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Oui, pour un gouvernement de Ghazouani qui répond à notre vision (Kane H. Baba)

Vendredi 31 Janvier 2020 - 13:00

La Coalition Vivre Ensemble (CVE - Opposition) est prête à rejoindre le gouvernement du président Mohamed Ould Ghazouani si ce dernier, mais en tenant compte de son programme et de sa vision, indique Kane Hamidou Baba, candidat de cette coalition lors des présidentielles de juin 2019.

 

« Il y a des éléments positifs (dans le bilan du président Mohamed Ould Ghazouani) Je considère, par exemple, que la mise en place de cette grande agence ou de cette délégation chargée de la lutte pour l’insertion des Mauritaniens est un point extrêmement positifs. Mais, il y a d’autres mesures fortes qui doivent être prises dans le cadre de la question de l’unité nationale et de la démocratie qui pourront nous permettre d’avoir des éléments d’évaluation nouveaux et nous amener à prendre une décision ».

 

Dans cette interview à Alakhbar, Kane Hamidou Baba évoque aussi largement l’avenir de la CVE qui pourrait aussi devenir un parti politique si la base le réclame.

 

 

ALAKHBAR _ Avez-vous dépassé la question de rejet des résultats de la présidentielle ? Reconnaissez-vous la légitimité de Ould Ghazouani ?

 

Kane H. Baba : La politique c’est comme une conduite de route. Il faut regarder devant et,de temps à autre, dans le rétroviseur. Regarder dans le rétroviseur des élections c’est de se rappeler le contexte de crise dans lequel nous les avons passés. Nous avionsfrôlé la catastrophe au lendemain du scrutin. Il y a donc des causes et c’est à cela qu’il faut s’attacher. Mais la solution n’est pas se poser la question sur la légitimité du Président. Nous l’avons appelé Président de la République, donc nous reconnaissons sa légitimité. 

 

ALAKHBAR _Vous avez rencontré Ould Ghazouani. Quel bilan tirez-vous de ses six mois de pouvoir ?

 

Kane H. Baba : Six mois sont, à la fois, beaucoup et peu. Il va falloir être prudent en terme d’évaluation d’un bilan sur 180 jours. Mais c’est un bilan contrasté. Il y a d’aborduneapproche civilisée de ses rapports avec la classe politique et la capacité d’écoute dont il a fait preuve. Il s’agit là,déjà, de bonnes dispositions d’esprit pour décrisperune scène politique relativement figée. Maintenant,sur les politiques et programmesàmettre en place, nous attendons de voir le cadre de cohérence sur certaines questions,telles que l’unité nationale, la cohésion sociale et la démocratie,et qu’il fasse un dialogue qui doit être vécu comme une sorte de civilisation.Nous devons nous entendre, par exemple, sur les règles du jeu démocratique pour éviter de faire face à d’autres embuches ou de trébucher encore à l’occasion des prochaines échéances électorales. Il faudrait que les acteurs se retrouvent, discutent et trouvent des solutions consensuelles.

 

ALAKHBAR _Pas de reproches ?

 

Kane H. Baba : Vis-à-vis de qui et de quoi ?

 

ALAKHBAR _Vis-à-vis de la politique du président Ghazouani

 

Kane H. Baba : J’ai dit que je ne vois pas encore de cadre de cohérence en ce qui concerne les questions de l’unité nationale, de la cohésion sociale et de la démocratie. Tant qu’un dialogue n’est pas initié il est clair que cela restera insuffisant en terme d’accomplissement ou de renforcement de la démocratie et de l’enracinement de l’unité nationale.

 

ALAKHBAR _ Que pensez-vous de la guéguerre Ghazouani - Aziz ? Qui est à blâmer ?

 

Kane H. Baba : En politique et par rapport à ses enjeux, disons de politique partisane, mais qui renvoie, en réalité, au contrôle de l’Etat - puisque l’UPR s’est révélé être un parti-Etat -L’enjeu c’était le contrôle de la Etat.Quelque part, c’est le conflit entre la légalité et la légitimité. Chacun peut se prévaloir quelque part raison. Mais ce qui est sûr c’est que le débat était déplacé en posant la question de la « référence ». La référence d’un parti doit être son programme et pas autre chose.

 

ALAKHBAR _ Donc personne n’a tort, selon vous.

 

Kane H. Baba : Je ne suis pas le distributeur des torts et des raisons. J’observe un phénomène que j’essaie d’analyser. Mais là où il faut mettre le doigt c’est bien sûr les risques d’instabilité que cela peut comporter à partir du moment où le parti cherchera à exercer sa primauté dans l’Etat, au sein de l’Etat ou sur l’Etat. Le risque est là.  Or, nous sommes dans un régime démocratique d’inspiration de la constitution française. Tant que nous n’avons pas l’alignement entre l’Assemblée nationale et le Gouvernement, il est clair qu’on est pas au bout de nos peines et que nous irons vers une crise sous deux formes. Une crise de défiance ouqui aboutira à la cohabitation ou à la dissolution de l’Assemblée nationale. Le système que nous avons hérité à une logique : il faut un alignement de l’Assemblée nationale et du Gouvernement, ce qui n’est pas le cas. Je pense qu’on ne fait que différer ou reporter la crise et que ce problème restera posé pour longtemps encore.

