Biram Dah Abeïd, le candidat indépendant national, a convié, lundi 8 Avril, en conférence de presse, les trois candidats dits de l’opposition : Sidi Mohamed ould Boubacar, Kane Hamidou Baba et Mohamed ould Maouloud ; à sceller tout de suite un pacte. « On ne doit pas ouvrir la porte aux négociations après le premier tour. Ce n’est pas conforme à l’urgence de la conjoncture qui appelle à une unité, une concertation totale et systématique, entre les quatre candidats. La position sentimentale de dégager une candidature unique était sans lendemain. Apparemment, chacun pensait être le candidat unique, jusqu’à partir, finalement, candidater ou se faire candidater. Nous sommes cependant heureux que l’opposition ait pu cerner les quatre coins de la Mauritanie. Je pense que les rangs de l’opposition sont ainsi compacts, avec l’émergence de ces quatre candidats ».
Et le dirigeant abolitionniste d’appeler tous les Mauritaniens, notamment ses militants et sympathisants, à se concerter et s’entraider, avec les soutiens de Sidi Mohamed ould Boubacar, Kane Hamidou Baba, et Mohamed ould Maouloud, partout dans le pays, autour d’un seul objectif fondamental : faire barrage au candidat du pouvoir. « Nous devons avoir les mêmes états-majors et nous partager les bureaux de vote dont le manque de couverture est une porte pour la fraude. Il faut qu’on se partage les départements, les communes rurales. […] Nous sommes maintenant en mesure de parler d’un véritable face à face, entre l’opposition et le pouvoir. Non, l’opposition n’est pas faible. Le peuple est opposant. Sans distinction d’ethnie ou de caste, le peuple est victime de la mauvaise gouvernance d’Ould Abdel Aziz ».
Assurer le blocage
Biram et ses amis se sont félicités de la quatrième candidature qui est ancrée dans l’opposition : celle de Kane Hamidou. Une délégation du courant RAG/Sawab, conduite par le leader haratine et comprenant : Abdessalam ould Horma, le vice-président Ahmed Obeïd, Oumar ould Yali, la députée Coumba Dada Kane, Balla Touré, Ahmed Hamdi et Hamady ould Lehbouss, s’est rendue auprès de Hamidou Kane, Samba Thiam et Ibrahima Sarr. Ils les ont félicités et leur ont tendu la main. « L’état normal des choses, c’est que l’opposition mauritanienne présente trois candidats, au minimum ; quatre, au maximum. C’est ce qui reflète sa configuration compartimentale. Ainsi se révèle le véritable challenge, le véritable défi pour le candidat du pouvoir, l’expression réelle des aspirations de tous les Mauritaniens. Il faut oser la vérité : Les Mauritaniens ne sont pas unis, ils sont divisés. Depuis 1978, le pouvoir en Mauritanie s’est employé à creuser les dissensions entre les Mauritaniens, à susciter la peur entre les factions. Il faut donc plusieurs candidatures pour ratisser large et assurer le blocage, au premier tour, du candidat du pouvoir ». Et d’insister, en rappelant combien la candidature unique prônée par l’opposition était une « mauvaise option » : le premier tour doit permettre, aux Mauritaniens, de choisir le meilleur challenger et le second, d’éliminer le tenant du titre.
Pour Biram, l’opposition a donc bien relevé le défi. « Elle est forte. Nous sommes assurés que le candidat du pouvoir ne passera pas au premier tour. Il sera recalé au deuxième. Nous voulons que les Mauritaniens, encore enchaînés par la mégalomanie, les gesticulations et les mesures de rétorsion du pouvoir, soient enfin libérés, à l’issue de cette consultation nationale. Le second tour offrira, à ceux qui soutiennent le pouvoir mais veulent la défaite d’Ould Ghazwani, l’opportunité de prendre place parmi nous. Aujourd’hui obligés de soutenir le candidat de la continuité du malheur et de l’appauvrissement des Mauritaniens, de l’esclavage et du racisme, ils seront, demain, avec tous les Mauritaniens qui lui feront subir un refus catégorique ».
