La Mauritanie est née le 27 décembre 1899 par la volonté de la France coloniale qui lui donna aussi ce nom. Avant, c’était Bilad Chiguitt englobant l’essentiel du territoire actuel de la République sans la partie de la vallée habitée et contrôlée par les Poulo-Toucouleurs, les Soninkés et les Wolofs. C’est le général de Trintinian, gouverneur du Soudan qui, pour sécuriser le Sénégal en pleine exploitation, eut l’idée de « pacifier » le pays des Maures, par « la conquête morale » confiée à Xavier Coppolani et par l’occupation militaire réalisée par le colonel Gouraud après « dix mois de campagne et quinze cents hommes » .
La nouvelle colonie sera réorganisée par décret du 23 avril 1913 : « la bande de la rive droite du Sénégal, habitée par des populations noires, devait être rattachée aux cercles de la rive gauche ». Donc, le lieutenant-colonel Patey, le nouveau maître des lieux, au lieu de mettre les Noirs de Mauritanie avec ceux du Sénégal, avait préféré accroître la population poulo-toucouleur côté mauritanien. Quoi qu’il en soit, l’administration coloniale savait ce qu’elle faisait et les indigènes subissaient et continuent encore à subir les conséquences les actes de celle-ci.
Ainsi, la Mauritanie indépendante va vivre sans tarder une crise de cohabitation interraciale aux effets interminables. Avec des frontières tracées à la règle de façon arbitraire, des groupes humains parfois à cheval entre deux ou plusieurs aires géographiques mis ensemble sans leur avis, cela ne pouvait qu’engendrer la question rébarbative du « vivre-ensemble ». Il est cependant fort probable que si la métropole avait demandé aux uns et autres de quel côté ils voulaient être rattachés, elle aurait eu trois opinions divergentes : un pan négro-mauritanien choisirait le Sénégal, un segment arabo-mauritanien préfèrerait le Maroc et le restant serait pour un pays indépendant avec ses deux composantes noire et maure. C’est ce dernier choix qui avait triomphé avec les défis connus dont certains courent toujours. Aussi trois pays avaient des vues sur la Mauritanie : le Mali, le Sénégal et le Maroc.
L’Express du 15 septembre 1960 avait eu le scoop en son temps, il annonça : « vers le partage de la Mauritanie… l’Est pour le Soudan (le Mali), le Sud pour le Sénégal et tout le reste pour le Maroc ». Le Mali n’ayant pas eu les moyens de ses ambitions fit en quelque sorte contre mauvaise fortune bon cœur en prêtant main forte au Maroc aussi bien sur le terrain que sur la scène internationale. Le président Moktar rapporte : ‘’le Mali de connivence avec le Maroc, intensifia ses menées hostiles dans toutes nos circonscriptions mitoyennes des siennes… De la sorte, nos relations allaient connaître, deux ans durant, des tensions souvent très vives sur le terrain. Des incidents sanglants, eurent lieu à divers points de la frontière commune’’. Et d’ajouter : ‘’De plus, de la fin 1960 au début de 1963, dans les instances internationales, le Mali allié actif et agressif du Maroc, mena campagne contre nous ‘’. Après ces années de tumulte, les Maliens finirent par ne plus chercher à déstabiliser leur voisine ; tandis que les deux autres prétendants allaient entretenir avec elle des relations en dents de scie.
Le Sénégal joue un double jeu : C’est connu, le Sénégal avait défendu avec vigueur l’indépendance de la Mauritanie. Il avait agi sur la scène internationale pour que les prétentions marocaines n’aboutissent pas. Le discours de son ministre des Affaires étrangères Doudou Thiam à l’ONU à cet effet en était la parfaite illustration. Il était sincère et avait l’air de l’être. Cependant, le diplomate sénégalais n’avait pas tout dit. En effet, le Sénégal bougeait parce qu’il ne voulait pas être privé d’un « second pays », et il servait aussi l’agenda de la France qui voulait arracher aux Marocains un territoire stratégique et d’énormes richesses supplémentaires, plus facile à obtenir de la Mauritanie indépendante.
Le chroniqueur Justin Ndiaye est formel : « Même si la position du Sénégal était aveuglément alignée sur celle de la France désireuse de créer une entité mauritanienne, afin de faire main basse sur le minerai de fer de Zouerate via la MIFERMA, la posture de Dakar a aidé indiscutablement au sauvetage de la Mauritanie, des visées expansionnistes de Rabat. Donc à l’avènement d’une Mauritanie indépendante ». Aux calculs stratégiques des Sénégalais s’étaient ajoutées d’autres considérations d’ordre négro-nationaliste en ce sens que « certains milieux sénégalais voyaient d’un mauvais œil la présence à leur porte d’un État arabe » .