 


 

ALAKHBAR _ La CVE est-elle une coalition électorale ou politique ?

 

Kane H. Baba : J’entends bien la nuance. Mais, sachez qu’à l’origine de sa création, la coalition avait, bien sûr, un projet de société, un projet politique qui consistait à dépasser le cadre électoral, autrement le cadre des élections présidentielles. Dans cette coalition CVE, il y a deux branches :celle politique, donc clairement électorale,et une branche développement. Nous sommes conscients de l’importance du développementpour enraciner la démocratie dans notre pays.Par conséquent,nous sommes une coalition qui regroupe, à la fois, des partis politiques, des organisations de la Société civile et des personnalitésindépendantes. Ce double référentiel nous le défendons à traves la CVE.La question d’unité nationale, la question de la démocratie,et les problèmes du développement qui sont des problèmes cruciaux,sans lesquels nous ne pouvons pas avoir une démocratie viable

 

ALAKHBAR _ De quel pôle de l’opposition la CVE est plus proche ?

 

Kane H. Baba : Nous ne nous définissons pas par rapport aux autres pôles de l’opposition. Nous avons un programme en fonction duquel nous apprécions la distanceavec tel ou tel pôle de l’opposition. Mais, il est clair que la CVEse situe dans l’opposition. Ce n’est pas nouveau.

 

ALAKHBAR _ Opposition radicale ou modérée ?

 

Kane H. Baba : Je n’endosse pas cette qualification. Il y a opposition tout court, mais responsable et programmatique qui défend une certaine idée de la Mauritanie. Nous sommes proches de ceux qui partagent cette idée qu’il s’agisse des questions, par exemple, liées à l’unité nationale, à l’injustice, aux inégalités, auracisme, à l’exclusion, etc.Nous sommes avec tous ceux qui pensent que la Mauritaniemérite mieux et qu’elle doit reposer sur des bases prenant en charge tous ses héritages. Disons-le clairement, la ligne de démarcation ne passe pas systématiquement - pas toujours en tout cas -entre ceux qui sont à l’opposition etles autres du côté de la majorité ou du pouvoir, mais plutôt entre les forces de progrès et cellesdu conservatisme.

 

ALAKHBAR _ Est-ce que la CVE va rejoindre le Gouvernement ?

 

Kane H. Baba : La CVE met en avant un programme. Nous pouvons conclure des consensus ou des accords sur la base de la proximité avec ce programme.

 

ALAKHBAR _ Et si vous vous identifiez dans le programme du Gouvernement ?

 

Kane H. Baba : Il y a d’abord une évaluation à faire. Vous m’avez déjà posé la question sur les six mois du Président Ghazouani.  Il y a des éléments positifs. Je considère,par exemple, que la mise en place de cette grande agence ou de cette délégation chargée de la lutte pour l’insertion des Mauritaniens est un point extrêmement positifs. Mais,il y a d’autres mesuresfortes qui doivent être prises dans le cadre de la question de l’unité nationale et de la démocratie qui pourront nous permettre d’avoir des éléments d’évaluation nouveauxetnous amener à prendre une décision.

 

ALAKHBAR _ Autrement dit, pour vous le principe de rejoindre le Gouvernement.

 

Kane H. Baba : Ma réponse, encore une fois, est oui, mais en tenant compte – n’oubliions jamais – de notre programme et de notre vision.

 

ALAKHBAR _Quel avenir pour la CVE ? Coalition ou parti politique ?

 

Kane H. Baba : Pour le moment, ce n’est pas le cas. En tout cas, la CVE a vocation à faire de la politique et elle fait de la politique. Il y a, au sein de la CVE, des partis politiques. La dimension politique y est importante. Nous considérons que la politique surdétermine l’économie, le social, le culturel et même le sportif. Par conséquent la CVE est plus qu’un parti.

 

ALAKHBAR _ Si le cadre était favorable, la CVE deviendrait-elle un parti politique ?

 

Kane H. Baba : Le moment venu, nous apprécierons. Actuellement, nous ne sommes gênés en rien par rapport à l’activité politique que nous devons mener. Nous n’avons aucun problème en tant que CEV à faire de la politique, parce que nous avons des partis membres de la CVE.

 

ALAKHBAR _ Est-il probable de fusionner ces partis?

 

Kane H. Baba : Nous n’écartons rien. Nous n’excluons pas cela. Mais à chaque jour suffit sa peine. Continuons d’abord à renforcer cette coalition, à l’enraciner et à lui donner une base, ce que nous sommes entrain de faire.Nous sommes dans une campagne d’implantation de la CVE. Ma foi, elle sera ce que les militants en voudront. Si demain nous avons une base qui réclame de passer à un autre stade à savoir le parti unifié, nous le ferons, sans état d’âme et avec plaisir.

