Le nouveau chef d’État de la Mauritanie doit s’engager à corriger le bilan déplorable du pays en matière de droits humains, et notamment à prendre de véritables mesures pour mettre fin à l’esclavage et protéger contre les arrestations arbitraires, la torture et les autres mauvais traitements les personnes qui défendent les droits humains et militent en faveur de ces droits, a déclaré Amnesty International le 1er août 2019, alors que Mohamed Ould Ghazouani s’apprêtait à être investi président.
L’organisation a insisté sur le fait que les autorités niaient systématiquement l’existence de violations des droits humains, citant en particulier la discrimination raciale, la réduction de l’espace civique et la restriction du droit à la liberté d’expression, et a engagé le président nouvellement élu à donner la priorité au respect de l’ensemble des droits fondamentaux.
« La situation dont hérite le président Ghazouani se caractérise par l’esclavage de plusieurs milliers de personnes, celles et ceux qui dénoncent cette pratique étant bien souvent arrêtés et emprisonnés arbitrairement. Les arrestations et détentions arbitraires, la torture et les autres mauvais traitements, et l’interdiction systématique des rassemblements pacifiques sont monnaie courante en Mauritanie, les démentis opposés par les autorités ne faisant qu’aggraver depuis longtemps la situation, a déclaré Kiné Fatim Diop, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
« Nous demandons au président Ghazouani de veiller à ce que son gouvernement rompe avec le passé et de démontrer sa volonté d’améliorer les droits de tous les Mauritaniens et toutes les Mauritaniennes. »
En juin, lors de la campagne électorale, Amnesty International s’est associée à d’autres organisations de la société civile pour appeler chacun des six candidats à l’élection présidentielle à s’engager à mettre en œuvre des réformes et à faire évoluer les pratiques afin de satisfaire aux obligations nationales et internationales relatives aux droits humains de la Mauritanie.
Trois des six candidats ont signé le manifeste, se déclinant en 12 engagements en faveur de la promotion et de la protection des droits humains en Mauritanie. Bien qu’il ait été officiellement invité à le faire, Mohamed Ould Ghazouani – candidat du parti au pouvoir – n’a pas signé ce texte. Pendant sa campagne, il n’a pas non plus fait montre d’une quelconque volonté d’améliorer la situation désastreuse des droits humains dans le pays.
Pendant la période qui s’est écoulée entre la réélection du président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz, en juin 2014, et les dernières élections, en mai 2019, Amnesty International a recueilli des informations faisant état de la fermeture de 44 organisations de la société civile œuvrant en faveur du respect des droits humains.
Pendant cette période, au moins 174 défenseurs et défenseures des droits humains ont été arrêtés arbitrairement et 17 d’entre eux ont été torturés ou autrement maltraités. Depuis longtemps, les autorités mauritaniennes qualifient de « traîtres » ces personnes, et celles et ceux qui dénoncent les discriminations sont systématiquement victimes de harcèlement, d’intimidation et d’agression.
À l’annonce de la victoire de Mohamed Ould Ghazouani, le 22 juin, quatre autres candidats ont contesté les résultats et des manifestations ont eu lieu. Ce jour-là, les autorités ont procédé à des arrestations massives, interpellant près de 100 personnes dont des sympathisants de l’opposition et des journalistes, et ont déployé les forces de sécurité à Nouakchott, la capitale mauritanienne, et dans les villes de Nouadhibou et de Kaédi.
Des ressortissants de pays d’Afrique de l’Ouest ont également été agressés et certains d’entre eux ont été renvoyés dans leur pays après avoir été accusés de déstabiliser la paix en Mauritanie. L’accès à Internet a été coupé pendant 10 jours pour empêcher, semble-t-il, les rassemblements et les manifestations. Les forces de sécurité ont fermé le siège de la coalition d’opposition.
« Nous engageons les autorités à abroger les lois qui érigent en infraction le droit à la liberté d’expression, ainsi qu’à respecter, protéger et promouvoir le droit à la liberté de réunion pacifique », a déclaré Kiné Fatim Diop.
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