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un grain de sable pour secouer la poussière...

Si j’étais "Aziz"

Jeudi 27 Juin 2019 - 16:18

Si j’étais "Aziz"

Vous voilà sur le point d’intégrer le cercle fermé  des anciens présidents  en vie et en liberté. Présidents africains s’entend.  Avec un petit pincement au cœur on présume.
 

En fin de mandat, Barack Obama avait entamé une tournée d’adieux. Question d’édifier déjà son héritage et, accessoirement, de consolider sa légende. Il vous était loisible d’en faire autant. Dans les pays du G5 Sahel par exemple. Une manière comme une autre de célébrer le bilan  sécuritaire flatteur que l’on vous prête. Vous n’avez visiblement pas fait ce choix. Peut-être, préfériez-vous suivre de près les pérégrinations de votre dauphin présumé et celles de ses concurrents. Au fait, dauphin ou héritier ? En politique, le problème avec les héritiers c’est leur manie de revendiquer un droit à l’inventaire et de porter ce qui cloche au passif de l’héritage justement. A voir.

Un de vos anciens collègues, également ancien général comme vous, disait, paraît-il, à propos du  poste de président de la République : « la place est bonne mais le problème c’est qu’il n’y a pas d’avancement ».

Vrai. Après avoir été président, la reconversion est difficile. Poutine a bien accepté une relégation à la fonction de 1er ministre. Mais c’était pour mieux redevenir président. A la manière d’un chanteur célèbre, on peut supposer que vous vous demandez : « et maintenant, que vais-je faire » ? Rassurez-vous. Il y a une vie après la présidence. Une vie et une multitude de possibles. Vous ayez déjà annoncé votre volonté de rester dans la vie publique. C’est un choix concevable. Mais il ne va pas sans aléas. Le plus délicat est le risque de faire de l’ombre à votre successeur. Ombre tutélaire ! Surtout si ce dernier s’avérait être celui  qui est annoncé. Habituellement, les chefs en fonction n’aiment pas les doublures. Ces derniers leur rappellent trop qu’il y eut un avant et qu’il y aura fatalement un après. Vous-même l’avez expérimenté avec feu Ely Ould Mohamed Vall. En réalité, « ancien président » est un statut à profils variables. Cela va des « anciens définitifs » aux anciens qui se voient plus ou moins discrètement prochains.

Le président Senghor du Sénégal relevait de toute évidence de la 1ère catégorie. Abdou Diouf, son successeur, avait brigué le Secrétariat Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, point de chute commode pour d’anciennes excellences africaines. Mais à géométrie variable. Blaise Compaoré se l’était vu  proposer en guise de « par ici la sortie » alors que Pierre Buyoya avait été recalé pour cause de passé putschiste. C’est à ne rien y comprendre ! La place est prise de toutes les façons.   Reste que pour un ancien dirigeant d’un pays ayant renoncé au français comme langue officielle, cela sonnerait incongru même s’il y eut (sauf erreur de ma part) le précédent Boutros Boutros Ghali. Le Malien Alpha Oumar Konaré semble avoir tourné la page de la politique active. Idem de John Kufour le Ghanéen, du Nigérian Olusegun Obasanjo, du Ghanéen Jerry Rawlings. Ah ! Rawlings. Un cas! Putschiste multirécidiviste, rangé des voitures, il n’en rate pas une pour dire leur fait aux gouvernants du moment. Et sans s’attirer les foudres de Jupiter. C’est qu’il n’y a chez l’ancien et emblématique capitaine aucune équivoque. Il ne souhaite pas reprendre du service. Obasanjo, lui, s’est spécialisé dans la supervision des élections. Papy affable, il lui arrive toutefois de replonger subrepticement dans la mare politique.  Personne ne semble lui en tenir rigueur.

Pas même l’actuel président Buhari qu’il a refusé de soutenir (cette fois-ci) aux dernières élections. D’autres anciennes gloires végètent. Soyons charitables et laissons-les à leur anonymat retrouvé.  Il existe une seconde catégorie d’anciens. Celle de ceux qui s’y voient encore. Ceux-là ont le don d’agacer. Le Béninois Yayi Boni en sait quelque chose à qui Patrice Talon fait des malheurs comme s’il en pleuvait. Abdoulaye Wade n’a plus l’âge d’avoir de l’ambition pour lui-même. Il se contente d’être ambitieux par procuration et donc pour deux. Quant à vous, l’avenir dira dans quelle catégorie vous vous placez. Votre relatif jeune âge pourrait être votre principal adversaire. En politique comme en sport, la retraite de haut niveau est difficile à vivre. Or vous avez l’âge de vous positionner en futur, en prochain. Corrélée au statut d’ «ancien », cette aspiration éventuelle pourrait être mal perçue.
 

Vous avez évidemment d’autres choix possibles : créer une fondation, vous lancer dans des tournées, des conférences, faire du conseil, vous ériger en porte-drapeau d’une cause (le respect de la durée du mandat présidentiel par exemple), devenir envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, de celui de la Ligue arabe, envisager à terme la succession de Monsieur Moussa Faki Muhamad. Après tout, Alpha Oumar Konaré avait bien occupé le poste après avoir présidé le Mali. Vous pouvez créer un nouveau parti politique ou vous investir dans votre parti actuel. Une telle initiative pourrait comporter un message plus ou moins crypté et représenter une sorte de chiffon rouge…Vous l’aurez compris, le geste ne serait pas sans risques.

Sachez, mais vous ne m’avez pas attendu pour le savoir, que nul ne gouverne par procuration. Le dauphin cherche toujours à s’affranchir de la tutelle qui pèse sur lui. Des précédents ? Biya versus Ahidjo, Joao Lourenço versus Dos Santos….

Le rôle de sage est a priori moins risqué mais également très prisé. L’oracle que l’on consulte. Mais il s’accommode mal des ambitions de retour. Le sage doit être un peu ermite.
 

Une cause ! Au crépuscule de votre mandat, vous avez manifesté un intérêt certain pour la thématique de l’unité nationale. La marche du 9 janvier est encore dans les mémoires. Il faut avouer cependant qu’elle a laissé certains dubitatifs. A présent que vous ne pouvez plus être suspecté d’arrière-pensées électoralistes, vous pouvez reprendre cet étendard, sillonner le pays pour prêcher, et, pourquoi pas, faire équipe avec Monsieur Sidi Ould Cheikh Abdallahi ? Votre prédécesseur dont vous fûtes (tout de même) le tombeur n’est peut-être pas rancunier. La cause mériterait  bien de « jeter la rancune à la rivière ».
 

Une chose est sûre. Vous ne redeviendrez plus jamais un citoyen ordinaire. C’est, dit-on, avec d’anciens civils que l’on fabrique des militaires mais un ancien militaire ne redevient vraiment jamais totalement un civil. De même, un ancien président ne redevient vraiment jamais totalement un citoyen  ordinaire. Vous avez été les deux.

En guise de conclusion, une recommandation : ne prenez surtout pas au sérieux ces lignes. C’est pour rire et  n’oubliez pas que  « la retraite est le temps des contraintes choisies ».
 

Tijane Bal

source lecalame

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