 

ALAKHBAR _Vous avez annoncé une marche contre « l’oppression et l’exclusion ». Est-ce que le reste de l’opposition est associé ?

 

Kane H. Baba : Nous avons annoncé cela il y a environ une semaine à dix jours et nous sommes entrain de nous organiser. Il n’y a pas seulement la marche. Elle est précédée par des assises sur l’unité nationale et sur la cohésion sociale. Ces assises figuraient déjà dans notre programme de campagne. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas atteint l’objectif de la Présidentielle quenous devons renoncerà ces grandes idées. Lesassises n’appellent pas seulement l’opposition, mais aussi toutes les forces vives qui ont vocation à apporter une contribution à la question de l’unité nationale. Les pouvoirs publics sont également sollicités. Mais, il faut d’abord parler des assises qui sont un cadre de concertation et d’échanges et une force de proposition de solutions concrètes à la question de l’unité nationale, parce que beaucoup de gens l’évoquent, mais on a l’impression qu’il suffit qu’on se dédouane à moindre frais en appelant à l’unité nationale et à la cohésion sociale sans trop s’engager sur ce qu’on y met. Il faut qu’on descende dans cette arène-là pour dire concrètement ce qu’on a pour les Mauritaniens. Ce sont ces assises qui préparent la marche. Les deux activités ne sont pas déconnectées, mais plutôt synchronisés, parce que les conclusions des assises seront rendues publiques à l’occasion de la marche.

 

ALAKHBAR _ Etes-vous pour des législatives anticipées ?

 

Kane H. Baba : En 2018, nous avons vécu les élections les plus catastrophiques dans l’histoire politique de la Mauritanie. En plein hivernage, nous avions cinq urnes le même jour, et même pour des gens rôdés à la pratique du vote, la confusion était possible. Finalement, beaucoup de gens n’ont pas pu voter parce que sur un million ou moins de deux millions de votants le tiers était des bulletins nuls. Nous sommes le seul pays à pouvoir enregistré cette performance.Donc, le vote de l’électeur a été détourné en 2018. Ne serait ce que pour cette raison cela mérite déjà d’anticiper les élections. Il y a aussi la nouvelle gouvernance en place qui doit rechercher la légitimité par elle-même à travers des législatives.

 

ALAKHBAR _ Vous êtes donc pour des législatives anticipées

 

Kane H. Baba : Oui, mais elles ne doivent pas précéder le dialogue. Il ne faudrait pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Nous avons besoin d’abord avoir ce dialogue politique avec les acteurs qui ont vocation à faire la politique et non un dialogue politique qui ressemble à des festins etc. Non. Nous avons besoin de réunir les acteurs politiques, s’entendre sur les règles du jeu démocratique et poser toutes les questions. Nous avons vécu en fait des élections calamiteuses, même celles présidentielles. Jusqu’à la dernière minute on était au bord d’un accord entre le pouvoir et l’opposition. Finalement cela a capoté.

 

ALAKHBAR _Que pensez-vous de la nouvelle politique d’ouverture des media publics ?

 

Kane H. Baba : Non seulement je suis du même avis qu’il y ait une politique d’ouverture des média publics mais je dis que c’est à saluer et à encourager. Ces médias remplissent un rôle de service public ; Il n’est pas normal que la radio et la télévision nationales se considèrent comme des radios ou des télévisions gouvernementales. Il est temps que les médias se mettent un peu au diapason de l’évolution de la démocratie.Il y a un grand décalage entre les tentatives de démocratisation du pays et des médias dont le compteur reste plus ou moins bloqué sur les périodes de régimes à parti unique ou des régimes d’exception. Quelque chose est en train de bouger, mais il faut, bien sûr, le confirmer.

 

ALAKHBAR _ Quel est votre commentaire sur les rapports de la Cours des Comptes évoquant des cas de mauvaise gestion impliquant des membres de l’ex-régime ?

 

Kane H. Baba : Le principe de la transparence n’est pas seulement de se limiter à des rapports de la Cour des comptes remis à l’Assemblée nationale, au Président de la République ou au Gouvernement etc. pour amuser la gallérie. Il faut du sérieux avec les institutions. La Cour des comptes joue une mission importante. Elle participe à la reddition des comptes, indispensable en matière de transparence dans la gestion des deniers publics. Sur un autre plan, lorsque le nouveau pouvoir arrive, j’entends bien qu’il fasse le bilan pour dire « voici ce que nous avons trouvé ». Nous souhaitons aussi entendre, dans cinq ans, le président Ghazouani dire : « Voici ce que j’avais trouvé quand j’étais venu et voici ce que je laisse en partant ». Cela doit être quelque chose d’assez régulier et non perçu comme un règlement de comptes personnel. Il ne faut pas viser les personnes, mais plutôt leur fonction.  À partir de là, ce serait une règle qui entre dans la tradition de la gestion dans notre pays et qui permettra d’avoir un peu plus de transparence.  Ceux qui viendront sauront également que quand ils partiront d’autres évalueront leur bilan de parcours. Comme ça, nous allons améliorer la gouvernance dans notre pays. La transparence, elle est indispensable.



source alakhbar

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