En tant que structure nationale porteuse du projet de développement de la Mauritanie de 2016 à 2030, la Stratégie de Croissance Accéléré et de Prospérité Partagée (SCAPP), par son faible ancrage institutionnel, ne peut assurer l’engagement que la Mauritanie a souscrit par rapport à l’Agenda 2030 des Nations Unies et celui de l’Union africaine, mais aussi de son engagement par rapport à la Déclaration de Paris de 2005 et du Programme d’Action d’Accra de 2008. Elle constitue en outre, un grain de sable dans l’engrenage du nouveau Système des Nations Unies, telle que conçu dans sa nouvelle réforme de 2018.
L’ancrage de la SCAPP dans une obscure sous direction dépendant de la Direction des Stratégies et Politiques, elle-même sous tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances, en fait un interlocuteur trop éloigné et indirect des partenaires au développement. Sa place à la Présidence de la République ou dans une moindre mesure, à la Primature, en tant que tableau de bord proche des premiers décideurs, permettra non seulement d’éclairer rapidement ces derniers sur l’évolution périodique des indicateurs de développement, mais aussi d’exprimer la forte volonté des autorités à faire du développement un axe prioritaire et donner plus de confiance aux partenaires.
Des signaux forts du régime Ghazwani
Il est certain que la dernière déclaration du président Mohamed Cheikh Ould Ghazwani adressée aux ministres, dans laquelle il leur lâche la bride en contrepartie de résultats concrets, constitue une lueur d’espoir quand au mode de gouvernance qu’il compte prôner. Elle rassure surtout les partenaires au développement quant à la forte volonté exprimée par la plus haute autorité du pays, à faire respecter l’un des engagements les plus fondamentaux et longtemps bafoués que la Mauritanie a prise par rapport à la communauté internationale. La gestion axée sur les résultats constitue en effet l’un des principes de base de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement d’août 2005.
Ainsi, les Mauritaniens inaugurent sans nul doute une ère inédite. Les ministres auront dorénavant, comme l’a promis le nouveau président de la République, les moyens pour mener leurs missions et seront entièrement responsables devant le Premier ministre et lui. Leur performance sera à la hauteur de la confiance qui leur est aujourd’hui accordée.
Fini le temps où un ministre attendait les ordres du Grand Manitou pour acheter une rame de papier. Une gouvernance d’épicier qui fut le lot des Mauritaniens pendant plus de dix ans, sous l’ombre d’un pouvoir, celui de Mohamed Abdel Aziz, qui a tenu à rester au cours de son règne l’Alpha et l’Oméga de la vie des Mauritaniens. Une sorte de « Big Brother », ce personnage de Georges Orwell qui poussera l’auteur de l’ouvrage « 1984 », édité en 1949, à imaginer un monde où tout tourne autour d’un super dirigeant qui contrôle jusqu’à la moindre respiration de ses administrés.
Ainsi, cette nouvelle approche dans la gouvernance du président Mohamed Cheikh Ghazwani, a été saluée par les Mauritaniens qui n’en demandaient pas plus, eux qui ont été sevrés et savonnés par dix années de centralisation et de monopole excessif du pouvoir, une gouvernance solitaire que son prédécesseur a exercé sans partage ni parcimonie.
Une SCAPP mal logée
Seulement, l’harmonisation des politiques du gouvernement en matière de développement constitue un pilier central et l’action de chaque département doit se jeter dans une grande matrice commune de résultats. Or, cette grande matrice s’appelle la SCAPP, ce tableau de bord, cette boussole et cette feuille de route qui va déterminer jusqu’en 2030 les grands axes de développement de la Mauritanie.
Or, la SCAPP est logée dans une sombre sous-direction de la Direction des Stratégies et Politiques du Ministère de l’Economie et des Finances.
Sans aucun ancrage institutionnel fort, sans pouvoir de décision, sans envergure et sans possibilité de se faire voir ou entendre. Une bien piètre manière de porter le développement de la Mauritanie, pendant que son pendant au Sénégal, « Sénégal Emergence », est directement logée à la Présidence de la République. Comment voulez-vous que le Président de la République, Mohamed Cheikh Ghazwani ou son Premier ministre, Ismaël Ould Bedde Ould Cheikh Sidya, dont la priorité est d’abord sortir la Mauritanie de l’ornière du sous-développement, de la pauvreté, de la fragilité des secteurs vitaux comme la Santé, l’éducation, l’emploi et l’autosuffisance alimentaire, soit tenu au courant, au jour le jour, du travail de fourmi qu’abattent dans l’obscurité de leur manoir, les techniciens chargés de concevoir et de planifier le développement de la Mauritanie, s’ils sont logés au bas fond de la pyramide ?