Tout comme ils avaient des préoccupations concernant les gens du Fouta qui, selon leur jugement ethnocentrique, « seraient mieux à leur place dans l’ensemble sénégalais que dans la situation de minorité qui était la leur en Mauritanie ». Peu importe, le sort en avait décidé autrement et les populations noires de la rive nord du fleuve étaient devenues mauritaniennes. Plus tard, le président Senghor qui s’était dressé devant les ambitions marocaines, avait cette fois-ci joué sa propre partition estimant, semble-t-il, que la composition raciale de son voisin était « une infirmité congénitale », son talon d’Achille. Étant en froid avec le président Haidalla qui n’était pas à la hauteur de ses aspirations, le poète de la négritude n’avait pas trouvé mieux que d’investir dans ce qu’il lui semblait être un angle d’attaque efficace, une faille vicieusement favorable à qui voudrait l’exploiter et surtout qu’elle était simple à penser : dresser la partie noire contre la partie « blanche » ; d’où le Walfougui (Walo-Fouta-Guidimakha) : un projet de République négro-africaine à ériger dans le Sud mauritanien.
Pour ce faire, Dakar avait engagé un maréchal des logis de la gendarmerie mauritanienne en désertion issu de la vallée afin « de favoriser la naissance – sur une ligne qui va du barrage de Diama à la ville de Sélibaby – d’un Etat-tampon ». La carte raciale sera également jouée par le président Abdou Diouf qui avait soutenu la naissance des FLAM (Forces de Libération des Africains de Mauritanie) et avait encore, selon le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw auteur de Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise, entraîné et armé les indépendantistes poulo-toucouleurs pour attaquer leur pays. Il explique : « Je fis faire quelques coups de main par les réfugiés mauritaniens et organiser quelques razzias de bétail qui firent comprendre aux interlocuteurs que ce sera coup pour coup ».
Les FLAM pour se défendre de cette grave accusation, tout en réfutant les propos du colonel Ndaw, confirment par ailleurs qu’elles avaient travaillé en intelligence avec « l’ennemi » : « nous avions, il est vrai, des contacts civils, militaires et politiques jusqu’au très haut niveau de l’État, notamment avec Jean Collin, Ministre de l’Intérieur. », et qu’elles avaient bel et bien organisé la lutte armée contre leur pays à partir du sol sénégalais. Les FLAM avouent aussi avoir été en mesure d’engager une vraie guerre de libération si elles avaient voulu. Les Séparatistes poulo-toucouleurs affirment dans la foulée : « nous avions eu des opportunités hautement crédibles de changer radicalement la donne en Mauritanie si nous n’avions inscrit notre lutte politique uniquement pour l’égalité et la démocratie. »
aqlame.com
La nouvelle colonie sera réorganisée par décret du 23 avril 1913 : « la bande de la rive droite du Sénégal, habitée par des populations noires, devait être rattachée aux cercles de la rive gauche ». Donc, le lieutenant-colonel Patey, le nouveau maître des lieux, au lieu de mettre les Noirs de Mauritanie avec ceux du Sénégal, avait préféré accroître la population poulo-toucouleur côté mauritanien. Quoi qu’il en soit, l’administration coloniale savait ce qu’elle faisait et les indigènes subissaient et continuent encore à subir les conséquences les actes de celle-ci.
Ainsi, la Mauritanie indépendante va vivre sans tarder une crise de cohabitation interraciale aux effets interminables. Avec des frontières tracées à la règle de façon arbitraire, des groupes humains parfois à cheval entre deux ou plusieurs aires géographiques mis ensemble sans leur avis, cela ne pouvait qu’engendrer la question rébarbative du « vivre-ensemble ». Il est cependant fort probable que si la métropole avait demandé aux uns et autres de quel côté ils voulaient être rattachés, elle aurait eu trois opinions divergentes : un pan négro-mauritanien choisirait le Sénégal, un segment arabo-mauritanien préfèrerait le Maroc et le restant serait pour un pays indépendant avec ses deux composantes noire et maure. C’est ce dernier choix qui avait triomphé avec les défis connus dont certains courent toujours. Aussi trois pays avaient des vues sur la Mauritanie : le Mali, le Sénégal et le Maroc.
