L’opposition mauritanienne au pouvoir d’Ould Abdel Aziz – plus généralement, de presque tous les régimes militaires putschistes qui ont régenté la Mauritanie, depuis 1978, malgré l’installation, en 1992-93, d’une démocratie kaki, suite au discours de La Baule de François Mitterrand – n’a pas réussi à renverser le rapport de force en sa faveur. Comme ses prédécesseurs, l’homme du 6 Août s’est toujours imposé, entre fraude industrielle institutionnalisée et introduction de taupes au sein des divers pôles de l’opposition, ainsi amenés à se disloquer à chaque veille d’échéances électorales.
Agendas différents, voire concurrents, pour ne pas dire contradictoires ; jusqu’à ce paroxysme, en 2007 : l’APP de Messaoud ould Boulkheir, une des principales forces de l’opposition, appelle à voter, au second tour, pour le candidat des militaires du CMJD, Sidi ould Cheikh Abdallahi, contre Ahmed ould Daddah, président du RFD ; puis rebelote en 2013, lors des municipales et législatives. Le leader d’APP réglait alors des comptes, à ses adversaires qui avaient choisi de quitter le navire FNDU qui l’avait désigné candidat, suite à l’accord de Dakar de Juin 2009 ; quant aux islamistes, forts de leurs moyens et de leur capacité de mobilisation, décidaient, eux, de « boycotter le boycott » prôné par le FNDU dont ils étaient membres. Un boycott qui laissera des traces en cette coalition de onze partis, divers syndicats et de personnalités indépendantes, tout comme au sein de l’Union des Forces du Progrès (UFP).
Et le peuple, dans ce micmac ?
Conséquences de ces échecs et couacs, l’Alliance Electorale de l’Opposition Démocratique (AEOD) mise en place en Août 2018, ne réussira pas à s’entendre sur un candidat unique, interne ou externe. Question d’agendas, encore, plus moins teintée d’idéologie mais, aussi, d’opportunisme politique, voire de politique du ventre. Aujourd’hui, on a fini d’acter le décès du FNDU, longtemps porté, à bout de bras, par ses membres, et toujours à frôler la mort, à l’instar de la coalition des partis de « l’opposition dialoguiste » rassemblant l’APP, El Wiam, HAMAM puis SAWAB. Ce dernier a pu éviter la dissolution, en s’alliant électoralement, en Septembre dernier, avec l’IRA de Biram Dah Abeid.
La perspective de la présidentielle de Juin prochain a blanchi trop de nuits des leaders de l’AEOD. Incapables de s’entendre sur un candidat de consensus, ils se sont ainsi convaincus ; de plus ou moins bon gré, d’y aller chacun de son côté. ADIL aura été le premier à quitter le bateau qui chavirait déjà, pour annoncer son soutien au candidat de la majorité, Ould Ghazwani. Suivront les islamistes de Tawassoul, El Moustaqbel et HATEM jetant leur dévolu sur Ould Boubacar, tandis que l’UFP, le RFD et l’UNAD se sont coalisés autour d’Ould Maouloud. Très sceptique sur le concept de candidature unique, le leader du MPR rejoint, lui, les partis et mouvements à leadership négro-africain et voit son président, Kane Hamidou Baba, désigné, par cette mouvance, candidat à la présidentielle de juin prochain. Selon certaines sources, maître Mahfoudh ould Bettah, président du CDN dont le nom avait été cité parmi les candidats internes potentiels de l’opposition, pourrait se jeter, lui aussi, dans la course. L’AEOD a bel et bien volé en éclats, compromettant ainsi les chances de l’opposition à parvenir à une alternance démocratique en sa faveur.
Cette situation écartelée de l’opposition est aggravée par l’absence d’une société civile forte et homogène, comme « Y’en a marre », au Sénégal ; Filimbi en RDC ; « Balai citoyen », au Burkina… La prolifération incohérente des organisations non gouvernementales affaiblit la pression que les acteurs politiques pourraient exercer. D’un côté comme de l’autre, chaque fondation de nouvelle structure affaiblit les grandes, et les ONG, tout aussi fixées sur leur nombril que les partis – politique du ventre, encore et toujours… – se révèlent, dans la trivialité du quotidien, bien plus préoccupées de mercantile que de social. Et le peuple, dans tout ce micmac ?