C’est peut-être ce que signifie la décision qu’elle a prise de se « séparer » de son Secrétaire Général ou plus exactement du Secrétaire Général du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable. La nuance est de taille. Parce que si, le Secrétaire Général était « le » secrétaire général de la Ministre, elle ne se serait pas débarrassée de lui, pour la simple raison qu’en principe, un secrétaire général est la seconde personne d’un département ministériel et donc tout le poids et toute la responsabilité lui incombe de soutenir et d’accompagner le ministre dans la mise en place des programmes pour lesquels un portefeuille lui a été confié.
Les ministres et les secrétaires généraux ne sont pas des amis. Ce sont des collaborateurs que lient très souvent des circonstances indépendantes de la volonté de l’un et de l’autre. Cette « union » doit en principe constituer une force qui s’exerce par des responsabilités distinctes dans le bût d’assurer le bon fonctionnement d’un département ministériel.
Dans ce Co-pilotage, véritable jumelage de responsabilités, aucun des deux éléments (ministre ou secrétaire général) ne désigne l’autre. Et, évidemment comme dans un cockpit, l’un est le commandant de bord mais pas l’autre. Et c’est bien le ministre le commandant de bord qui a sur lui dans les faits et dans la réalité, toute la responsabilité du succès ou de l’échec du vol durant lequel tout doit concourir pour arriver à destination des objectifs fixés.
Le travail d’un ministre est un des maillons de la chaine de la feuille de route de la politique du gouvernement. Et ce gouvernement a sur lui la lourde responsabilité d‘appliquer le programme qui engage le chef de l’état. Même si ce n’est jamais le ministre qui porte son choix sur son secrétaire général qu’il trouve -souvent devant lui-, il n’en demeure pas moins que c’est le ministre qui commande et ce n’est jamais le secrétaire général.
Il est arrivé très souvent par le passé que des ministres et des secrétaires généraux se retrouvent à couteaux tirés pour des raisons ou pour d’autres. Le travail d’un ministre et celui d’un secrétaire général ne constituent pas la dote d’un « mariage d’amour ». Et ce n’est pas non plus un concubinage à l’ivoirienne, même si, par le passé, il est arrivé à certaines époques ou à des périodes données, que des ministres et des secrétaires généraux se soient « pacsés » dans l’intérêt de l’un, dans l’intérêt de l’autre et parfois même dans l’intérêt des deux.
Le plus grave, le plus risqué et donc le plus handicapant pour un département ministériel c’est d’avoir un « couplet qui n’est pas gagnant ». C’est-à-dire un ministre et un secrétaire général qui empruntent une même voie à deux sens inverses. Là, les risques de chocs (accidents) sont très fréquents.
Ce qui est passé au ministère de l’Environnement et du Développement Durable et qui a poussé la ministre Mariam Bekaye à débarrasser son secrétaire général (ou plutôt le secrétaire général de son département) de ses compétences et de ses attributions, ne peut se justifier que par des motifs très graves.
Qu’est-ce que Mariam reproche donc à son second ? « Abus d’autorité ? » « Implication dans des malversations ? » « Entichement dans des actes de corruptions ? ». Peut-être qu’on se saura jamais. Ce qui est certain c’est que non pas seulement rien n’allait plus, mais on a maintenant la preuve que la cohabitation de la Ministre et de son Secrétaire Général dans un « environnement durable » a « entrainé » une rupture brutale.
Qui a raison ? Qui a tort ? Qui en veut à qui ? Les jours avenirs nous édifieront sur les raisons réelles de cette « séparation de corps » entre Mint Bekaye et Ould Ahmedoua qui a abouti au divorce.
En attendant que le juge (le premier ministre) statut sur la décision finale, il est bon de préciser que les mauritaniens deviennent de plus en plus interrogatifs sur l’efficacité et le rendement réel de certains très proches collaborateurs des ministres.
Et d’ailleurs, depuis quelques temps, on est plus à ce stade. La question que se posent les mauritaniens et les internautes même ceux qui soutiennent inconditionnellement le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, c’est de savoir si même au niveau des départements ministériels et au sommet élevé de la hiérarchie de la responsabilité, (conseillers, chargés de missions, directeurs etc.), il n’y pas des « agents doubles ». C’est-à-dire, des responsables qui jouent dans deux camps. Dans le camp de la gabegie (corruptions, malversations, détournements) par une habitude qui est leur seconde nature, et dans l’autre camp, (celui des reformes) en « faisant semblant » de soutenir les « engagements » du chef de l’état tout en restant invariablement les mêmes.
Au vu du désordre épouvantable qui règne et qui résulte des attributions des marchés, du suivi de d’application des cahiers de charge (les yeux fermés), les engagements financiers de complaisance, le laxisme dans la gestion des affaires publiques, les détournements des moyens financiers de l’état et parfois même le sabotage délibéré, on peut maintenant comme beaucoup de mauritaniens d’ailleurs se poser la question de savoir si certains responsables au niveau des départements ministériels ne sont pas incurables.
La question se pose réellement. Parce qu’on se souvient, le chef de l’état avait quitté une séance du conseil de ministres sans la lever, exprimant son mécontentement. Mécontentement de qui et pourquoi ? On ne sait pas. Mais la réponse on peut peut-être la trouver dans deux évènements qui ont suivis. Le premier, quand le Premier Ministre avait réuni des responsables pour exiger d’eux la cadence et le rythme attendus de leurs rendements et de leurs performances.
