Comme tous les Mauritaniens, j'attendais le discours qu’allait prononcer le président de la République à l'occasion de la fête de l'Indépendance. Nous attendions tous qu’il réponde à de nombreuses questions. Il a en tout cas prouvé le grand réalisme du Président et sa connaissance de toutes les affaires du pays. Bien qu’il s’agît d’un simple discours, il dressa un diagnostic de la situation générale, notamment des problèmes essentiels et fondamentaux touchant à la correction des déséquilibres, et présenta une vision claire des réformes en cours ou en vue et des perspectives. Il est vrai qu'il n'a pas détaillé l’inventaire ni parlé des difficultés rencontrées à tous les niveaux, pour qu'on puisse partager avec lui l’épreuve vécue jusqu'à l’actuelle situation,« révolutionnaire »au regard de celle en laquelle Ghazwani avait entamé son mandat.
Sur le plan économique, l'État était en faillite : Trésor réduit à 21 milliards d'ouguiyas et endetté de plus de 5 milliards de dollars, confiance financière au plus bas, manque d'endurance et absence de crédibilité externe : une seule banque étrangère garantissait les opérations internationales de la Mauritanie en dollars, tremblant devant les institutions monétaires américaines qui avait relégué l'État mauritanien et son secteur monétaire dans le cercle de l'accusation de blanchiment de fonds, raison pour laquelle elles empêchaient quiconque de traiter avec lui dans la zone-dollar.
Sur le plan administratif, l'administration était hiérarchiquement détruite par l’absence de toutes normes de compétence, mérite et niveau scientifique, les emplois sensibles relatifs à la production de visions, perceptions, études, attraction d'investissements et approbation des projets, étant détenus par des personnes dotées de faux diplômes ou complaisamment nommées. On se souvient, à cet égard, d’un des plus manifestes scandales d'Ould Abdel Aziz, promouvant quelque cent vingt personnes issues de son milieu social. Conduit et géré par des employés sans niveau scientifique ni patriotisme – leur principale préoccupation consistant à détourner les marchés publics et les budgets de fonctionnement – l'État se retrouvait comme une proie entre des hyènes.
La situation politique grondait comme un volcan : blocages, affrontements, méfiance et négation de l'autre, n’attendant apparemment plus qu’une étincelle pour s’embraser, tous les indicateurs étaient à « zéro ». Mais Ghazwani ne disposait, à son investiture, que de comptes et rapports faussés et ne savait donc pas exactement ce qui l'attendait. Avec, d’emblée, « la » question essentielle, éminemment angoissante : par où commencer ?
C’est cependant avec un calme absolu que les déséquilibres ont été corrigés en ce qui concerne les dettes de l'État, la situation du Trésor et de la Banque Centrale, les plans suivis mobilisant sept cents millions de dollars jusqu'à ce que les réserves en devises fortes de la Banque Centrale atteignent un milliard et demi de dollars et près de sept tonnes d'or, et que les recettes du Trésor augmentent à ce degré de surabondance. En outre, les recettes fiscales ont également maintenu des niveaux d'équilibre élevés, malgré le Corona. Le budget 2022 attend ainsi deux cent cinquante milliards d'ouguiyas de recettes douanières, soit environ 28% de sa masse totale.
Il y avait mille travaux à entreprendre en même temps pour que l'État survive.
En l’absence de compétences et d’initiatives gouvernementales, le Président travaillait dix à douze heures par jour pour obtenir ce résultat, tandis qu’après avoir quitté le pouvoir avec la fortune de Qarun, Abdel Aziz pêchait en eaux troubles, suivant un agenda de déstabilisation nanti d'énormes capitaux et des adresses de tous les méchants de la région, avec une implacable détermination à se « venger »exacerbée par une mégalomanie sans bornes. De son côté, Corona semait la mort autour de nous ; tout s'arrêtait, tous les systèmes de santé s'effondraient…Mais notre opposition n’en continuait pas moins à rêver.
Il a fallu également reprendre « les réalisations » inconsidérées d’Ould Abdel Aziz qui se sont effondrées après sa sortie du pouvoir, tandis que l'électricité était revenue en mode« coupures intempestives », après avoir pourtant provoqué le quart de la dette extérieure (plus d'un milliard de dollars !) ;et que les prix augmentaient frénétiquement. Pour deux raisons extérieures : la diminution mondiale du travail dans les usines et l'augmentation des coûts de transport et d'assurance (le transport du conteneur, depuis la Chine par exemple, est passé d’environ 2.800 $ à 14.000 $).Et une autre intérieure : la disparition de l’unique système de régulation des prix locaux : la société SONIMEX avalée par Ould Abdel Aziz, tout comme il a phagocyté et enterré d’autres sociétés publiques pour effacer les crimes de corruption. Mêmes causes, mêmes effets avec l’Etablissement National d'Entretien Routier (ENER).Toutes les routes se sont effondrées du fait de l’inconsistance de leur fabrication, avec des impacts sur la rapidité et les coûts du transport de marchandises, tout en accumulant des pressions sur le rythme des réparations du réseau. De 15%, l'Etat ne réparait qu’à peine 5% par an. Ce qui n’a pas manqué de se répercuter sur tout le réseau routier.
