Fini les tergiversations de l’exécutif et les reports des dates d’inscription sur les listes électorales ou du scrutin. La campagne électorale préalable au référendum constitutionnel a enfin débuté le 21 juillet et le peuple mauritanien est convoqué aux urnes le samedi 5 août par le chef de l’État, en vertu de l’article 38 de la Constitution.
Les électeurs devront répondre à deux questions. La première portera sur la suppression du Sénat, la création de conseils régionaux et le regroupement, au sein du Conseil supérieur de la fatwa, du Haut-Conseil islamique et du médiateur de la République. La seconde concernera l’adjonction, en hommage aux martyrs de la nation, de deux bandes rouges au drapeau mauritanien et la modification de quelques paroles de l’hymne national.
Les deux camps qui s’affrontent sont en ordre de bataille. Du côté de la majorité présidentielle, qui préconise le oui aux deux questions, figurent l’Union pour la République (UPR), le Parti mauritanien du concret (PMC - Arc-en-Ciel), l’Alliance populaire progressiste, l’Alliance démocratique et l’initiative « Dévouement ». Même l’ancien Premier ministre et ex-secrétaire général à la présidence en disgrâce, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, fera campagne pour le oui dans son fief du Hodh.
Tactique
L’opposition, elle, a organisé des manifestations contre le référendum le 15 et le 18 juillet. Elle se divise entre les partisans du non, comme la Convergence démocratique (CDN) ou le Mouvement pour la refondation (MPR), et les tenants du boycott, tactique qui permet de revendiquer tous les abstentionnistes, y compris ceux qui ne votent jamais. Les boycotteurs sont pour la plupart regroupés sous la bannière du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), qui réunit notamment l’Union des forces de progrès (UFP) et le parti islamiste Tawassoul.
Le boycott est aussi préconisé par le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA). Tous estiment que les modifications sont destinées à permettre au président Mohamed Ould Abdelaziz (« Aziz ») d’effectuer un troisième mandat en 2019, alors que rien dans les textes soumis au vote ne laisse apparaître une telle manipulation.
Il faut ajouter à ces opposants deux anciens présidents de la République, Mohamed Khouna Ould Haidalla (1980-1984) et Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi (2007-2008), sans oublier le Sénat, certes composé majoritairement de proches du pouvoir, mais qui s’est cabré devant sa suppression.
Depuis des mois, la guerre fait rage entre la seconde chambre et la majorité présidentielle, le chef de l’État ayant refusé, selon certains, aux sénateurs deux années de salaire à titre de compensation.
Un scrutin estimé à environ 11,7 millions d’euros
En mars, le Sénat a donc voté contre les modifications constitutionnelles, et le référendum a été organisé pour contourner son opposition. En riposte, les sénateurs ont tenté de bloquer le financement du scrutin (5 milliards d’ouguiyas, soit près de 11,7 millions d’euros), puis ils ont créé une commission d’enquête sur les marchés publics passés de gré à gré (nouvel aéroport Oumtounsy, Société nationale de l’eau), laissant entendre que le pouvoir avait avantagé les siens.
Celui-ci n’a pas tardé à se venger en incarcérant, malgré son immunité parlementaire, le président de cette commission, Mohamed Ould Ghadda, impliqué dans le décès de deux personnes lors d’un accident de la route.
Le oui est donné gagnant pour la première question (institutions), mais pas pour la deuxième (drapeau, hymne national). Du coup, l’enjeu du scrutin s’est déplacé vers la participation. « Si seuls 30 % du corps électoral votent, ce sera un fiasco, estime un membre du camp présidentiel. Si cette proportion atteint 50 %, on sauve les meubles. Et à 60 %, ce serait honorable. » Autant dire que la mobilisation en faveur du vote de l’ensemble des administrations et des notables du pays est à son maximum.
source jeuneafrique