Tant que la SCAPP ne sera pas logée à la Présidence de la République, ou dans une moindre mesure, à la Primature, le développement de la Mauritanie ne sera que chimère et travail de Sisyphe, un gouffre sans fonds, où viendront se perdre les milliards des budgets nationaux et les milliards de dollars des partenaires au développement. Et tant que la SCAPP continuera à être un simple appendice dépendant d’une direction, sous l’auspice d’un ministère, les partenaires au développement resteront sans interlocuteur directe. Ce qui relève de la dérision et du manque de sérieux dans les options affichées par les autorités mauritaniennes quant à leur volonté de développement.
En déphasage avec la nouvelle réforme de l’ONU
Cette dévalorisation institutionnelle de la SCAPP rend en tout cas difficile le travail de beaucoup de partenaires au développement en Mauritanie, notamment celui du Coordinateur Résident du Système des Nations Unies, poste créé après la dernière réforme du Secrétaire général sur le repositionnement du Système de Développement des Nations Unies en 2018. Il faut souligner que le but de cette réforme est de « renforcer le leadership, l’efficacité, l’efficience et la redevabilité du Système des Nations Unies dans sa mission d’accompagner les pays dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 ».
Ce qui signifie que la mission de la SCAPP (plan de développement de la Mauritanie) dépasse le cadre national et s’intègre dans un mouvement mondial pour l’atteinte d’objectifs convenus de concert par l’ensemble des pays à l’horizon 2030. La Mauritanie ne pourra pas jouer sa partition dans le concert des Nations si les autorités ne marquent d’une manière forte leur ferme volonté à traduire dans les faits leur exigence de développement. Et cela passe sans délai par l’ancrage de la SCAPP, en tant qu’institution porteuse de la politique de développement, à la Présidence de la République ou à la Primature.
Quid de la Déclaration de Paris et du programme d’action d’Accra
D’autre part, la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement (2005) et le programme d’action d’Accra (2008) engagent la Mauritanie en tant que pays signataire des deux conventions à s’aligner sur les cinq principes fondamentaux de ces pactes mondiaux et régionaux de développement, à savoir l’appropriation, l’harmonisation, l’alignement, la gestion axée sur les résultats et la responsabilité mutuelle.
Par l’appropriation, les pays partenaires exercent une réelle maîtrise sur leurs politiques et stratégies de développement et assurent la coordination de l’action à l’appui au développement.
Par l’alignement, les pays donneurs font reposer l’ensemble de leur soutien sur les stratégies nationales de développement, les institutions et les procédures des pays partenaires.
Par l’harmonisation, les actions des donneurs sont mieux harmonisés et plus transparentes, et permettent une plus grande efficacité collective.
Par la gestion axée sur les résultats, il s’agit de gérer les ressources et améliorer le processus de décision en vue d’obtenir des résultats.
Par la responsabilité mutuelle, les donneurs et les pays partenaires sont responsables des résultats obtenus en matière de développement.
En septembre 2008 à Accra, les ministres des pays en développement, dont celui de la Mauritanie, et des pays donneurs chargés de la promotion du développement et les responsables d’organismes bilatéraux et multilatéraux d’aide au développement ont entériné la Déclaration d’Accra, en vue d’accélérer et d’amplifier la mise en œuvre de la Déclaration de Paris et ses cinq principes fondamentaux sur l’efficacité de l’aide au développement.
Ils se sont engagés à renforcer l’appropriation du processus de développement en ouvrant un dialogue inclusif avec l’ensemble des acteurs nationaux, à obtenir des résultats sur la voie du développement et à rendre compte de ces résultats, en améliorant la transparence et la reddition des comptes à leurs opinions publiques sur les résultats obtenus. Les pays en développement et les donneurs se sont aussi engagés, entre autres, à travailler ensemble au niveau international à l’analyse, au recensement et à la diffusion des bonnes pratiques en matière de conditionnalité dans le souci de renforcer l’appropriation par les pays et des autres principes de la Déclaration de Paris en mettant l’accent sur une conditionnalité harmonisée et axée sur les résultats, en donnant une attention particulière à la société civile.
