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Mauritanie – Boydiel Ould Houmeid : « Nous nous opposons aux programmes, pas aux personnes »

Mercredi 15 Novembre 2017 - 19:24

Boydiel Ould Houmeid, 64 ans, ancien syndicaliste, a gravi tous les échelons de l’administration, jusqu’aux portefeuilles ministériels parmi les plus stratégiques, sous la présidence de Maaouiya Ould Taya.


Mauritanie – Boydiel Ould Houmeid : « Nous nous opposons aux programmes, pas aux personnes »

Il a successivement été chef de service de la solde, directeur du budget et des comptes, contrôleur d’État, directeur du Trésor et de la comptabilité publique, puis de la Société mauritanienne pour la commercialisation de poissons (SMCP), commissaire à la sécurité alimentaire, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie (qu’il a portée sur les fonts baptismaux) et plusieurs fois ministre : Commerce, Artisanat et Tourisme ; Développement rural, Pêches et Économie maritime ; Santé et Affaires sociales ; Finances ; et, enfin, ministre-secrétaire général à la présidence.
 

Ancien cadre du Pacte national pour la démocratie et le développement (Adil, l’ex-parti-État), qu’il a quitté en 2010 pour cofonder El Wiam, candidat à la présidentielle de 2014, le député-maire de Ndiago (dans le Trarza, Sud-Ouest) occupe une place originale sur un échiquier politique polarisé entre le pouvoir et l’opposition. Tout en siégeant sur les bancs de cette dernière, il accepte de dialoguer avec le président Ould Abdelaziz, prônant « une opposition responsable ».
 

Jeune Afrique : Certains vous reprochent de ne pas être un vrai opposant au président. Est-ce vrai ?
 

Boydiel Ould Houmeid : Avec dix députés, douze maires et 600 conseillers municipaux, El Wiam est le troisième parti du pays et le deuxième de l’opposition … Pas mal pour un mouvement créé en 2010, non ? Mais nous formons une opposition responsable et républicaine. Nous combattons des programmes, pas des personnes. Nous respectons ceux qui sont élus et, donc, le président Ould Abdelaziz.
 

Qu’est-ce qui vous sépare de ce dernier ?
 

Il est arrivé au pouvoir par un coup d’État contre le président élu Sidi [Sidi Ould Cheikh Abdallahi, seul président civil du pays, élu en avril 2007 et destitué par le putsch du 6 août 2008]. Ensuite, je suis très réservé sur son programme d’étatisation de l’économie. Nous l’avions libéralisée avec le président Maaouiya et, lui, il a effectué un retour en arrière en nationalisant et en créant des sociétés d’État. Sur le plan social, trop de Mauritaniens sont très pauvres et ne peuvent envoyer leurs enfants à l’école.
 

Et qu’est-ce qui vous sépare de l’opposition « radicale », qui boycotte les élections depuis des années ?
 

Je suis contre le boycott, qui a contribué à marginaliser cette opposition. Par le dialogue, nous avons de notre côté obtenu en 2011-2012 que la Commission électorale nationale indépendante [Ceni] n’ait plus rien à voir avec le ministère de l’Intérieur, que la proportionnelle soit instituée et que les femmes soient mieux représentées dans nos assemblées.
 

Le « dialogue » d’octobre 2016 auquel vous avez participé  a-t-il été positif ?
 

Oui, le Sénat a été supprimé. J’ai toujours considéré que cette Assemblée était un luxe que notre pays ne pouvait se permettre. En plus, son collège électoral très restreint était plus facile à corrompre que le suffrage universel qui désigne les députés…

Le chef de l’Etat a répété à de nombreuses occasions qu’il ne se représenterait pas. Je le crois.

Où en est l’autre réforme constitutionnelle, créant des conseils régionaux  ?

Nous travaillons à ses textes d’application. Ces conseils seront élus par le peuple et non par les conseillers municipaux. Ils se consacreront au développement économique. Il faudra que l’État les assiste et qu’ils aient les moyens financiers de leurs missions. S’ils travaillent dans les mêmes conditions difficiles que les communes, cette réforme ne servira à rien.

L’opposition « radicale » affirme que ces réformes sont des préparatifs pour un troisième mandat présidentiel d’« Aziz », aujourd’hui inconstitutionnel. Qu’en pensez-vous ?

Après des déclarations maladroites de ses proches, le président Ould Abdelaziz m’a appelé dans son bureau pour me dire qu’il ne se représenterait pas. Il l’a répété à de nombreuses occasions. Je le crois.

Croyez-vous que l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou ait tenté de corrompre élus, journalistes et syndicalistes, comme l’affirme le pouvoir ?

C’est un dilemme. S’il a essayé d’entraver le fonctionnement démocratique en les achetant, c’est condamnable. En revanche, si le pouvoir cherche par ce moyen à le mettre dans de sales draps, comme le disent ses amis, ce n’est vraiment pas une attitude à encourager. La justice fera la lumière, mais je crois que Bouamatou, entrepreneur qui a réussi, doit jouer un rôle en Mauritanie.

Estimez-vous que les Haratines sont défavorisés par rapport aux Maures blancs  dans la fonction publique, l’armée et la police ?

Dans ma jeunesse, j’ai milité dans le parti haratine de l’époque pour faire reconnaître nos droits. Mais lorsque le multipartisme a été institué, en 1991, je l’ai quitté car il ne faut pas conserver de partis ethniques. Créer des partis wolof, soninké, pulaar ou arabe, c’est le meilleur moyen de disloquer le pays ! Le président Maaouiya a été le premier à nommer un Haratine ministre. J’ai été trésorier général et ministre. Mais les Haratines sont toujours un peu discriminés, et il faut que les recrutements soient effectués en fonction des compétences.

La montée du parti islamiste Tawassoul vous inquiète-t-elle ?

Je suis hostile à l’utilisation de la religion en politique. Les autres partis ne sont-ils pas tout autant musulmans que Tawassoul ? En fait, il ne correspond pas aux traditions malékites mauritaniennes, et il n’aurait pas percé s’il n’était financé par l’extérieur.

Vous présenterez-vous aux prochaines élections municipales, régionales, législatives, présidentielle ?

Aux municipales et aux législatives, oui. En ce qui concerne la présidentielle, notre parti décidera s’il présente un candidat ou s’il soutient une autre personnalité.

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