L’Express du 15 septembre 1960 avait eu le scoop en son temps, il annonça : « vers le partage de la Mauritanie… l’Est pour le Soudan (le Mali), le Sud pour le Sénégal et tout le reste pour le Maroc ». Le Mali n’ayant pas eu les moyens de ses ambitions fit en quelque sorte contre mauvaise fortune bon cœur en prêtant main forte au Maroc aussi bien sur le terrain que sur la scène internationale. Le président Moktar rapporte : ‘’le Mali de connivence avec le Maroc, intensifia ses menées hostiles dans toutes nos circonscriptions mitoyennes des siennes… De la sorte, nos relations allaient connaître, deux ans durant, des tensions souvent très vives sur le terrain. Des incidents sanglants, eurent lieu à divers points de la frontière commune’’. Et d’ajouter : ‘’De plus, de la fin 1960 au début de 1963, dans les instances internationales, le Mali allié actif et agressif du Maroc, mena campagne contre nous ‘’. Après ces années de tumulte, les Maliens finirent par ne plus chercher à déstabiliser leur voisine ; tandis que les deux autres prétendants allaient entretenir avec elle des relations en dents de scie.
Le Sénégal joue un double jeu : C’est connu, le Sénégal avait défendu avec vigueur l’indépendance de la Mauritanie. Il avait agi sur la scène internationale pour que les prétentions marocaines n’aboutissent pas. Le discours de son ministre des Affaires étrangères Doudou Thiam à l’ONU à cet effet en était la parfaite illustration. Il était sincère et avait l’air de l’être. Cependant, le diplomate sénégalais n’avait pas tout dit. En effet, le Sénégal bougeait parce qu’il ne voulait pas être privé d’un « second pays », et il servait aussi l’agenda de la France qui voulait arracher aux Marocains un territoire stratégique et d’énormes richesses supplémentaires, plus facile à obtenir de la Mauritanie indépendante.
Le chroniqueur Justin Ndiaye est formel : « Même si la position du Sénégal était aveuglément alignée sur celle de la France désireuse de créer une entité mauritanienne, afin de faire main basse sur le minerai de fer de Zouerate via la MIFERMA, la posture de Dakar a aidé indiscutablement au sauvetage de la Mauritanie, des visées expansionnistes de Rabat. Donc à l’avènement d’une Mauritanie indépendante ». Aux calculs stratégiques des Sénégalais s’étaient ajoutées d’autres considérations d’ordre négro-nationaliste en ce sens que « certains milieux sénégalais voyaient d’un mauvais œil la présence à leur porte d’un État arabe » .
Tout comme ils avaient des préoccupations concernant les gens du Fouta qui, selon leur jugement ethnocentrique, « seraient mieux à leur place dans l’ensemble sénégalais que dans la situation de minorité qui était la leur en Mauritanie ». Peu importe, le sort en avait décidé autrement et les populations noires de la rive nord du fleuve étaient devenues mauritaniennes. Plus tard, le président Senghor qui s’était dressé devant les ambitions marocaines, avait cette fois-ci joué sa propre partition estimant, semble-t-il, que la composition raciale de son voisin était « une infirmité congénitale », son talon d’Achille. Étant en froid avec le président Haidalla qui n’était pas à la hauteur de ses aspirations, le poète de la négritude n’avait pas trouvé mieux que d’investir dans ce qu’il lui semblait être un angle d’attaque efficace, une faille vicieusement favorable à qui voudrait l’exploiter et surtout qu’elle était simple à penser : dresser la partie noire contre la partie « blanche » ; d’où le Walfougui (Walo-Fouta-Guidimakha) : un projet de République négro-africaine à ériger dans le Sud mauritanien.
Pour ce faire, Dakar avait engagé un maréchal des logis de la gendarmerie mauritanienne en désertion issu de la vallée afin « de favoriser la naissance – sur une ligne qui va du barrage de Diama à la ville de Sélibaby – d’un Etat-tampon ». La carte raciale sera également jouée par le président Abdou Diouf qui avait soutenu la naissance des FLAM (Forces de Libération des Africains de Mauritanie) et avait encore, selon le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw auteur de Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise, entraîné et armé les indépendantistes poulo-toucouleurs pour attaquer leur pays. Il explique : « Je fis faire quelques coups de main par les réfugiés mauritaniens et organiser quelques razzias de bétail qui firent comprendre aux interlocuteurs que ce sera coup pour coup ».
Les FLAM pour se défendre de cette grave accusation, tout en réfutant les propos du colonel Ndaw, confirment par ailleurs qu’elles avaient travaillé en intelligence avec « l’ennemi » : « nous avions, il est vrai, des contacts civils, militaires et politiques jusqu’au très haut niveau de l’État, notamment avec Jean Collin, Ministre de l’Intérieur. », et qu’elles avaient bel et bien organisé la lutte armée contre leur pays à partir du sol sénégalais. Les FLAM avouent aussi avoir été en mesure d’engager une vraie guerre de libération si elles avaient voulu. Les Séparatistes poulo-toucouleurs affirment dans la foulée : « nous avions eu des opportunités hautement crédibles de changer radicalement la donne en Mauritanie si nous n’avions inscrit notre lutte politique uniquement pour l’égalité et la démocratie. »
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