Voilà un certain nombre d’engagements auxquels la Mauritanie a souscrit et qui fait de la SCAPP la pièce maîtresse du mécanisme de coordination avec les pays donateurs de l’aide au développement. Une fois de plus, le faible ancrage institutionnel de la SCAPP rend son rôle dérisoire dans l’enjeu national et international de la gestion du développement, ce qui risque de fausser l’harmonie mondiale.
Cheikh Aidara
Groupe de Journalistes Mauritaniens pour le Développement
lauthentic.info
L’ancrage de la SCAPP dans une obscure sous direction dépendant de la Direction des Stratégies et Politiques, elle-même sous tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances, en fait un interlocuteur trop éloigné et indirect des partenaires au développement. Sa place à la Présidence de la République ou dans une moindre mesure, à la Primature, en tant que tableau de bord proche des premiers décideurs, permettra non seulement d’éclairer rapidement ces derniers sur l’évolution périodique des indicateurs de développement, mais aussi d’exprimer la forte volonté des autorités à faire du développement un axe prioritaire et donner plus de confiance aux partenaires.
Des signaux forts du régime Ghazwani
Il est certain que la dernière déclaration du président Mohamed Cheikh Ould Ghazwani adressée aux ministres, dans laquelle il leur lâche la bride en contrepartie de résultats concrets, constitue une lueur d’espoir quand au mode de gouvernance qu’il compte prôner. Elle rassure surtout les partenaires au développement quant à la forte volonté exprimée par la plus haute autorité du pays, à faire respecter l’un des engagements les plus fondamentaux et longtemps bafoués que la Mauritanie a prise par rapport à la communauté internationale. La gestion axée sur les résultats constitue en effet l’un des principes de base de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement d’août 2005.
Ainsi, les Mauritaniens inaugurent sans nul doute une ère inédite. Les ministres auront dorénavant, comme l’a promis le nouveau président de la République, les moyens pour mener leurs missions et seront entièrement responsables devant le Premier ministre et lui. Leur performance sera à la hauteur de la confiance qui leur est aujourd’hui accordée.
Fini le temps où un ministre attendait les ordres du Grand Manitou pour acheter une rame de papier. Une gouvernance d’épicier qui fut le lot des Mauritaniens pendant plus de dix ans, sous l’ombre d’un pouvoir, celui de Mohamed Abdel Aziz, qui a tenu à rester au cours de son règne l’Alpha et l’Oméga de la vie des Mauritaniens. Une sorte de « Big Brother », ce personnage de Georges Orwell qui poussera l’auteur de l’ouvrage « 1984 », édité en 1949, à imaginer un monde où tout tourne autour d’un super dirigeant qui contrôle jusqu’à la moindre respiration de ses administrés.
Ainsi, cette nouvelle approche dans la gouvernance du président Mohamed Cheikh Ghazwani, a été saluée par les Mauritaniens qui n’en demandaient pas plus, eux qui ont été sevrés et savonnés par dix années de centralisation et de monopole excessif du pouvoir, une gouvernance solitaire que son prédécesseur a exercé sans partage ni parcimonie.
Une SCAPP mal logée
Seulement, l’harmonisation des politiques du gouvernement en matière de développement constitue un pilier central et l’action de chaque département doit se jeter dans une grande matrice commune de résultats. Or, cette grande matrice s’appelle la SCAPP, ce tableau de bord, cette boussole et cette feuille de route qui va déterminer jusqu’en 2030 les grands axes de développement de la Mauritanie.
Or, la SCAPP est logée dans une sombre sous-direction de la Direction des Stratégies et Politiques du Ministère de l’Economie et des Finances.
Sans aucun ancrage institutionnel fort, sans pouvoir de décision, sans envergure et sans possibilité de se faire voir ou entendre. Une bien piètre manière de porter le développement de la Mauritanie, pendant que son pendant au Sénégal, « Sénégal Emergence », est directement logée à la Présidence de la République. Comment voulez-vous que le Président de la République, Mohamed Cheikh Ghazwani ou son Premier ministre, Ismaël Ould Bedde Ould Cheikh Sidya, dont la priorité est d’abord sortir la Mauritanie de l’ornière du sous-développement, de la pauvreté, de la fragilité des secteurs vitaux comme la Santé, l’éducation, l’emploi et l’autosuffisance alimentaire, soit tenu au courant, au jour le jour, du travail de fourmi qu’abattent dans l’obscurité de leur manoir, les techniciens chargés de concevoir et de planifier le développement de la Mauritanie, s’ils sont logés au bas fond de la pyramide ?
