Pour rappeler brièvement les faits, le 22 octobre 1987 un coup d’État contre le régime de Ould Taya (lui-même arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch depuis 1984) a été déjoué. Les suspects sont des militaires noirs mauritaniens à la tête desquels se trouvaient les lieutenants Ba Seydi, Sy Saidou et Sarr Amadou. Le 8 novembre, avant même qu’un procès ait eu lieu, le MND (en quelque sorte ancêtre idéologique et biologique, par une considérable transmission d’entités humaines, de l’UFP) rédige une déclaration exprimant sa position. Les lieutenants cités seront fusillés le 6 Décembre. Des peines d’emprisonnement, ou de torture pour nommer les choses plus exactement, seront infligées à d’autres militaires de la même souche ethnique. Au passage, il n’y a eu à ma connaissance aucune déclaration du MND s’offusquant d’exécutions extrajudiciaires ou de peines exagérées. On peut ainsi dire que ledit mouvement était satisfait de cette issue. Du moins, il n’a pas été autant alerté par ces exécutions extrajudiciaires perpétrées par le régime qu'il ne le fut par un coup d’État déjoué.
Dans ce texte préliminaire, que je veux aussi bref que possible, je vais me confiner à exposer trois observations qui me semblent concerner les trois aspects les plus fondamentaux de cette déclaration.
1) Tout d’abord, le MND pose une observation extrêmement curieuse et qui enlève toute crédibilité à sa démarche en tentant, par tous les moyens, de faire croire que ce coup d’État déjoué était de nature à transcender tout ce que le pays a connu d’irrégularités jusqu’alors. Mieux, la déclaration dissimule complètement la tradition déjà mûre de la prise de pouvoir par voie militaire qui a mené aux commandes trois des quatre derniers chefs d’état, y compris celui de l’époque. Elle a décidé de parler d’un « équilibre politique » que le pays aurait vécu depuis son indépendance et que cette tentative déjouée de putsch aurait perturbé. Condamner un putsch, en invoquant une position démocratique, est une chose. Mais procéder par autant de falsifications est pour le moins de nature à alerter sur les véritables motivations. Tout indique que le MND aurait surfé sur ce putsch manqué, en faisant fi de toute mesure, pour inciter le régime, dans un esprit de règlement de compte, à neutraliser des contradicteurs idéologiques que sont les membres de cette tendance politique proche des protoganistes. Cette hypothèse a la force d’expliquer à la fois l’excès et les incohérences se trouvant dans la déclaration, le choix délibéré de faire abstraction du contexte voire de le fausser pour réconforter les suggestions et les conclusions, et l’absence de déclaration après que des peines extrêmes ont été appliquées.
2) Ensuite, il convient de noter une équation malhonnête qui a servi de deuxième pied à ce texte. Le MND met au même pied d’égalité d’un côté une tentative de putsch dont la cible est le pouvoir en place, et de l’autre la chasse entamée par ceux qu’il nomme extrémistes arabes dont les cibles sont les Haalpulaar en tant qu’ethnie. D’un côté, on a donc des militaires qui veulent conquérir le pouvoir, ils ne sont pas allés en ville attaquer des citoyens sur la base de leur provenance ethnique ni sur aucune autre. De l’autre côté, on a une chasse aux individus d’une ethnie qui n’est motivée que par la haine envers leur communauté. Comment une démarche intellectuelle peut-elle arriver à trouver une équivalence entre les deux faits à tel point qu’elle puisse les soumettre à une même critique ? Que soit dite la différence fondamentale entre une action militaire contre un régime militaire et une chasse orchestrée contre une communauté ethnique.
3) Enfin, le troisième pied est aussi une forme d’équation malhonnête. Toujours dans un souci d’équillibrisme, le MND, dans cette déclaration, met sur le même pied d’égalité d’un côté l’idée de certains (qui peut être critiquée à volonté) de défendre les terres du sud de tout accès aux maures, et de l’autre la volonté de certains maures d’imposer une identité arabe exclusive à la Mauritanie. D’un côté, on a des gens qui défendent un bien vital ancestral, tout comme les nordistes le font quand il s’agit du leur. Et de l’autre, des individus qui veulent imposer une langue et une identité à tout un pays. Comment, encore une fois, arriver à mettre ces deux faits sur la balance et faire comme s’il y avait équilibre ? Là aussi que soit dite la vérité : la défense d’un bien légitime par l’arme n’est aucunement de même nature que l’imposition illégitime d’une identité sur les autres, même si cette imposition n’est défendue que par un discours. Ce n’est pas une question de moyen de défense mais bien de légitimité,... de légitime défense!
Si l’on soustrait tout le verbiage ‘massagier’, ce sont-là les trois éléments de contenu qui sont avancés pour alimenter l’essentiel de « l’argumentaire » déployé dans cette déclaration.
Je vous laisse évaluer la teneur en malhonnêteté intellectuelle et en manipulation de cette déclaration. Je pense sincèrement que continuer à défendre un tel texte, en toute connaissance de cause, c’est effectivement faire preuve de la même malhonnêteté et de la même manipulation aux dépens du peuple.