L’opposition mauritanienne ne cesse de chercher. Plus exactement, elle ne cesse, depuis 1993, de se rechercher. Autour d’une question apparemment simple à poser mais plus complexe à résoudre, dans les faits : comment parler d’une seule voie face au pouvoir ou disons plutôt « système » qui régente le pays depuis 1978, date du premier coup d’État militaire dans le pays. Les nombreuses tentatives de coalition se sont toutes soldées par des échecs. Notamment la dernière, à quelques semaines de la présidentielle de Juin dernier. Bref et selon toute apparence, un seul mot d’ordre commun : jamais d’unanimité ! Les ambitions parfois démesurées de certains leaders ont sabordé les rencontres et initiatives des différents prétendants et partis. La proclamation des résultats et les réactions à la victoire du président-candidat ont encore plus mis à nu les divergences entre les candidats de l’opposition et leurs soutiens. Certains s’empressant de reconnaître la victoire de Ghazouani, puis de le féliciter, tandis que ceux de l’opposition résolument « antisystème », particulièrement animée par Biram Dah Abeïd, la contestaient sans détours. Celui-ci aura même évoqué une « crise post-électorale » tout en se disant cependant disposé à un dialogue politique. Cette posture apparemment contradictoire en a surpris plus d’un.
Il a fallu attendre l’annonce, par le président réélu, d’une proposition de dialogue dans son discours d’investiture, pour voir en quelque sorte le narratif évoluer. Sans doute s’agissait-il, pour Ghazouani, de calmer la tension intervenue lors de la proclamation des résultats de la présidentielle qui avait vu le pouvoir déployer d’importants moyens militaires dans les rues et autour des marchés, couper l’Internet et même tirer sur de jeunes manifestants à Kaédi, jusqu’à en tuer trois. L’offre de dialogue fut accueillie par la classe politique de manière assez mitigée mais relança surtout l’éternelle question : s’y présenterait-elle unie ou divisée comme toujours ? Wait and see…
Et voilà maintenant que Biram Dah Abeïd et Mohamed Ould Maouloud, en froid depuis plusieurs mois, ont tenu à afficher publiquement leur réconciliation ! La dernière rencontre entre les deux hommes au siège de l’IRA, il y a quelques jours, a été mise à profit par les responsables de l’UFP pour exprimer leur souhait de voir l’opposition s’unir autour de l’essentiel : parler d’une seule voix face au pouvoir. Un projet bien accueilli par la coalition ayant soutenu Biram Dah Abeïd à la présidentielle où l’UFP, on s’en souvient, avait soutenu le candidat maître El Id M’Bareck. Au cours de l’échange entre les deux présidents, Biram a indiqué que le pacte républicain pourrait constituer un cadre de discussion entre les acteurs de l’opposition : « les divergences ne portent pas sur le fond mais sur la forme », précisait-il. Il faut attendre désormais la réaction des deux autres signataires du pacte républicain, à savoir, le RFD et l’INSAF.
À chaque coalition de se restructurer, un préalable impératif
Mais avant d’en arriver là, la coalition Biram président 2024 doit parachever sa restructuration. Après la présidentielle, l’ensemble des formations, mouvements et associations politiques ayant soutenu le candidat antisystème ont entamé des discussions pour évaluer la campagne et examiner les voies et moyens de poursuivre leur compagnonnage sous une autre forme. Les discussions portent notamment sur une nouvelle dénomination de ce rassemblement qui n’a évidemment pas le seul objectif de soutenir un candidat à une élection. Des commissions ont été mises sur pied et travaillent depuis quelque temps à définir ce nouvel organe, ses objectifs et la stratégie à mettre en place pour les actions à mener. Lors d’une rencontre à la veille de la présidentielle au siège de l’AJD-MR, les leaders de l’opposition antisystème avaient indiqué l’urgence de s’unir pour lutter efficacement contre le pouvoir. Il existe, selon eux, de fortes divergences d’agendas entre ceux qui combattent pour une véritable alternance politique, l’égalité des chances, la liberté, l’État de droit, et ceux qui ne remettent pas en cause le système en place.
Une sérieuse pomme de discorde qui ne manquera pas d’apparaître lors du dialogue proposé par le président de la République. Plusieurs partis réputés de l’opposition cachent mal leur proximité avec le pouvoir actuel. C’est d’ailleurs ce que d’autres reprochent aux signataires du Pacte républicain : pourquoi, disent-ils, ceux-ci ont-ils accepté de négocier avec l’INSAF sans nous informer ? La réconciliation entre le leader de l’UFP et celui de l’IRA fera-t-elle taire ces bisbilles ? Ceux-ci l’espèrent, conscients qu’ils sont de la nécessité de former un bloc uni pour se présenter au dialogue et, pourquoi pas, aux élections locales anticipées. C’est sur cette base que la nouvelle structure antisystème entend mener ses discussions avec le reste de l’opposition, préalables incontournables à la révision concertée dudit Pacte et les derniers ajustements avant l’éventuelle ouverture du dialogue avec le pouvoir…
Dalay Lam
lecalame