Tant que la SCAPP ne sera pas logée à la Présidence de la République, ou dans une moindre mesure, à la Primature, le développement de la Mauritanie ne sera que chimère et travail de Sisyphe, un gouffre sans fonds, où viendront se perdre les milliards des budgets nationaux et les milliards de dollars des partenaires au développement. Et tant que la SCAPP continuera à être un simple appendice dépendant d’une direction, sous l’auspice d’un ministère, les partenaires au développement resteront sans interlocuteur directe. Ce qui relève de la dérision et du manque de sérieux dans les options affichées par les autorités mauritaniennes quant à leur volonté de développement.
En déphasage avec la nouvelle réforme de l’ONU
Cette dévalorisation institutionnelle de la SCAPP rend en tout cas difficile le travail de beaucoup de partenaires au développement en Mauritanie, notamment celui du Coordinateur Résident du Système des Nations Unies, poste créé après la dernière réforme du Secrétaire général sur le repositionnement du Système de Développement des Nations Unies en 2018. Il faut souligner que le but de cette réforme est de « renforcer le leadership, l’efficacité, l’efficience et la redevabilité du Système des Nations Unies dans sa mission d’accompagner les pays dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 ».
Ce qui signifie que la mission de la SCAPP (plan de développement de la Mauritanie) dépasse le cadre national et s’intègre dans un mouvement mondial pour l’atteinte d’objectifs convenus de concert par l’ensemble des pays à l’horizon 2030. La Mauritanie ne pourra pas jouer sa partition dans le concert des Nations si les autorités ne marquent d’une manière forte leur ferme volonté à traduire dans les faits leur exigence de développement. Et cela passe sans délai par l’ancrage de la SCAPP, en tant qu’institution porteuse de la politique de développement, à la Présidence de la République ou à la Primature.
Quid de la Déclaration de Paris et du programme d’action d’Accra
D’autre part, la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement (2005) et le programme d’action d’Accra (2008) engagent la Mauritanie en tant que pays signataire des deux conventions à s’aligner sur les cinq principes fondamentaux de ces pactes mondiaux et régionaux de développement, à savoir l’appropriation, l’harmonisation, l’alignement, la gestion axée sur les résultats et la responsabilité mutuelle.
Par l’appropriation, les pays partenaires exercent une réelle maîtrise sur leurs politiques et stratégies de développement et assurent la coordination de l’action à l’appui au développement.
Par l’alignement, les pays donneurs font reposer l’ensemble de leur soutien sur les stratégies nationales de développement, les institutions et les procédures des pays partenaires.
Par l’harmonisation, les actions des donneurs sont mieux harmonisés et plus transparentes, et permettent une plus grande efficacité collective.
Par la gestion axée sur les résultats, il s’agit de gérer les ressources et améliorer le processus de décision en vue d’obtenir des résultats.
Par la responsabilité mutuelle, les donneurs et les pays partenaires sont responsables des résultats obtenus en matière de développement.
En septembre 2008 à Accra, les ministres des pays en développement, dont celui de la Mauritanie, et des pays donneurs chargés de la promotion du développement et les responsables d’organismes bilatéraux et multilatéraux d’aide au développement ont entériné la Déclaration d’Accra, en vue d’accélérer et d’amplifier la mise en œuvre de la Déclaration de Paris et ses cinq principes fondamentaux sur l’efficacité de l’aide au développement.
Ils se sont engagés à renforcer l’appropriation du processus de développement en ouvrant un dialogue inclusif avec l’ensemble des acteurs nationaux, à obtenir des résultats sur la voie du développement et à rendre compte de ces résultats, en améliorant la transparence et la reddition des comptes à leurs opinions publiques sur les résultats obtenus. Les pays en développement et les donneurs se sont aussi engagés, entre autres, à travailler ensemble au niveau international à l’analyse, au recensement et à la diffusion des bonnes pratiques en matière de conditionnalité dans le souci de renforcer l’appropriation par les pays et des autres principes de la Déclaration de Paris en mettant l’accent sur une conditionnalité harmonisée et axée sur les résultats, en donnant une attention particulière à la société civile.
Voilà un certain nombre d’engagements auxquels la Mauritanie a souscrit et qui fait de la SCAPP la pièce maîtresse du mécanisme de coordination avec les pays donateurs de l’aide au développement. Une fois de plus, le faible ancrage institutionnel de la SCAPP rend son rôle dérisoire dans l’enjeu national et international de la gestion du développement, ce qui risque de fausser l’harmonie mondiale.
Cheikh Aidara
Groupe de Journalistes Mauritaniens pour le Développement
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