Boycotter ou participer ? Le Forum National pour la Démocratie et l’Unité a tranché : il ira au referendum pour le faire échouer. Le FNDU a visiblement tiré les leçons de ses précédents boycotts. Le pouvoir, qui a déjà commencé la campagne pour le oui, disait, naguère : « Le chien aboie, la caravane passe ». « Plus jamais ça ! », rétorque, à présent, le principal pôle de l’opposition démocratique.
La décision a été prise lors d’une réunion en fin de la semaine passée. Les partisans du boycott et ceux de la participation sont donc parvenus à un compromis. L’annonce en a été faite, jeudi passé, à l’occasion d’une conférence de presse tenue après la libération du sénateur Ould Ghadda, emprisonné suite à un accident ayant causé la mort de deux personnes, sur la route de Rosso.
Le forum y a annoncé deux meetings, pour les samedi 20 et dimanche 21 Mai, dans les wilayas-sud et nord de Nouakchott. Coup d’envoi de la campagne de l’opposition pour le non. Militants et sympathisants ont été priés de s’inscrire sur les listes électorales. L’engagement du FNDU risque fort d’influer sur le résultat du vote. Du coup, les rumeurs sur l’éventualité d’un report de la consultation populaire, qui circulaient dans les salons de Nouakchott et qu’a relayées l’agence Tawary, ont singulièrement accru en intensité, dès le lendemain de la conférence de presse du Forum.
Au cours des meetings, le FNDU a annoncé les couleurs et le ton de sa campagne qui tournera sur le bilan « catastrophique » du gouvernement de Mohamed ould Abdel Aziz. Celui-ci est accusé de tous les maux dont souffre le pays, depuis son arrivée au pouvoir. Thèmes très probablement développés, devant les citoyens mauritaniens : crise politique, économique et sociale, flambée des prix, chômage des jeunes diplômés, enrôlement « à la tête du client », insécurité urbaine, montée du communautarisme, désacralisation des institutions, centralisation de tous les pouvoirs politiques et économiques par le seul président de la République, restriction des libertés publiques, gabegie, vente à tout-va du domaine public, fermeture des entreprises, expropriation de terres dans la vallée du fleuve Sénégal, etc. C’est dire que l’opposition ne manque pas de matières. Thèmes ressassés depuis bien longtemps, certes, mais qui prennent, chaque jour, plus de poids, touchant de plus en plus de citoyens. Le Forum profitera de son temps d’antenne pour fustiger le gouvernement et ses tentatives de modifier, de force, la Constitution, à travers le « referendum illégal » du 15 Juillet prochain. Face-à-face « alléchants », en perspective.
Côté pouvoir, la campagne sera certainement très classique. On rabâchera, aux Mauritaniens, les « grandioses réalisations » du président Mohamed ould Abdel Aziz : infrastructures (routes, eau, électricité, écoles spécialisées, universités), lutte contre le terrorisme – équipement de l’Armée et des forces de sécurité, etc. – enrôlement biométrique, lutte contre la gabegie, présidence de l’UA et de la Ligue arabe, intervention en Gambie…
Report du referendum ?
A en croire les sources concordantes et bien informées de nos confrères en arabe de l’agence Tawary, le gouvernement serait sur le point de reporter la date du referendum, initialement prévu le 15 juillet. Aune explication n’est cependant avancée. Selon nos propres informations, deux raisons seraient invocables. D’abord, le problème des ressources financières. Même si le président de la République affirmait, dans sa conférence de presse du 22 Mars, que le pactole de six milliards, puisés du budget de l’Etat 2017, était déjà disponible, les bailleurs de fonds auraient refusé de le cautionner et, encore moins, de mettre la main à la poche. Certains laissent donc entendre que le gouvernement peine à mobiliser de l’argent, le ministre des finances ayant adressé une correspondance, à tous les établissements publics, leur notifiant des coupes dans leurs provisions, entraînant, de facto, l’annulation de plusieurs programmations.
La deuxième raison serait liée aux craintes de voir le non triompher. Un tel nouveau camouflet, après le rejet du Sénat, la mobilisation de ses membres contre le referendum et, tout récemment, contre l’arrestation de leur confrère, le sénateur Ould Ghadda, serait d’autant plus insupportable que le FNDU s’en ferait évidemment chou blanc, puisqu’il est désormais entré en campagne officielle pour le non. Glas d’un régime à bout de souffle ? En tout cas, le choix semble bien de plus en plus réduit à baisser culotte ou… prendre une déculottée.