Des priorités assumées
La priorité, en ces deux premières années de mandat, était de sécuriser la vie des populations vulnérables et d’amener des revenus aux familles survivant en-dessous du seuil de pauvreté. Ce processus comprenait l'affectation d'un montant mensuel pris sur le budget net de l'État pour cent mille familles, la prise en charge des dépenses de santé pour six cent trente mille personnes (assurance-maladie) et une augmentation, variant entre 49% à 100%, des pensions des retraités et leur intégration dans l'assurance-maladie susdite. Pour chaque personne décédée, sa famille perdait la moitié de son salaire contractuel et les prestations d'assurance-maladie.
Sur un autre registre, le tarif douanier sur les produits de consommation de première nécessité a été levé et les prix de certains produits subventionnés mais les influences externes sont restées plus fortes que la capacité de l'État à les restreindre, compte-tenu des faibles compétences conceptuelles du Département gouvernemental en charge de la question. Par ailleurs, des mesures ont été prises, lors du choc Corona, pour faire face aux effets généraux de la pandémie, avec environ cinquante-trois milliards d'ouguiyas.
Toutes ces interventions ont coûté deux cent quarante milliards d'ouguiyas. Avec une attention certaine aux jeunes. Citons ici la levée de la barrière "Sidi ould Salem " (empêchement des jeunes de plus de 25 ans à se présenter au baccalauréat et entrer à l'Université). Une barrière analogue a été ôtée en ce qui concerne l'accès aux corps sécuritaires et militaires, ce qui a permis de recruter près de vingt mille jeunes dans la fonction publique, les divers corps financiers, militaires, médicaux et autres. L'Université, l'Ecole Nationale d’Administration, de Journalisme et de la Magistrature, les Centres de formation ont continué à fonctionner à plein régime et le Ministère de la Jeunesse a assuré dix-huit mille emplois.
La fondation d'une société pour organiser et encadrer l'orpaillage domestique a également fait exploser une bombe dans l'emploi (58.000 postes de travail directs et 200.000 opportunités indirectes), la relance des revenus et une dynamique économique avec trois cent quarante milliards d'anciennes ouguiyas, soit une augmentation de 236 % par rapport à 2019, et une augmentation de plus de deux cent quarante milliards de nouvelles ouguiyas(+ 268% par rapport à 2019), permettant de surcroît à l'État d'augmenter ses réserves d'or. Quelqu'un demanda au Président d'accorder des licences d'exploitation de l’or aux étrangers. « Pas avant que nos enfants n’aient pris tout ce qu'ils peuvent atteindre de leurs mains et autres forces », répondit-il, et voici la société qui progresse dans l'amélioration de la situation et des conditions de ce secteur, avec l’adduction d’eau, le téléphone et les soins de santé, étendant sa zone jusqu’à Tijirit pour ouvrir plus d'opportunités d'emploi. Malgré tout cela, le Président reste insatisfait de la situation des jeunes et s'engage à lui apporter plus encore, considérant la jeunesse comme le point d’appui fondamental pour construire l'État.
Insatisfactions et efforts à fournir
Il ressort clairement du discours que Ghazwani n'est pas plus satisfait de la performance du Gouvernement et de l'Administration. Et d’en promettre la correction, à travers une stratégie tridimensionnelle : renforcement de la formation des jeunes, ouverture à leur profit des opportunités d'accession à l'économie, renforcement de la lutte contre la corruption ; en soutenant des mesures à trois niveaux. En un, élargissement et développement du mécanisme et du niveau de lutte contre la corruption, renforcement des outils existants et l’établissement de nouveaux mécanismes. En deux, renforcement de la séparation des pouvoirs et soutien à l'indépendance de la justice. En trois, normalisation de la vie politique et ouverture d'un dialogue, avant que ses conditions ne mûrissent malgré l'opposition fragmentée. Ses dirigeants soutiennent et essaient d'émerger avec le discours autour du pouvoir d'achat, variant les appels et les concessions fractionnelles, tandis que les plus modérées de ces oppositions n'ont pas encore mûri leur vision d’un dialogue national.
Malgré cela, la Président a affirmé sa poursuite d’un dialogue sans plafond ni limite, dans une recherche profonde d'une représentation globale des Mauritaniens. La voie a été ainsi ouverte aux exclus d’antan: celui des « anciens candidats à la Présidence » qui ont recueilli plus de 48 % des suffrages des électeurs. Autant de preuves d’une grande volonté à ouvrir en grand la porte à toute la Nation, avec ses propres perceptions et aspirations, tous ses courants, modérés et extrémistes, réalistes et rêveurs, le tout afin d'ouvrir la voie au retour de chacun en son pays, selon les garanties d'accès à une vie publique bien déterminée, normalisant le débat politique.
Le discours prévoyait également d'élever le niveau du pouvoir d'achat et de permettre à la nouvelle institution chargée d’approvisionner le pays en denrées de première nécessité de jouer son rôle face aux spéculations et autres manœuvres monopolistiques.
Le discours oscillait clairement entre deux facteurs forts : l'esprit et le contenu. Au crédit du premier : optimisme, franchise et engagement à mettre en œuvre tous les promesses électorales de Ghazwani pendant son mandat. Le contenu s’est employé à passer de la reconnaissance des lacunes à leur correction, afin de construire de nouveaux mécanismes de développement, de mieux lutter contre la corruption et pour l’intégration des jeunes. Ceux qui sont aux commandes de la politique doivent contribuer, de par leur position, à réaliser tous ces engagements. Le pays n’attend-il pas beaucoup d'argent et l’éclosion de nombreuses ressources ? Il lui faut donc un mécanisme national pour en faire bénéficier tout un chacun, sans exception. lecalame