Abdelmadjid Tebboune, un ex-fidèle du président déchu Abdelaziz Bouteflika, a été élu dès le premier tour pour lui succéder à la tête de l'Algérie, a annoncé vendredi l'Autorité nationale des élections (Anie) au lendemain d'un scrutin massivement boudé par la population.
M. Tebboune, 74 ans, a recueilli 58,15% des suffrages, a indiqué le président de l'Anie, Mohamed Charfi.
Le scrutin a été marqué par une abstention record et boycotté par un "mouvement" ("Hirak") de contestation populaire inédit en Algérie depuis l'indépendance en 1962.
Cet ancien Premier ministre de M. Bouteflika devance l'islamiste Abdelkader Bengrina (17,38%) puis Ali Benflis (10,55%), Azzedine Mihoubi (7,26%) et Abdelaziz Belaïd (6,66%), tous proches ou alliés de l'ancien président.
Sa victoire a été accueillie avec des youyous et les cris de "Peuple et armée avec Tebboune" à son QG de campagne à Alger.
Les résultats définitifs seront publiés entre le 16 et le 25 décembre, après examen d'éventuels recours.
- "#Le Hirak continue" -
Au moment de la proclamation des résultats, les partisans du "Hirak" s'apprêtaient à descendre en masse dans les rues à Alger après la prière du vendredi, pour la 43e fois depuis le déclenchement de la contestation le 22 février.
Aucun des cinq candidats n'avait trouvé grâce à leurs yeux, considérés comme des purs produits d'un régime abhorré et dont ils étaient la caution.
Le nom du vainqueur n'a aucune importance pour Saïd 32 ans, ingénieur venu de Bouira, à une centaine de km de route de la capitale. "J'ai manifesté hier à Alger et j'y ai passé la nuit pour remanifester aujourd'hui et dire qu'on ne reconnaît pas leur vote et leur président", explique-t-il à l'AFP sur un marché.
"Les résultats ? On leur a ajouté de la levure pour qu'ils augmentent. La saison 2 du +Hirak+ va commencer mais il faut que l'on soit mieux organisé", renchérit Farida, une retraitée sexagénaire.
Et sur Twitter le hashtag du jour est "#Le Hirak continue" alors que démarre une campagne sur le thème: "Tebboune n'est pas mon président".
L'Anie a légèrement revu le taux de participation à 39,83%, le plus faible de l'histoire des scrutins présidentiels pluralistes en Algérie. Il est inférieur de plus de 10 points à celui du précédent scrutin -- le plus faible jusqu'ici --, qui en 2014 avait vu la 4e victoire de M. Bouteflika.
Morne dans de nombreux bureaux de vote, la journée de jeudi avait été dominée à Alger par une imposante démonstration du "Hirak" bravant à nouveau un important déploiement policier pour défiler en masse.
- "Sursaut patriotique" -
Les contestataires continuent d'exiger la fin du "système" aux manettes depuis l'indépendance en 1962, et le départ de tous les anciens soutiens ou collaborateurs des 20 ans de présidence Bouteflika.
"Le peuple n'a pas voté. Le peuple a toujours été mis de côté. On nous a muselé depuis l'indépendance. On nous a spolié notre indépendance. Hier on a reçu des coups. Les femmes, les vieux ont été frappés. On va continuer jusqu'au départ du système", avertit Djamila, la soixantaine, qui exerce une profession libérale.
Après une première tentative d'élection avortée en juillet, le haut commandement de l'armée, pilier du régime, ouvertement aux commandes depuis la départ de M. Bouteflika, a tenu coûte que coûte à organiser ce scrutin pour sortir de la crise politico-institutionnelle, qui a aggravé la situation économique.
Visage de ce haut commandement, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée, assurait depuis des semaines que la participation serait "massive".
Très affaibli physiquement, le président déchu, Abdelaziz Bouteflika, a voté par procuration via son frère Nacer, suscitant des commentaires ironiques ou irrités sur les réseaux sociaux.
Mercredi, des personnalités proches du "Hirak" avaient exhorté les contestataires à ne pas "répondre aux provocations", à "ne pas empêcher l'exercice par d'autres citoyens de leur droit à s'exprimer librement" -- un mot d'ordre respecté à Alger.
Le vote s'est déroulé sans incident majeur à travers le pays sauf dans la région traditionnellement frondeuse et majoritairement berbèrophone de Kabylie, théâtre de sérieux troubles.
"Le nouveau président aura la lourde charge de veiller à la satisfaction des attentes des citoyens qui ont dicté, par un sursaut patriotique à la mesure des défis, la marche en avant", prévient vendredi le quotidien gouvernemental El Moudjahid, un des rares titres à paraître le vendredi, premier jour de weekend.
AFP