que la coalition IRA/SAWAB a reçu la bénédiction de certains généraux et d’une très grande personnalité du Baath, en l’occurrence Devali ould Cheïn, une importante pièce du pouvoir ; preuves, s’il était besoin, que l’État est bel et bien derrière ce processus.
Dedde Abdallah aura attendu plus d’une semaine pour obtenir l’accord de Birame Dah Abeid à une interview qui s’est transformée en un reportage équivoque où des « personnes-ressources » s’expriment plus que l’intéressé. Le journaliste n’aura pas consacré une seule minute, à poser, à la personnalité qu’il était censé interroger, les questions apparemment centrales de son travail : Es-tu raciste ? Veux-tu l’extermination des Beïdanes ? Non, bien évidemment. Et l’équivoque se poursuit jusqu’au terme du « reportage » où sont rapportés les propos prémonitoires de Birame, selon lesquels les autorités vont s’employer, à défaut d’empêcher sa candidature à la future présidentielle, à provoquer la scission au sein de son organisation. Mais le document de Dedde Abdallah ne serait-il pas, lui-même, une pièce à convictions de cette stratégie ?
Sneiba El Kory
source lecalame.info