Et d’enfoncer le clou : « Le pouvoir n’est plus en confiance. Il l’était, en 2009 et 2013, lorsqu’Ould Abdel Aziz céda la présidence de la CENI à l’opposition. Il ne l’est plus, en 2019, en maintenant une Commission Electorale Nationale « Intradépendante », ironise Biram, souteneuse du pouvoir, excepté l’APP. Le 15 Avril marquera la fin de toute possibilité de changement de cette structure. Toutes les requêtes de l’opposition visant à la rendre paritaire sont restées lettre morte. Biram dénonce « l’attitude du pouvoir qui panique, face à la force de frappe électorale de l’opposition et la détermination du peuple mauritanien à bouter, hors du pouvoir, le clan de la gabegie qui a transformé la Mauritanie en une grande prison ».
Manque de sérénité du pouvoir
Autre signe de ce manque de confiance, les pressions exercées par le pouvoir, sur les conseillers et les maires, pour qu’ils ne parrainent aucune candidature indépendante. Lorsque l’équipe de Biram s’est ainsi présentée, pour faire valider leur parrainage, devant l’autorité légale, cette dernière – en l’occurrence, le chef de brigade de la gendarmerie – l’a refoulée et aurait « menacé les conseillers de Male », révèle le député-candidat. « Le pouvoir et ses tenants se gargarisent d’avoir gagné à l’avance, prétendant que leur candidat est celui du consensus national. Alors, de quoi ont-ils donc peur, en faisant pression sur des conseillers ? Pourquoi chercher à fausser ainsi la compétition ? Lâche et antidémocratique attitude », dénonce Biram, « que de valider une CENI unidimensionnelle et d’empêcher les maires et les conseillers de parrainer les candidats de l’opposition ».
Le député abolitionniste convie aussi les Mauritaniens à se dresser contre « la » grande escroquerie, « cette manœuvre qui constitue à présenter un candidat pour la pérennité du pouvoir, en peau soit disant neuve. Il faut faire échec à ces tentatives et répondre sévèrement, à ceux des ex-opposants qui les soutiennent et qui n’étaient opposants, apparemment, que faute d’avoir été cooptés par Mohamed ould Abdel Aziz : le pouvoir ne cherche un nouvel habit que pour reproduire la même oppression des libertés publiques, la même gabegie sur l’économie nationale et les deniers publics. Ould Ghazwani ne va pas gouverner : Ould Abdel Aziz sera toujours derrière les rideaux, à tirer les ficelles. Le premier est sous les ordres du second. Ould Ghazwani n’est qu’une marionnette. S’il obtient victoire, les Mauritaniens vont devoir encore subir une décennie de (mal)gouvernance d’Ould Abdel Aziz. Chaque jour, les pratiques du pouvoir renseignent combien celui-ci est seul maître à bord. Ses méthodes sont omniprésentes ».
Et de citer en illustrations, la détention arbitraire et l’emprisonnement arbitraire de Cheikh ould Jiddou et d’Abderrahmane ould Weddady, ou, encore, la dissolution de deux ONG humanitaires : « Main dans la main » et « Al Islah » ; dont le travail profitait à une bonne partie des plus pauvres. Un signe, dit Biram, du « pouvoir dictatorial d’un Ould Abdel Aziz allergique à toute expression libre. Nous dénonçons, avec la plus extrême vigueur, la dissolution de ces ONG ».
Puis le député-candidat invite les Mauritaniens à une beaucoup plus sensible attention au génocide qui frappe les Peulhs du Mali. « Ce doit être un motif de révolte, pour tous les Mauritaniens. Le sang d’innocents est versé. Nous appelons la CPI à intervenir pour que les coupables soient traduits devant les tribunaux ; l’UA et l’UE à mener les enquêtes nécessaires. C’est notre devoir, en tant qu’humain et musulman, d’être solidaires des victimes de ce génocide ». Et de conclure en reconnaissant que l’Etat mauritanien a failli à son devoir de vérité, justice et réparations de ce que les Peulhs ont subi, en Mauritanie, durant les années de braises.
Compte-rendu THIAM
source lecalame.info