Que « voit » le président Mohamed ould Abdel Aziz sur la presse et les journalistes ? Qu’il y a-t-il entre eux ? La presse constitue, de temps à autre, un bon argumentaire pour dire que tout va bien chez les Nous Z’autres, question santé de la liberté d’expression. Cela fait trois à quatre ans que la Mauritanie est classée première des derniers du monde arabe. Le ministre porte-parole s’en bombe le torse et le clame très fort. D’ailleurs, Son Excellence n’a pas que des ennemis dans la presse. Les plus grands soldats de la Rectification sont dans les rangs. Ses plus grands défenseurs. Ses plus grands promoteurs. Les amis de son Excellence. Les amis de la DGSN, du BED et des autres colonels mutés maires, députés ou hommes d’affaires. Or, c’est un principe connu, les amis de mes amis et les ennemis de mes ennemis, toute cette racaille, ce sont mes amis.
C’est vrai que les journalistes aiment l’argent et le cherchent partout. Même chez les criminels transfrontaliers. Mais il y a les autres qui ne donnent que dans le panégyrique de son Excellence. De son entourage. De ses réalisations. Ah, s’il n’y avait que ceux-ci ! Mais il y a ceux-là, ceux qui ont les « bouchettes chaudes », parlent de tout, regardent partout ! Je comprends Son Excellence Monsieur Le Président. Les sujets de sécurité de l’État, en parler comme ça, dans le vent, c’est de la très haute trahison. L’armée, on n’en parle qu’en Mauritanie. Son argent. Ses affaires. Ses équipements. Ses chefs et leurs préoccupations, diurnes et nocturnes. Tout ça. Top Secret. En parler, c’est exposer la sécurité de tout le pays. Le Président, sa santé, ses fréquentations, son magot, ses affaires, ses amis, ses escapades... Les journalistes sont même allés très loin. Tel homme d’affaires travaille pour le Président. Qui aurait marié l’ex femme d’un ex-ceci ou cela. Le Président compte ne pas partir avant d’achever l’œuvre qu’il a commencée.
C'est-à-dire, tant que les rues principales de toutes les villes nationales ne seront pas goudronnées, leurs anciens marchés réhabilités, leurs anciennes écoles datant de la colonisation vendues et remplacées par des hôtels, des palais des congrès construits partout dans le pays, des académies militaires et centres de formation en chaque département, plus des écoles d’ingénieurs, d’agronomes, de pilotes et, surtout, de médecins pour former rapidement et remplacer ces opposants de docteurs qui incitent à la grève. Les journalistes n’ont pas à s’interposer entre le peuple et les autorités. Surtout, comme l’a dit le Président, dans une récente interview, que le peuple est l’émanation de tout. C’est lui qui décide. C’est lui qui fait et défait les Constitutions. On ne va pas continuer à donner deux cents millions d’ouguiyas à des opposants criminels. Les télévisions privées ne diffusent plus ? Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. Au contraire. C’est juste que nous nous sommes « reposés » des interminables émissions où sont invités des ennemis publics et des criminels transfrontaliers. La presse a de l’argent, elle doit payer des impôts. Sinon, motus et bouche cousue.
Hermétiquement. Heureusement que le peshmerguisme existe. Ça a permis de mélanger tout. Confusion totale. Un pays peut marcher sans presse. Il s’en porterait d’ailleurs beaucoup mieux. Voilà dix ans que les journalistes meurent à petit feu. Les sites, les journaux, les blogs pullulent. Mais complètement inféodés. Complètement fatigués. Complètement clochardisés. Le point de presse hebdomadaire qu’organise le ministre porte-parole ressemble plus à une virgule ou à un point d’exclamation. C’est juste pour amuser la galerie. La preuve : « Monsieur le ministre, le Président va-t-il quitter le pouvoir à la fin de son deuxième mandat ? – Bon, vous savez, avant ce sommet de l’OUA, le pays n’avait pas de diplomatie. Le gouvernement a décidé d’affecter plus de quatre cent millions d’ouguiyas nouvelles pour soulager les éleveurs et les agriculteurs. Merci ». Journalistes de toute la Mauritanie, unissez-vous ! Salut.
Sneiba El Kory
source lecalame.info