L’autre élément est cette déclaration de Mr Kane le Ministre des Affaires économiques et du secteur productif passée inaperçue mais pourtant qui disait tout sur tout : « nous enregistrons des progrès mais en de ça des objectifs souhaités ». Ce qui veut dire en termes de développement économique -peut-être-, que des fonds importants ont été levés mais malheureusement l’intendance ne suit pas. Une plausible interprétation.
Quoiqu’il en soit, ce qui est certain, c’est qu’il y’a des départements ministériels qui sont complétement en « lambeaux » délavés à cause de la corruption, de l’incompétence et de l’irresponsabilité des collaborateurs des ministres en charge de ces portefeuilles. C’est le cas du ministère du commerce, celui de l’équipement, celui de l’habitat et de l’urbanisme et celui de l’agriculture. Ces départements souffrent énormément d’un mal endémique causé par la corruption à tous les niveaux auquel s’ajoute l’incompétence de certains cadres de la haute sphère des décisions de ces départements.
Le Premier Ministre Ould Bilal a la responsabilité morale et le devoir politique de mettre en place des mécanismes qui doivent aider les membres de son gouvernement à accomplir leur mission par une bonne gouvernance, une gestion saine des deniers publics afin d’atteindre les objectifs fixés par les « engagements » du chef de l’Etat.
Mais j’ai comme l’impression que le temps a donné raison à Samory Ould Beye, personnalité publique politique et syndicale. Répondant à une question que je lui avais posée il y’a quelques temps, celle de savoir : « si le président Ghazouani n’est pas dans « Ouad » et certains membres de son gouvernement dans un autre », il avait répondu «Ould Ghazouani et les membres de son gouvernement se cherchent ». Grave évaluation. C’était sous le gouvernement de Ould Cheikh Sidiya. Le premier gouvernement de Ould Ghazouani.
Près de deux ans après la démission de ce gouvernement et la réplique de Samory, est-ce que tout ne concoure pas à prouver que certains responsables très proches des ministres et leurs ministres se cherchent encore ce qui perturbe et introduit une fausse note dans le mouvement d’ensemble du régime du président actuel ?
Dans une vidéo qui circule en ce moment largement sur les réseaux sociaux, des mauritaniens se disent finalement vraiment nostalgiques du « régime de la décennie » allusion à celui de Ould Abdel Aziz. Une voix (celle de Ould Mayouf général à la retraite) s’est même élevée au-dessus de toutes pour conseiller au président Ghazouani de rendre le tablier.
Ce sont là évidemment des indicateurs d’un malaise social qui doit quand même avoir ses raisons. Ghazouani, qu’il ne soit là que pour le mandat actuel, ou qu’il soit en train de se faire dégager la piste pour un second, doit quand même se poser des questions. Notamment celle de savoir, comment se fait-il, -puisqu’il ne fait que son travail et il le fait bien-, les mauritaniens tapent de plus en plus fort sur les casseroles sur les places publiques et à travers les réseaux sociaux ?
La réponse se trouve peut-être en partie dans l’analyse du cas du divorce de Mariam Bekaye avec son secrétaire général. Pourquoi ? Parce que Mariam Bekaye n’est pas n’importe qui. C’est un technocrate de très haut niveau qui est en charge d’un département qui la place dans son environnement réel. Un environnement qui est favorable pour « reconstruire » un département délabré sur lequel les partenaires au développement misent beaucoup et fondent un grand espoir. Elle travaille sans relâche pour mettre ce département à niveau, pour répondre aux exigences et aux normes des objectifs de développement. Mais Mariam Bekaye est moulée dans un profil de responsables internationaux. Elle ne peut pas travailler dans un environnement pollué par la mauvaise gestion, les détournements, la corruption et le laxisme.
La « parité » dans la responsabilité ne s’applique pas à elle en matière de gestion. A d’autres ministres peut être, s’ils sont conditionnés par exemple par leurs affiliations tribales, régionales ou ethniques. Ce langage est étranger à cette femme classée en 2021 par la plateforme Groupe de presse Francophone.fr Box, 3 ème au top 5 des ministres les plus compétents et 5 ème au classement des ministres les plus actifs du gouvernement actuel. Elle vient de décrocher des accompagnements de la part de plusieurs partenaires de la Mauritanie qui avaient supprimés de leurs lignes de coopérations les vols en direction de Nouakchott.
Si certains ministres et le premier ministre se cherchent, ce n’est pas le cas de Mariam Bekaye, 61 ans, ancienne cadre des Nations-Unies et du Fond Européen de Développement. C’est une ministre qui suit fidèlement la trajectoire tracée par les « engagements » du président Ghazouani. Il n’y donc pas de risque pour elle de se perdre avant d’atteindre les objectifs inscrits au programme du premier Ministre Ould Bilal. Tous les journalistes indépendants de ce pays sont unanimes à reconnaitre que Mariam Bekaye est La référence dans la compétence et dans la bonne gouvernance.
L’enrichissement illicite c’est le dernier souci de cette dame de fer. Malheureusement, dans ce pays, pour certains, l’honnêteté n’est pas une qualité. C’est un défaut. Ce qui explique peut-être, ce pour lequel on cherche des explications. C’est-à-dire, les raisons du divorce de Mariam et de Ould Ahmedoua dans un environnement qui n’a pas été « durable ».
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant.