L'alternance que nous avons tant chantée, était-elle, au final, une illusion ou une réalité ? C'est la première question que je me suis posée en lisant l'article intitulé ‘’la Mauritanie de Ghazouani’’.
Il faut dire que sur les principaux points évoqués dans ce document signé par des chercheurs de renommée internationale, il est bien permis de dire le tout et son contraire.
En effet, le moins que l'on puisse dire est que les chercheurs ont élaboré, sur la base de leurs sources et de certaines données qui ne sont pas indiscutables, les termes de référence d'un débat contradictoire, tout à fait légitime, qu'il conviendrait d’approfondir.
En tout cas, un tel regard qui se veut être une analyse objective, faite par des observateurs étrangers, de la situation interne de notre pays ainsi que des défis sécuritaires qu'il affronte dans la sous-région devrait nous inciter à discuter entre nous-mêmes, avec sérénité, des problèmes de la Mauritanie.
C'est ce débat tant attendu, appelé concertation par les uns, dialogue par les autres qui devrait avoir lieu entre les leaders de la majorité dont l'influence politique a été ignorée et ceux de l'opposition dont le poids a été minimisé.
Il revient, donc en premier lieu, aux uns et aux autres de répondre à cet article qui n'est pas de nature à les honorer.
Mais il y a, au moins, un point essentiel qui nous interpelle et sur lequel les auteurs de l'article en question se sont, royalement, trompés.
En effet, nous ne pouvons pas et nous ne devons pas laisser des chercheurs censés être des experts de la Mauritanie, dire que l'alternance a été illusoire.
Conclusion hâtive
A elle seule cette conclusion hâtive discrédite, quelque part, leur analyse et dénote d'une certaine ignorance du contexte, spécifiquement, mauritanien dans lequel le concept de l'alternance au pouvoir a été forgée.
Il faut remonter à la première phase de transition de 2005 pour bien comprendre les raisons qui avaient conduit à un consensus national sur cette notion devenue centrale dans le vocabulaire politique mauritanien.
On sait que dans le but d'éviter le cycle infernal et récurent des coups d'état militaires, la classe politique, toutes tendances confondues, avait décidé de limiter, constitutionnellement, les mandats présidentiels pour une durée qui ne saurait, en aucun cas dépasser dix ans.
Par cette heureuse décision consensuelle, l'idée de l'alternance a été, ainsi inscrite dans le registre des fondamentaux au même titre que l'Islam en tant que religion de l'État et du peuple (impossible laïcité), la nature républicaine du régime (impossible monarchie) et caractère indivisible de la République (rejet du fédéralisme).
En ce qui concerne l'alternance en tant que nouvelle réalité du paysage politique mauritanien, il s'est passé quelque chose d'intéressant lors de la dernière élection présidentielle.
Ce concept devenu mobilisateur contre le 3ème mandat présidentiel
a réuni au-delà du clivage classique majorité- opposition, un large mouvement d'opinion.
Désormais l’opinion, communément admise, voudrait d'une part que le régime presidentialiste qui s’appuie, traditionnellement, sur un bloc conservateur à dominante tribale voire tribaliste ne se mue en monarchie.
Il convient, sur ce point, de souligner que l'alternance en Mauritanie n'implique pas forcément, l'élection d'un président issu des rangs de l'opposition et qu'elle peut valablement résulter d'un changement à la tête du pouvoir.
D''autre part, l'idée d'une inéluctable alternance au sommet du pouvoir est un message d'espoir tenant au caractère tournant de la fonction présidentielle.
Ce qui a changé et qui est appelé à changer dans la mentalité des Mauritaniens, c'est l'idée que le président de la République n'est plus l'inamovible chef d'État dont le pouvoir individuel se trouve, sans cesse, consciemment ou inconsciemment, renforcé par une sorte de coup d'état permanent contre les institutions.
En conclusion, ce qui a changé en Mauritanie et c'est un changement notoire c'est que le président de la République est désormais, en vertu de la constitution, une haute autorité dont le pouvoir est, strictement,
limité dans la durée.
A bout de la durée autorisée par la constitution, il doit, impérativement, rendre son tablier et se contenter du statut d'ancien président.
Abdelkader ould Mohamed
Ancien Ministre lecalame