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un grain de sable pour secouer la poussière...

Très, très courte vue

Mercredi 12 Juin 2019 - 08:39

Lors d’un débat télévisé de la campagne électorale pour la présidentielle de 2007 en France, Arnaud de Montebourg, un des leaders du parti socialiste de l’époque, fit une déclaration choc. Interrogé, par le journaliste, sur les chances de la candidate socialiste, Ségolène Royal, face à Nicolas Sarkozy, il se permit une pique dévastatrice. « Le seul problème de Ségolène, c’est son compagnon » ; qui n’était autre que François Hollande. Pour paraphraser cet homme politique français, peut-on dire que le seul problème de Ghazwani, c’est Ould Abdel Aziz ?

Frappé par la limite constitutionnelle des mandats, notre rectificateur en chef ne veut rien lâcher, pas même la bride à son ancien compagnon d’armes. Présent à ses côtés, lors de l’ouverture de la campagne électorale à Nouadhibou, il lui a imposé, dans son staff, des ministres parmi les plus décriés du gouvernement et veut le voir assumer une partie du lourd héritage de ses onze années de pillage et de disette, à la tête de l’Etat. Un poids mort dont Ghazwani  voudrait bien se passer mais l’ombre tutélaire de son ami risque fort de hanter ses nuits, quelque temps encore. Si elle ne lui  vaut pas des déboires, elle ne le servira, en tout cas, sûrement pas. Très décrié, ce pouvoir qui a mis le pays en coupe réglée devrait plutôt faire profil bas. Le malheur est qu’Ould Abdel Aziz se croit encore populaire. Ses slogans de 2009 sur le président des pauvres et la lutte contre la gabegie ont fait long feu. Confrontées à la dure réalité, ils n’ont tenu que le temps d’une rose. Ce n’est qu’après avoir échoué dans ses tentatives d’arracher un troisième mandat qu’il s’est décidé à soutenir un candidat à la présidentielle qui ne pouvait être qu’un général défroqué, comme lui, proche parmi les plus proches et en qui il avait une totale confiance.  Cela lui vaudra-t-il élection pour autant ?
 

Argentine, Février 1946. Le docteur José Tamborini, de l'Union démocratique, semble le mieux placé et financièrement soutenu pour remporter l’élection présidentielle. Mais son adversaire le colonel Juan Domingo Perón, ancien ministre du Travail, dispose d’un réel soutien populaire. Aussi l'ambassadeur des États-Unis, Spruille Braden, très proche des milieux affairistes qui soutiennent Tamborini, décide-t-il de s’impliquer publiquement, en participant activement aux meetings de l’Union démocratique. Il publie même un pamphlet, connu sous le nom de « Blue Book », (Livre Bleu) accusant Perón de liens fascistes. Mais celui-ci va très habilement retourner ce trop voyant soutien de l’ambassadeur étranger. Répondant au « Livre Bleu » par son propre livre «Livre Bleu et Blanc » (les couleurs du drapeau argentin), il y développe son antagonisme à l'impérialisme des Yankees, s’attirant ainsi beaucoup de soutiens nationalistes. Avant de résumer l’élection par un lapidaire : « Perón ou Braden » ; réduisant définitivement le docteur Tamborini à l’état de marionnette des intérêts états-uniens. Résultat des courses : Perón est élu par 56% des votes malgré l'opposition des libéraux et des communistes. Cerise sur le gâteau, son parti travailliste devient majoritaire dans les deux chambres de l'Assemblée.
 

Ould Abdel Aziz parie, il l’a dit à Nouadhibou, sur un passage en force dès le premier tour, épargnant à « son » candidat tenu en laisse, les affres d’un tête-à-tête où l’adversaire unique de Ghazwani aurait beau jeu de résumer l’élection par un tout aussi lapidaire : « Aziz ou moi ». Chaque jour qui passe, maintenant, révèle la réalité de ce postulat, réduisant comme peau de chagrin la capacité de Ghazwani à démontrer qu’il existe indépendamment de son « maître ». Avec cette inconnue supplémentaire, bien plus redoutable : si, d’aventure, Ould Abdel Aziz réussissait son pari de forcer le premier tour, au prix des plus ubuesques manipulations du vote, quel avenir, pour la Mauritanie ? Le seul problème de Ghazwani, c’est peut-être bien Ould Abdel Aziz mais le seul vrai problème d’Ould Abdel Aziz, c’est très certainement, sa très, très courte vue.
 

Ahmed Ould Cheikh

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